Cette nouvelle édition de la Fashion Week de New Delhi a permis aux amateurs de la mode de constater que l'attrait de la femme indienne est littéralement tourné vers l'Occident. Une femme déterminée à se séparer de son traditionnel sari aux couleurs colorées pour des robes plus légères et dans des tons plus pondérés et ce, tout en préservant l'authenticité des tissus nobles indiens. De l'avis de certains stylistes présents à ce rendez-vous, la mode indienne s'ouvre enfin vers l'étranger, influençant même les femmes traditionnelles, toujours pudiques, dans leurs choix vestimentaire. «Cette femme troquerait sa collection de saris chatoyants contre des robes légères… une vision contemporaine liée au boom économique du pays», disent-ils. Si les derniers défilés en Europe ont parfois flirté avec la tentation ethnique en présentant des modèles inspirés du sari, complexe drapé de tissus en soie ou coton sans coutures, l'Inde veut aujourd'hui montrer que les richesses de ses tissus peuvent aussi habiller une femme «mondiale». A titre d'exemple, la collection automne hiver 2011, de la styliste indienne Neeru Kumar, témoigne de cette volonté d'ouverture dans un pays où la plupart des femmes restent fidèles à un dressing des plus traditionnels. Diplômée de l'Institut de design d'Ahmedabad, Neeru Kumar a offert, lors de son défilé de baptême, un florilège de tenues aériennes en soie de l'Assam, se déclinant en chemisiers à col claudine, robes à manches ballon ou encore à vestes ceinturées. A ce propos, elle a a déclaré à la presse spécialisée, qu'elle travaille pour la femme du monde entier. Pour les besoins de sa collection, Neeru Kumar a opté pour des mannequins de nationalité européenne pour défiler. Ses tenues, que l'on pourrait croiser dans les rues de New York, Paris ou Rio, peuvent se targuer de contenir une gamme de couleurs sobres telles que le marron, le gris ou le beige. A contrario, la styliste s'est plu à présenter des explosions chromatiques habituellement imprimées sur les saris et sur les tuniques et pantalons bouffants. Pour sa part, le styliste, Rahul Khanna, a lancé en 1997 la marque Rohit Gandhi – Rahul Khanna en association avec un autre créateur. Ladite marque veut parier sur une version rock et glamour des vêtements traditionnels. La récente vogue occidentale des vestes à sequins se retrouve sous forme de plastrons cousus sur des tuniques indiennes portées en robes. Il estime que «le marché indien est en train de s'ouvrir grâce à l'arrivée de marques internationales, et comme la demande explose, les créateurs indiens sont aussi mieux exposés». En poursuivant que «l'émergence d'une classe moyenne, évaluée à 10% de la population de 1,2 milliard d'habitants, a multiplié par deux le nombre de personnes s'intéressant aujourd'hui à la mode», explique-t-il. Pour le président du conseil indien de la mode, «les créateurs indiens ont maintenant compris comment dessiner une silhouette occidentale avec une sensibilité indienne». Preuve en est que la mode s'ouvre vers l'étranger, l'Institut français supérieur des arts appliqués est sur le point d'ouvrir une antenne à New York pour former des jeunes Indiens. «La croissance économique et le besoin d'une éducation pointue dans le domaine de la mode nous ont motivés à ouvrir une école en Inde», affirme Bikram Bawa, membre du conseil d'administration. Cette école permettra aux étudiants «d'exploiter l'histoire culturelle de l'Inde tout en étant exposés aux tendances internationales», enchaîne ce spécialiste de la mode qui vogue entre Londres et Delhi. Si la plupart des stylistes de renom sont satisfaits de cette 12e édition, il n'en demeure pas moins que certains apprentis stylistes déplorent cependant une mode encore trop sage à leur convenance. «Pour moi, la mode indienne n'est basée que sur les traditions. Ce sont des vêtements amples, faciles à porter. On voudrait trouver des variations plus modernes», lance un jeune styliste.