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Il y a 18 ans, Ferhat Cherkit était assassiné
Publié dans El Watan le 07 - 06 - 2012

Sa famille, ses collègues, ses amis et tous ceux qui l'ont connu se recueilleront sur sa tombe.
L'attentat de la rue Mouzaoui
Arrivé à hauteur du Palais du gouvernement, la R11 s'arrête, un barbu, portant des lunettes finement cerclées d'écailles, en descend, le véhicule continue sa route vers Ben Aknoun où la conductrice est cadre au Centre algérien pour le commerce et l'industrie cinématographique (CAAIC). L'homme prend par la rue Dupuch et descend par la rue Mouzaoui pour gagner la place Emir Abdelkader. La rue Mouzaoui descend en zigzag pour gommer la différence d'altitude existant entre l'esplanade du Palais et la place Emir Abdelkader. L'homme l'aime parce qu'elle lui rappelle celle que Zinet a filmée pour illustrer un de ses gags dans son magnifique Tahia ya Didou. On y voit un gamin pas plus haut que trois pommes dévaler le zigzag, poursuivi par un flic ventripotent qui avait l'habitude de plaisanter avec des gosses de La Casbah qu'il faisait semblant de disperser pour rire.
Cette complicité entre un représentant de l'ordre et les moineaux du vieux quartier mystique est un des clins d'œil du film pour dire qu'il y avait une façon de vivre plus cool au moment du tournage, marqué par un emballement dommageable des us et coutumes dans la bonne ville de Sidi Abderrahmane. Une luminosité, rendue brutale par la blancheur des bâtisses, l'oblige à se protéger les yeux des mains, en ce mardi 7 juin. Une brise parfumée mentait du port que l'on devinait plus bas. Caché par l'immeuble du boulevard Zirout Youcef. Mais l'ambiance lourde des attentats quotidiens empêchait de goûter aux frémissements joyeux du printemps finissant. Arrivé à mi-chemin de l'escalier en zigzag, l'homme vit deux jeunes debout devant une table contenant leur fonds de commerce de cacahuètes.
Un détail attira immédiatement son attention : leur accoutrement. Ils portaient des survêtements neufs et des trainings de marque tout aussi neufs. Il est impossible que des marchands ambulants puissent s'offrir des affaires aussi coûteuses. Un signal d'alarme se déclencha quelque part dans son subconscient. Il pouvait rebrousser chemin et remonter les escaliers qu'il vient de descendre, mais une sorte de redjla l'en empêche et il continue son chemin. De toute façon, il aurait été facile aux jeunes gaillards de le rattraper.
C'est alors qu'il lui revient à l'esprit une discussion qu'il avait eue, il y a quelques années, avec Laâdi Flici sur le conflit de conscience d'Albert Camus face à la guerre d'Algérie.
Flici a été particulièrement marqué par le trouble du prix Nobel de littérature. Il avait compris sa position d'intellectuel qui n'admettait ni les attentats du FLN ni les abus et les tortures de la police et des paras et n'acceptait pas qu'un camp justifie sa haine en se servant des crimes du camp adverse… bien que Flici se soit engagé corps et âme dans la guerre de Libération, il avait été impressionné par l'extraordinaire chamboulement qu'avait provoqué en Camus un conflit opposant un peuple privé de ses droits et sa communauté d'origine droguée par les avantages de l'Algérie française. Car, disait-il, c'est le rôle de l'intellectuel de montrer la meilleure voie pour son peuple à qui Camus avait proposé une cohabitation avec l'autre communauté en garantissant son statut d'hommes libres et leur bonne entente. Alors que la plupart des Algériens ont condamné Camus pour avoir déclaré qu'il défendait sa mère avant la justice et qu'il avait célébré la mer et le soleil en mettant entre parenthèses les souffrances et les espoirs des Algériens. Pourquoi cette intrusion de Camus alors qu'il avait eu tant d'autres sujets débat avec Flici ?
