Certains organes de presse, en organisant des interviews, en donnant la parole à des hommes politiques, à des universitaires, à des experts, ont contribué à enrichir les débats se rapportant à cette importante question. Et c'est ainsi que des idées intéressantes ont été formulées, aussi bien en ce qui concerne le niveau que la gestion de ces réserves. Cependant, il est à noter que, malgré les éclaircissements donnés à plusieurs reprises sur la nature des réserves de change et leur gestion, des confusions continuent à caractériser certains points de vue. I – La nature des réserves de change Les réserves de change sont la contrepartie des dinars Les réserves de change constituent la contrepartie des dinars que la Banque centrale a émis en achetant les devises rapatriées par les opérateurs économiques, essentiellement la Sonatrach, puisque 97% de nos devises proviennent de l'exportation des hydrocarbures. En termes très simples, lorsque la Sonatrach exporte des hydrocarbures, elle reçoit des dollars qu'elle cède à la Banque centrale et obtient en contrepartie des dinars qui lui servent à payer les impôts et à couvrir ses autres dépenses. Ces mêmes opérations se font avec tous ceux qui rapatrient des devises (autres exportateurs, émigrés qui envoient une partie de leurs économies en Algérie, investisseurs étrangers, ambassades étrangères, etc.) Ainsi donc, lorsque la Banque centrale acquiert des devises, elle se constitue des réserves de change et, en même temps, elle émet des dinars qui viennent augmenter la masse monétaire. Ces réserves de change font, par conséquent, partie du bilan de la Banque centrale, laquelle les maintient en vue de faire face à tous les règlements en devises qu'auront à effectuer les opérateurs économiques. Ces règlements en devises se traduisent par une diminution des réserves de change et une récupération de dinars par la Banque centrale, ce qui entraîne une réduction de la masse monétaire.Contrairement à ce qui est indiqué, parfois les réserves de change ne représentent pas des fonds qui appartiennent à l'Etat qui les aurait constitués à la suite d'économies et qu'il pourrait utiliser pour couvrir ses dépenses. Au même titre que les autres opérateurs économiques, l'Etat au cas où il veut obtenir des devises pour importer des biens et des services ou effectuer d'autres dépenses, doit rétrocéder, à cet effet, des dinars à l'Institut d'émission. D'autre part, les affirmations selon lesquelles notre pays procède à une «surexploitation» de ses hydrocarbures pour accumuler des réserves de change oisives ou peu productives ne sont pas tout à fait exactes non plus. Si «surexploitation des hydrocarbures» il y a, elle est provoquée par les besoins de plus en plus élevés en ressources du budget de l'Etat, plus particulièrement, mais également des besoins en ressources de Sonatrach et des autres exploitants. En effet, le financement du budget de l'Etat repose sur la fiscalité pétrolière, qui représente plus de 60% des recettes budgétaires. Il est vrai aussi que l'augmentation excessive de nos importations de biens et services requiert de plus en plus de ressources en devises dont la source reste malheureusement les hydrocarbures. En fait, le problème n'est pas de limiter l'exploitation des hydrocarbures, mais d'utiliser à bon escient les ressources qui en découlent, en veillant à ce qu'il y ait une affectation plus judicieuse de ces ressources, en instaurant une meilleure maîtrise et un contrôle plus strict des dépenses. Il faut surtout combattre plus vigoureusement la corruption qui se généralise, gangrène toutes les activités, entraîne un gaspillage des ressources, un réel appauvrissement du pays et une dégradation des comportements et des mœurs. Le risque est que tous ces phénomènes nuisibles et malfaisants deviennent irréversibles ; en tous les cas il sera de plus en plus difficile de les éradiquer. Une meilleure utilisation des ressources est d'autant plus nécessaire que nos besoins d'investissement restent considérables. Dans le passé, les recettes de l'Etat provenant des hydrocarbures étaient affectées exclusivement au budget d'équipement. Le financement du budget de fonctionnement était assuré par la fiscalité ordinaire. Serait-il encore possible de remettre progressivement en œuvre une telle règle ? Il n'en reste pas moins que le développement économique et social implique qu'une partie substantielle des ressources générées par les hydrocarbures y soit consacrée et fasse l'objet d'une utilisation rigoureuse. En effet, pour poursuivre les investissements en matière d'infrastructures économiques et sociales et mettre en place des programmes d'investissements productifs dans tous les secteurs, il faudrait mobiliser d'énormes ressources. L'accent doit être mis sur les programmes d'investissements productifs, lesquels sont indispensables pour créer des richesses, réduire le chômage, limiter notre dépendance vis-à-vis des hydrocarbures et de l'extérieur. Cependant, il n'est pas question d'assurer le financement de ces investissements uniquement par les fonds publics. Ces derniers doivent servir de catalyseur pour attirer vers les investissements