Près de 2000 personnes ont pris part à cette manifestation, qui n'avait pas obtenu l'aval des autorités. La procession, conduite par Karim Tabbou, premier secrétaire national du FFS, s'est ébranlée de la maison de la culture Mouloud Mammeri pour aboutir au cimetière de M'douha où une gerbe de fleurs a été déposée à la mémoire des martyrs du FFS tombés en 1963. La marche était silencieuse, sans les banderoles habituelles du parti ; seul l'emblème national était brandi par le premier carré des marcheurs, essentiellement des membres de la direction du parti et des militants. Dans la matinée, Karim Tabbou avait animé une conférence à la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou. Au côté de Lakhdar Bouregaa, ancien colonel de l'ALN et membre fondateur du FFS, il a rappelé les grandes dates qui ont marqué l'histoire et le combat politique du parti avant de développer d'autres points liés à la situation socioéconomique. « Tout a été fait pour faire disparaître le FFS, depuis sa naissance. Contrairement à quelques avis, notre parti a été un mouvement pacifique. Mais par la volonté d'un pouvoir décidé à écraser tout le monde, le FFS a été contraint à la résistance, qui a abouti à l'assassinat de 400 de ses militants. » Evaluant l'Algérie post-indépendance, l'orateur dira que le peuple a eu droit, depuis 1962, à une succession de supercheries et de coups de force. Il n'a pas manqué d'égratigner le règne du président Bouteflika : « Dans cette même salle, il avait promis d'être au service de la jeunesse s'il venait à être réélu. Son premier mandat a été celui des hittistes (chômeurs), le second a produit une jeunesse terroriste et le troisième des harraga. De quelle jeunesse parle le Président ? Le système politique refuse de se conformer au contrôle démocratique. Le premier magistrat du pays ignore les institutions, préférant passer les lois par ordonnance. » Le gouvernement, aux yeux de M. Tabbou, est incapable de provoquer le changement qu'il a tant fait miroiter au peuple. « Toutes les crises aboutissent à des dynamiques de changement. On finit par accorder des concessions, revoir sa stratégie de développement et de gestion. Ce n'est pas le cas chez nous. Le pays continue d'être otage d'une véritable organisation maffieuse. Notre gouvernement est incompétent. Il ne peut rien prévoir, même à court terme. Le système refuse de se conformer au contrôle démocratique. » Sur un autre plan, l'orateur a mis en relief la paupérisation galopante des citoyens : « Durant le mois de Ramadhan, nous avons vu des familles entières faire la queue devant un restaurant de la rahma, rue Didouche Mourad, à Alger. » L'autre point abordé par M. Tabbou concerne l'émigration clandestine : « Nous ne voulons pas que notre pays devienne une caserne pour abattre en pleine mer des jeunes qui veulent rejoindre l'autre rive de la Méditerranée. Au lieu de régler leurs problèmes, le pouvoir a préféré criminaliser la harga. » Lakhdar Bouregaa, ancien colonel de l'ALN, a déploré dans son intervention le « détournement » des idéaux et des acquis de Novembre 1954. « La Révolution appartient à ceux qui l'ont faite et non à ceux qui viennent en dernier pour la récupérer », a-t-il dit en substance. Une médaille de mérite et un diplôme lui ont été remis par M. Tabbou à la fin de la rencontre.