L'homme arriva à la hauteur des deux jeunes. Il regrettait de ne pas être l'un d'eux avec lui. Mais après tout, ce ne sont peut-être que d'innocents vendeurs de cacahuètes. Cette éventualité est contredite par l'alarme qui continuait à sonner quelque part dans son cerveau. Encore une marche. Il les fixe du regard et les autres lui font face comme si de rien n'était.Alea jacta est. Il arrive à leur hauteur et tourne à l'angle droit pour prendre l'autre segment des marches. L'un des jeunes extirpe un revolver de gros calibre de dessous sa veste, et en bon félin, arrive sur le dos de l'homme. Posément, il applique l'arme sur le cou de sa cible. Sentant la présence du tueur derrière lui, l'homme fait un bond de côté pour éviter la balle qui lui est destinée. Mais l'autre avait déjà pressé sur la détente et lui explose la carotide droite. L'homme chancelle et s'écroule alors qu'un jet de sang gicle de son cou. Les deux tueurs rangent leur attirail et remontent calmement les escaliers vers la rue où doit les attendre une voiture.
L'homme tente vainement de se relever. Il regarde, comme s'il s'agissait d'un autre, le sang qui macule le sol. Il veut bien mettre le doigt sur la plaie pour arrêter l'hémorragie, mais il est incapable de se mouvoir. Et ce satané escalier qui reste désespérément désert !
C'est vraiment une mauvaise idée de l'emprunter contre l'avis de Djamila qui tenait à l'accompagner jusqu'au journal. L'homme sent ses forces le quitter. C'est absurde ! Il ne va quand même pas mourir dans cet escalier désert, seul comme un… mais c'est de cette façon que Flici et les autres sont morts, un mardi. Des crimes qu'il avait maintes fois stigmatisés, avec une plume vitriolée, et en les mettant sur le compte de la mafia politico-financière, que des négligences coupables ont aidé à mener une danse macabre à coups de dollars détournés et d'Uzis israéliens. Ils pensent à ses deux garçons et à sa femme. Une larme perla au coin de ses yeux. C'est la dernière image qu'il emportera avant de sombrer dans l'inconscience.
Au journal, rue de la Liberté, tout est sens dessus dessous. Tous les collègues sont présents. Des visiteurs veulent des précisions sur l'attentat. D'autres demandent des portraits du barbu, d'anciens papiers sur la guerre du Golfe et celui du 29 septembre 1993 intitulé «Les tueurs du mardi matin». Un photographe s'affaire à prendre en photo le bureau de Cherkit. Par petits groupes, les gens parlent à voix basse. Un faible bourdonnement rappelle un requiem. De temps à autre, un sanglot étouffé perturbe le recueillement. Benmohamed, qui a appris la funeste nouvelle à Djamila, précise qu'elle est partie avec Abderrahmani et d'autres collègues à la recherche du corps dans les morgues des différents hôpitaux de la ville. Il raconte, la voix brisée par l'émotion, la réaction de Djamila quand elle est arrivée tout à l'heure : «Ya khaouti, le cri qu'elle a poussé quand elle est arrivée», «Ferhat ! Ils t'ont tué !», me hantera toujours. Mostaganemi dira qu'il avait remarqué, la veille, les deux vendeurs ambulants et que leur accoutrement l'avait intrigué.
Ce n'est qu'à l'annonce de l'attentat qu'il avait compris que c'étaient des tueurs qui guettaient Cherkit dans cette rue sachant que le journaliste l'empruntait régulièrement. Le jour de l'enterrement, toute la profession s'était donné rendez-vous au cimetière d'El Alia. A quelques mètres du tombeau de Ferhat, Hichem Guenifi, tué le même jour, est lui aussi mis en terre. Depuis l'enterrement de Djamal Benzaghou, assassiné il y a une année environ, le carré s'est hérissé de tombes creusées toutes pour accueillir les suppliciés de la horde. Un collègue se dirige vers la mère du défunt, Na Ouardia, et l'enlace en sanglotant. Entre deux soupirs, il exprime rageusement son espoir de voir, un jour prochain, les assassins pendus sur la place publique. Na Ouardia a alors cette réponse magnanime qui le plonge dans une totale incompréhension : «Non, mon fils, je me mets à la place de leurs mères qui seront brûlées par le fer rouge comme je le suis actuellement… Laissons au bon Dieu le soin de les juger et de les punir…»
Quelle extraordinaire leçon d'humanisme pour les assassins sans foi ni loi de la horde que cette profession de foi d'une musulmane traditionnelle rejetant tout esprit de vengeance !


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