productifs, les capitaux du secteur privé national et des capitaux de l'étranger. En ce qui concerne l'étranger, ce qui est recherché, en plus des capitaux, c'est l'apport en technologie, en management et en débouchés extérieurs. De tels objectifs ne sont réalisables que dans la mesure où il est créé un environnement plus favorable sans bureaucratie étouffante et surtout sans corruption, laquelle constitue un obstacle à toute action positive. Ce qui suppose, entre autres, la mise en place d'un cadre réglementaire complet et clair qui protège l'intérêt national tout en encourageant les investissements et en même temps, le renforcement des institutions chargées de l'application de la réglementation et de son contrôle par des éléments compétents et intègres. La mise en œuvre effective des programmes d'investissements permettra une meilleure utilisation des réserves de change qui serviront, alors, à couvrir les dépenses en devises de ces programmes d'investissements et d'éviter ainsi le recours à l'endettement extérieur.
II – La gestion des réserves de change De tout temps, la Banque centrale a veillé à ce que les réserves de change soient sécurisées, restent liquides et donnent un rendement aussi élevé que possible. Pour se prémunir contre les risques de change, les avoirs sont tenus dans des devises diversifiées. A cet effet, les services concernés de la Banque centrale assurent un suivi vigilant des fluctuations des cours des principales devises et se doivent de prendre des mesures rapides en cas de besoin. C'est ce qui avait été fait, par exemple, en 1985, lorsque nos réserves de change étaient essentiellement en dollars, compte tenu de son taux de change exceptionnellement élevé à cette époque. Mais après les accords du Plaza de New York, en septembre 1985, le dollar avait subi une baisse concertée, mais rapide. Pour éviter des pertes de change importantes, les services de la Banque centrale avaient alors procédé quotidiennement au change des avoirs en dollars disponibles en d'autres devises fortes de l'époque. C'est ainsi que l'année 1985 s'était terminée par un gain de l'ordre de 2 milliards de dinars, ce qui était substantiel en ces temps. En ce qui concerne les placements des réserves de change, la Banque centrale s'était refusée pendant longtemps, en cohérence avec la politique du pays à l'époque, de souscrire des bons du Trésor américains. Les avoirs étaient plutôt placés auprès de banques de premier rang qui ne présentaient pas de risque et dont la situation faisait l'objet, de toute façon, d'un suivi régulier. A ce sujet, il convient de rappeler que les réserves de change, étant donné qu'elles sont en devises, ne peuvent être domiciliées qu'à l'étranger. Dire qu'elles pourraient être maintenues en Algérie n'a pas de sens. Le choix des banques auprès desquelles étaient placées nos réserves de change prenait en considération, en plus de la sécurité et du rendement, les services que ces banques étaient disposées à fournir à la Banque centrale et à nos banques commerciales. Ces services comprenaient l'octroi de facilités diverses et plus particulièrement la participation aux financements extérieurs, dont avait besoin à l'époque le fonctionnement de notre économie. La gestion des réserves de change, bien que ces dernières fussent modestes, s'attachait donc, tout en respectant les règles d'orthodoxie en la matière, à réaliser des objectifs qui servaient les activités économiques et financières de notre pays. A l'heure actuelle, nos réserves de change sont considérables (174 milliards de dollars selon les indications fournies), elles sont placées en titres souverains de pays disposant d'une économie solide et ne présentent pas de risques. Elles sont donc sécurisées et liquides, puisque les titres en question ont un marché secondaire actif. Investir une partie des réserves de change dans des titres privés (actions et obligations d'entreprises), comme cela a été proposé, est très hasardeux et ne fait pas partie de la politique de la Banque centrale. L'investissement dans l'or pendant les périodes troubles où il fait l'objet de spéculation effrénée n'est pas non plus recommandé. Certes la Banque centrale se doit d'avoir une partie de ses réserves de change en or, lequel constitue une valeur refuge, mais son acquisition doit s'effectuer à des moments opportuns où son cours est raisonnable. Notre premier stock en or avait été constitué grâce à la clairvoyance et la perspicacité de Seghir Mostefaï, le premier gouverneur de la Banque centrale, qui a géré l'institution pendant près de vingt ans avec compétence, efficacité et discrétion, sans jamais chercher à se prévaloir de ce qu'il accomplissait. Il avait acheté l'or à 35 dollars US l'once avant que les Etats-Unis ne décident, en 1971, de suspendre la convertibilité du dollar en or et de mettre fin ainsi au cours fixe de ce dernier. Toujours est-il que ce stock d'or avait été extrêmement utile et avait permis à notre pays de continuer à bénéficier de la confiance des marchés financiers à un moment où nos réserves de change en devises étaient tombées à 200 millions de dollars, à la suite de la chute brutale, en 1986, du prix du