Artisan talentueux de l'architecture moderne, sa renommée a rarement dépassé les milieux professionnels. Ses premières armes, il les fit à Alger qui était alors (des années 30 à 50) un «laboratoire mondial de l'architecture moderne», attirant les tenants de la discipline et, en premier lieu, son fondateur et «gourou», Le Corbusier, qui se passionna notamment pour La Casbah et l'architecture du M'zab. Dans cette dynamique, de grands noms de l'architecture apparurent qui, par la suite, rayonnèrent dans le monde entier. Parmi eux, Roland Simounet présentait la particularité d'être le seul autochtone. Il est né en effet en 1927, à Guyotville (aujourd'hui Aïn Benian). De cela, il tirait une connaissance, rare parmi ses confrères, du pays, de ses architectures, de ses populations, etc. Quand on sait qu'un architecte doit maîtriser l'environnement naturel, socioculturel et même historique de son lieu d'intervention, cette particularité n'était pas sans bénéfice et, souvent, les grands architectes qui travaillaient à Alger le consultaient. Il était très proche de Jean de Maisonseul, autre natif d'Alger, urbaniste, peintre et conservateur du Musée des Beaux-arts d'Alger à qui l'on doit la restitution par la France des 300 œuvres emportées après l'indépendance. Une des raisons des limites de la renommée de Simounet réside sans doute dans le fait qu'il ait surtout travaillé sur des maisons individuelles et des projets à caractère social. Ce n'est qu'après son installation en France qu'il se distinguera par des œuvres de prestige et de plus grande visibilité, devenant notamment un «constructeur de musées». Il est ainsi l'auteur du Musée de la Préhistoire d'Ile de France (1979) qui a été labellisé Patrimoine du XXe siècle, du Musée d'Art moderne de Villeneuve d'Ascq (1983) et de l'aménagement du Musée Picasso de Paris qui lui vaut, en 1985, le prix de l'Equerre d'Argent. Il a aussi conçu l'Ecole d'architecture de Grenoble (1978), un groupe de logements à Saint-Denis (1990) et l'Ecole de danse de Marseille (1993). Il a obtenu en 1977 le Grand prix national de l'architecture, distinction française prestigieuse car attribuée pour l'ensemble de l'œuvre d'un architecte. En Algérie, Simounet s'est fait connaître par la maison Tosi de Bouzaréah (sur les hauteurs de la cité CNEP de Chevalley), réalisée en 1951, aux lignes pures très corbuséennes, construite sur pilotis. De là, une forte demande de maisons individuelles afflue vers lui. Il conçoit la maison Aboulker à El Biar, dont il dirige lui-même les travaux (1953-1956), y compris le jardin, car il était un connaisseur accompli en botanique. L'historienne de l'art, Soda Kumiko, qui a consacré à Simounet et à ses œuvres sa thèse de doctorat et diverses publications, a relevé qu'il «excellait en particulier dans le domaine de la construction d'un habitat confortable pour les Algériens, dont il a respecté avant tout la culture et les coutumes»*. En 1956-1957, il réalise avec des moyens limités la maison Bernou à Alger, après avoir vécu un mois dans cette famille algérienne. A une plus grande échelle, il concevra la cité de transit Djenan El Hassan d'Alger ainsi que la nouvelle agglomération de Timgad avec des moyens très limités et dans un contexte très difficile. A l'âge de 24 ans, il avait participé au CLAM d'Alger, groupe qui organisait des rencontres internationales d'architecture et dont les cahiers sont encore publiés, étudiés et utilisés dans le monde entier. En 1953, le groupe le charge d'étudier le bidonville de la Cité Mahieddine à Alger et de l'analyser selon quatre points de vue : habitat, travail, culture du corps et de l'esprit, circulation. Il rencontre les habitants, discute avec eux, visite, mesure, photographie, dessine… et en revient révolté par la pauvreté qui y règne, mais aussi émerveillé par les ressources et la rationalité des habitants. Selon Soda Kumido, «Simounet tire une leçon précieuse de cette expérience qui a jeté les fondements des principes inébranlables de toute sa carrière d'architecte». Elle cite Simounet qui écrivait alors : «A mon grand étonnement, je découvrais un habitat spontané, ingénieux, avec une économie de moyens, des espaces maîtrisés, un respect de l'ancrage et de la végétation, une vie de quartier organisée, une solidarité saisissante. Bien sûr, la trame sanitaire restait nécessaire et urgente, mais la leçon d'espoir était là…» Aussi, peut-on raisonnablement imaginer que dans l'aménagement du Musée Picasso de Paris, se trouvent des leçons du bidonville de la Cité Mahieddine d'Alger !
* «La réalisation de la nouvelle agglomération de Timgad pendant la guerre d'Algérie : Livraisons d'histoire de l'architecture. n°9, 1er semestre 2005.