L'affichage des listes des bénéficiaires ou la simple annonce de distribution d'un quota de logements provoquent des sit-in, voire des émeutes. Les autorités ont compris cette équation proprement algérienne. Suite au soulèvement populaire de janvier dernier, le gouvernement a même gelé les distributions de logements par peur d'un embrasement général. Ce mois de juin, les distributions ont repris et les émeutes aussi. Les raisons évoquées par les manifestants et les émeutiers pour justifier leur colère sont le déséquilibre entre l'offre et la demande d'un côté, et la manière de faire la distribution peu transparente des autorités locales, de l'autre. A Alger, les 57 communes ne bénéficieront que de 1900 logements sur 120 000 demandes. Hier encore, les flammes de la colère ont atteint Bab Ezzouar. 60 logements ont été seulement distribués pour 900 demandes. Pis encore, «ce ne sont pas vraiment les nécessiteux qui en ont bénéficié. Je postule pour avoir un logement en vain depuis 1998», témoigne un mécontent. Des émeutes ont éclaté en même temps à Baraki et aux Eucalyptus. A Sidi M'hamed, il y a quelques jours, l'affichage de la liste a provoqué une grogne chez les recalés de cette attribution devant le siège de l'APC. La liste ne comprenait également que 60 logements pour quelque 6800 demandes. Même climat de tension à Bab El Oued lors de la distribution de 100 logements, la semaine dernière. Les listes contestées A El Madania, les protestataires ont jugé que la liste de 80 logements est insuffisante et préparée sur mesure pour satisfaire des pistonnés. Pour se faire entendre, des jeunes ont choisi la manière forte en s'en prenant au siège de l'APC, qui a failli être saccagé n'était l'intervention rapide de la police. Partout en Algérie, le constat est le même : affichage égal émeute. A Boufarik et Beni Tamou, dans la wilaya de Blida, le fait que les listes soient établies par les élus des deux APC n'a pas empêché la contestation. A Bordj Menaïel, dans la wilaya de Boumerdès, l'affichage d'une dizaine de noms de bénéficiaires de la même famille a soulevé un vent de mécontentement parmi les citoyens qui se sentent lésés. A l'est du pays, à Batna plus exactement, l'affichage de la liste des bénéficiaires d'un quota de 163 logements sociaux a mis le feu aux poudres. Des affrontements ont vite éclaté entre postulants et forces de l'ordre. Des dizaines de manifestants ont accusé le P/APC et le chef de daïra d'avoir favorisé leurs proches. Ils ont investi la RN78 et paralysé la circulation automobile entre Biskra et Sétif. Ces deux dernières wilayas n'ont pas été épargnées par cette vague émeutière relative au logement. Au sud du pays, les postulants parlent de «bénéficiaires indus» sans pouvoir les dénoncer par peur de représailles. Et pour cause, plusieurs mécontents ont marché à Biskra lors de la distribution de 300 logements sociaux. L'ouest du pays ne déroge pas à la règle. L'attribution de 60 logements sociaux à Oued El Kheir, relevant de la wilaya de Mostaganem, a engendré de violentes manifestations et la fermeture du CW n°13. Le motif ? Toujours le peu de logements disponibles sont attribués à des personnes qui ne répondent pas aux critères. Le gouvernement doit réagir vite et s'expliquer sur cet énorme déficit en logements sociaux, au moment où il se targue d'en avoir réalisé deux millions en seulement cinq ans ! Il est également interpellé par rapport au travail peu ou pas du tout transparent des commissions locales chargées de l'établissement des listes des bénéficiaires. La révolution du logement est à nos portes !