Dès jeudi soir, les islamistes ont lancé des signes d'apaisement : le parti Ennahda (au pouvoir) et plusieurs factions radicales ont renoncé à manifester pour «défendre les valeurs du sacré», après l'interdiction de toute marche par le ministère de l'Intérieur. «La situation sécuritaire est normale dans tout le pays, il n'y a aucune raison pour que les citoyens aient peur», a déclaré le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Khaled Tarrouche, sur la radio Mosaïque FM, juste avant le début de la grande prière de la mi-journée. «Nous appelons tous les citoyens à poursuivre leur activité normalement, il n'y a aucune raison d'avoir peur», a-t-il insisté, soulignant que les forces de l'ordre sont «prêtes à faire face à n'importe quelle menace.» De très importants renforts policiers ont été déployés sur l'avenue Bourguiba, la grande artère du centre-ville de Tunis, et dans les rues alentour où un dispositif de contrôle de la circulation serré empêche tout mouvement de foule. Un blindé de la Garde nationale circulait dans le centre, aux alentours de la mosquée Al Fath. «Nous sommes tous frères, nous sommes tous musulmans», a lancé le ministre des Affaires religieuses, Nouredine Khadmi, un ancien iman venu prêcher à Al Fath. Il a appelé à «l'unité du peuple tunisien» et mis en garde contre «la sédition». Même son de cloche dans une mosquée proche de la Casbah, siège du gouvernement. La tension est légèrement montée après la prière à la mosquée Al Fath, quand un groupe d'hommes a commencé à invectiver les journalistes présents, les accusant de «semer la discorde» et de «mentir». Jeudi soir, le parti islamiste Ennahda, qui domine le gouvernement et l'Assemblée nationale constituante, mais aussi la branche la plus radicale de la mouvance salafiste tunisienne, Ansar Al Charia, ont renoncé à manifester pour défendre les «valeurs du sacré». Ces manifestations ont été annoncées après une exposition controversée, dont certaines œuvres portent, selon eux, atteinte aux valeurs islamiques et qui a été vandalisée dimanche soir par de présumés salafistes. Des émeutes ont éclaté dans plusieurs villes de Tunisie dans les heures suivantes, faisant un mort et une centaine de blessés. Le gouvernement a alors instauré un couvre-feu dans huit régions et interdit toute marche vendredi. «C'est un signe d'apaisement. Toutes les forces et partis politiques veulent tourner la page. Le bon sens a prévalu sur la passion», a déclaré Ajmi Lourimi, membre du bureau exécutif d'Ennahda. De son côté, le groupe Ansar Al Charia, dirigé par l'ex-jihadiste Abou Iyadh, a annoncé sur sa page facebook qu'il renonce à toute marche et appelé ses «frères à comprendre cette décision et à ne pas se laisser entraîner par leurs émotions». Le parti islamiste interdit Hizb Ettahrir a également renoncé à une marche, mais a promis un «rassemblement à la Casbah» pour «expliquer» ses positions. Quelques hommes se sont effectivement regroupés dans le calme sur la place. Si le calme prévalait hier dans le centre de Tunis, l'inquiétude restait palpable. De nombreux habitants redoutaient «des dérapages» en cas de rassemblement de salafistes.