L'aventure de Mouhibi El Fen ne date pas d'hier. Elle a commencé en 1932 et se confond avec celles des associations nées pendant la période coloniale où la culture et le sport faisaient le lit de la politique. En 1937, sur un oukase de l'administration occupante, elle cessera toute activité. Déjà, il y avait l'authentique Abdelkader Toumi et l'incontestable Abderrahmane Bencharif qui activaient dès la création du groupe. Ils survivront tous les deux aux vicissitudes de l'administration française pour remettre sur les rails l'ensemble du malouf en 1983, sous l'égide du groupe El Feth, puis en 1991 où Mouhibi El Fen reviendra sous son appellation d'origine. Douadi Kheloufi, qui nous a quittés il n'y a pas longtemps, jouera le rôle du rassembleur et avec l'aide de Toumi et de Abdelbaki Hadjadj, tentera de sauver ce qui restait des noubas, tout en écartant celles qualifiées par les spécialistes « d'erronées ». Il sera le catalyseur d'un groupe qui enfantera plusieurs chanteurs, reconnus plus tard, comme Hocine Berrahma, Larbi Ghazal, Rabah Khettat et Bramki, pour ne citer que ceux-là. C'est que le groupe est devenu une école et fera de la formation son credo, tout en continuant à se produire aussi bien sur les scènes algériennes que tunisiennes, égyptiennes, syriennes, espagnoles, suisses, turques et françaises et ce, à l'occasion d'événements religieux et/ou artistiques. D'ailleurs, et lors du dernier festival Andaloussiate qui s'est déroulé à Alger Mouhibi El Fen a charmé le public de la capitale par ses interprétations magistrales de malouf très relevé, surtout un raml maya qui a fait tilt chez l'auditoire. Le chef d'orchestre du groupe, Abdelbaki Hadjadj, très satisfait de la tournée de Mouhibi El Fen, n'en ressent pas moins une certaine amertume, il dira : « Contrairement à nos voisins, nous disposons de trois écoles : tlemcénienne (gharnata), algéroise (sanaâ) et constantinoise (malouf), un patrimoine qu'il faut préserver et non regrouper le tout en un cafouillis, qu'on appellera musique andalouse, ce qui ne fera le jeu que des opportunistes qui se sont érigés en connaisseurs. » Allusion à peine voilée en direction d'un musicien de la place algéroise qui voudrait « unifier » les trois écoles. Cela n'arrêtera pas Mouhibi El Fen qui vient de réaliser un double CD. Le premier, purement musical, qui regroupe quatre benchrafs et une touchia et le second où Larbi Ghazal chante « El Meknassia » dans un style purement aâroubi. Un succès remarqué auprès des mélomanes amoureux du malouf et qui vient combler une production où les sanaâte de qualité ne sont pas légion. Quoi qu'il en soit, Mouhibi El Fen, qui reste aujourd'hui synonyme de professionnalisme, entame encore une fois une carrière jalonnée de réussites avec l'ombre protecteur de ses géniteurs que sont Abdelkader Toumi et Abderrahmane Bencharif.