pétrole. Nos revenus pétroliers ayant baissé d'une manière drastique, il fallait de toute façon continuer à faire face à nos paiements extérieurs qui restaient d'autant plus élevés que les autorités avaient refusé de réduire le programme des importations. La Banque centrale s'était alors organisée pour que nos banques commerciales interviennent à tour de rôle et sur la base d'un programme, au niveau du marché financier international, pour mobiliser les ressources en devises dont le pays avait besoin. En même temps, la Banque Centrale avait pris les dispositions pour arrêter mensuellement les prévisions des paiements extérieurs par catégorie. Sur la base de ces prévisions, elle s'attachait à répartir les devises disponibles en fonction du caractère prioritaire du paiement. Le service de la dette extérieure était réglé en premier lieu pour éviter tout risque de défaut de paiement, lequel aurait été catastrophique. Grâce donc au stock d'or, aux interventions ordonnées et contrôlées des banques commerciales sur le marché financier international pour mobiliser des ressources et aux mesures prises pour effectuer les paiements extérieurs d'une manière méthodique, notre pays avait réussi, malgré la situation difficile qui prévalait lors des dernières années et de la décade 1980, à respecter tous ses engagements vis-à-vis de l'extérieur et à préserver la confiance du marché financier international. Ces faits sont rappelés pour souligner que notre pays n'est toujours pas à l'abri des difficultés qu'il a connues les dernières années de la décade de 1980 et des années ultérieures, tant qu'il continue à dépendre, presque exclusivement, des ressources provenant des hydrocarbures et tant qu'il n'a pas entrepris et réalisé un développement économique et social réel. Pour revenir à la question du placement des réserves de change, certains se sont demandé pourquoi la Banque centrale n'utilise pas une partie des ses avoirs en devises dans des prises de participation dans des entreprises à l'étranger. Ce genre d'opération, outre qu'il n'est pas du ressort de la Banque centrale, entraîne nécessairement une immobilisation des ressources, ce qui est contraire à la politique relative à la gestion des réserves de change. D'autre part, il serait aberrant que notre pays aille investir dans des entreprises étrangères, alors que ses besoins en investissements dans tous les secteurs productifs sont considérables. Le ministre de l'Energie et des Mines déplore que la Sonatrach ou une autre entreprise ne produise pas les équipements pétroliers après cinquante ans d'indépendance. Tous les autres ministres devraient, de leur côté, déplorer la même carence de leur secteur en matière de production des équipements et autres produits nécessaires aux différentes activités dans notre pays et surtout, agir en conséquence pour remédier à une situation non seulement déplorable mais également inacceptable. En tout état de cause, la prise de participation dans des entreprises étrangères ne pourrait être envisagée que dans la mesure où il serait question d'amener ces entreprises à s'installer en Algérie pour y avoir une activité productive. Il n'en reste pas moins que nos réserves de change devraient servir en priorité à couvrir les besoins de financement en matière d'investissements à l'intérieur du pays. Pour ce faire, la création d'un fonds souverain d'investissements est la solution. Sa mission sera de promouvoir les investissements internes dans tous les secteurs productifs, encore faudrait-il qu'il dispose de ressources suffisantes en dinars pour qu'il puisse obtenir de la Banque centrale les devises qui lui seront nécessaires. Ces ressources en dinars pourraient provenir dans un premier stade du Fonds de régularisation des recettes. Ces ressources en dinars, converties en devises, serviront comme catalyseur, comme indiqué plus haut, pour attirer des capitaux du secteur privé national et des capitaux de l'étranger, qui seront utilisés pour réaliser ces investissements. Il est bien entendu que le fonds ne pourra jouer son rôle que dans la mesure où sa création est accompagnée par l'adoption d'une politique d'investissement comportant non seulement la mise en place d'un cadre réglementaire approprié, mais également le renforcement des institutions appelées à intervenir dans ce domaine, comme cela a été déjà mentionné. L'objectif est de créer un environnement favorable à l'investissement en consolidant la crédibilité de l'Etat et en instaurant la confiance. Il y a lieu d'indiquer que le fonds pourrait devenir également une source susceptible de procurer plus d'activités à la Bourse grâce à ses opérations financières sous forme de lancement d'emprunts obligataires, d'offres de souscription d'actions, de vente d'actions, etc. Pour établir le fonds et assurer sa gestion, le concours des banques régionales de développement, comme la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque islamique de développement (BID), pourrait être sollicité. Ces banques ont acquis une expérience en matière de création et d'exploitation de fonds d'investissements qui contribuent à promouvoir les investissements dans les pays membres.