Personne n'aurait jamais su, hormis les habitués de la bibliothèque et les associations solidaires, qu'une exposition se déroulait à la bibliothèque du quatrième arrondissement de Lyon. Jusqu'à ce qu'un groupuscule d'extrême-droite, « les Jeunes identitaires », veuillent faire interdire cette manifestation culturelle et sociale, qu'il qualifiait de « militante », comme si son geste ne l'était pas. Lyon : De notre correspondant Cette pression a en tout cas poussé le directeur de l'établissement à suspendre l'exposition. Il a fallu finalement l'intervention de plusieurs personnalités, dont le directeur des bibliothèques de Lyon, du maire du quatrième arrondissement, du maire de Lyon, Gérard Collomb, et de l'adjoint à la culture pour que l'exposition reprenne. Sauf que la journée-pivot de l'événement, le jeudi 24 septembre, n'a pas pu avoir lieu alors qu'elle figurait bel et bien dans le programme de la bibliothèque. Ainsi, il n'y aura pas eu de rencontre avec les intervenants dont des « sans-papiers », ni de film traitant du même thème. Pour le collectif de photographes Item, organisateur de cette manifestation, avec le « Réseau Education sans frontières », « cette décision reste incompréhensible puisque cet événement a été organisé à la demande de la bibliothèque et validé par la direction en juillet 2009, qui en a assuré la communication par le biais du magazine Topo (le magazine des bibliothèques de Lyon), sous le titre : ‘‘Une rentrée avec ou sans papiers'' ». Ainsi, lisait-on clairement dans les documents de la bibliothèque largement distribués, les objectifs d'information militante et surtout humaniste sur la situation désespérée des sans-papiers. « En 2008, le gouvernement français procède à 29 796 expulsions. Derrière ce chiffre, froid et anonyme, il y a des gens. On parle de dossiers, de situations administratives, de procédures, de textes de loi… Jamais de personnes, de parcours, de familles ou de vies ». Le film annoncé d'Oldrih Navratil ne faisait l'ombre d'aucune ambiguïté : « Fuyant le conflit serbe, la famille Jakupi est arrivée en France il y a maintenant huit ans. Huit années de démarches administratives pour tenter de régulariser sa situation et avoir le droit de travailler. Mais c'est aussi une vie de famille riche de nombreuses amitiés liées au sein de son quartier. Ce film raconte les raisons de sa venue en France, la douleur d'un retour impossible dans son pays d'origine, ainsi que la vie de tous les jours ». Enfin, le débat, tel qu'imprimé dans les plaquettes de l'association, annonçait la présence de sans-papiers. Il n'aura pas eu lieu. Selon le magazine Lyon-Capitale, la mairie de Lyon aurait rappelé que « la loi lui interdit d'accueillir dans une salle municipale des sans-papiers ». La journaliste ironise : « Moralité, les bibliothécaires de Lyon, la prochaine fois qu'ils voudront organiser une exposition autour du thème des sans-papiers, seront bien inspirés de penser à inviter aussi le préfet du Rhône chargé des reconduites à la frontière afin d'équilibrer les débats. Pas sûr qu'il accepte, mais au moins, ils ne pourront pas être taxés de "militantisme" par leurs supérieurs. » Au bout du compte, les Lyonnais pourront voir l'exposition de photos jusqu'au 17 octobre, mais par contre, elles resteront froides en dépit de leur qualité expressive, en l'absence de tout débat qui pouvait leur donner du relief, alors que justement, expliquait le photographe, « le principe était de faire intervenir de fins connaisseurs sur la question des sans-papiers à la bibliothèque, devant le grand public. » C'est raté pour cette fois ! « Parents sans-papiers, enfants en souffrance » Des professionnels des services publics de psychiatrie infanto-juvénile, ainsi que d'autres spécialisés de l'enfance, inquiets de la situation actuelle des enfants de parents sans papiers, alertent sur « la difficulté grandissante d'accès aux soins », signalant que « le risque d'une remise en question de l'acceptation de l'Aide médicale d'Etat augmente pour les étrangers sans papiers » et « la peur d'être appréhendé dans les lieux de soins et sur les trajets fait obstacle à la demande et à la continuité des soins ». La présence de certains enfants avec leurs parents dans les centres de rétention pose de « nombreux problèmes éthiques, en particulier la privation de liberté de ceux-ci », signalent ces professionnels de la santé. Ils ajoutent que dans leur pratique quotidienne ils sont « confrontés à de nombreuses situations cliniques où les droits fondamentaux de l'enfant, tels qu'ils sont rédigés par la Convention internationale des droits de l'enfant et par le défenseur des enfants, sont bafoués comme le droit d'être soigné, de vivre en famille, d'être protégé ». Et de s'interroger : « Comment continuer d'exercer nos missions de prévention et de soin dans ce contexte ? L'éthique de nos professions nous impose de nous engager sur cette question ».