Faute, pour le Pouvoir de se restructurer, en interne(3), il recourt à une fuite en avant et livre au «populus plebus vulgarum» le sang de l'encadrement national(4), pour amuser la galerie, une nouvelle fois ! «Le peuple de Rome a faim… offrons-lui des arènes !»(5). Ce spectacle doit le rassasier, à n'en pas douter, d'autant qu'on livre quelques «chrétiens» à des fauves aussi affamés que les convives, tout en ne perdant pas de vue la subtilité de l'opération, qui consiste à leur demander de choisir entre se retrouver sur les gradins ou dans la fosse. Le décor est planté à travers les dossiers de l'alimentation électrique, suivie de celle de l'eau, de la flambée des prix, de la disponibilité de l'argent et des billets, du lait, du pain, de l'organisation des marchés (officiels et sauvages), des incendies (involontaires ou criminels), des revendications sociales (entreprises et corps constitués)… bref, l'agitation dans le corps social gronde et commence à atteindre une «masse critique» qui risque, si elle n'était pas canalisée, d'imploser et, en conséquence, de remettre en cause le Pouvoir, lui-même. Dans ce cas de figure, deux échappatoires sont couramment usitées par tous les pouvoirs uniques au monde : l'ennemi intérieur et celui extérieur. Qui peut être responsable de la situation catastrophique dans laquelle l'Algérie se trouve ? Certainement pas le Pouvoir et ses représentants actuels, bien évidemment ! Ce sont, à n'en pas douter, les «ennemis extérieurs et intérieurs» de notre pays, que l'on va identifier et donner en pâture à la vindicte populaire. Au niveau interne, qui n'applique pas ou prou, n'exécute pas ou mal, les orientations éclairées et salvatrices des divins représentants temporaires du Pouvoir ? Ceux sont les cadres(6), à l'évidence ! Qui est responsable de tous les maux de la société ? C'est le peuple(7), à n'en pas douter ! Le Pouvoir(8), en tant qu'entité édulcorée et clandestine(9), non identifiable et collégialement cooptée, n'endosse jamais la paternité de sa gestion exclusive et sans partage de la chose publique(10), lorsqu'elle montre ses carences et ses limites mais il accapare, seul, le mérite de ses présumées réussites(11). Dès lors, un mode de gestion par «télécommandes» s'impose à lui et une myriade de boucs émissaires et de prête-noms fleurissent les allées du Pouvoir et lui permettent de toujours demeurer maître du «jeu boulitique», c'est-à-dire de consolider et de reproduire ce système agonisant. La gestion du fichier des cadres algériens(12) devant servilement répartir la rente, pour le compte du Pouvoir, devient une variable stratégique d'ajustement dont il va user et abuser à satiété, tant que ces derniers ne remettent pas en cause ses intérêts biens compris et qu'ils ne se servent pas, eux-mêmes au passage (pour certains), de manière ostentatoire(13). En cas de mésentente dans le partage de la rente, suivi d'un scandale avéré ou pas, le Pouvoir n'hésite pas à sacrifier ses cadres(14) à l'Autel de l'«intérêt suprême de l'Algérie», en orientant les feux de la colère populaire exclusivement sur eux(15), ce qui se traduit d'ordinaire par, au minimum, une mise de fin de fonction ou pire, après un «procès en sorcellerie», à une peine pénale purgée ou pas(16), mettant l'institution judiciaire et son personnel en une situation de porte-à-faux, vis-à-vis de leur conscience, de la société et de la loi, la justice étant rendue, dans notre pays, «au nom du peuple» ! La société voit donc, en «la «justice de nuit», s'évanouir son ultime recours avant qu'une partie d'elle-même brise le monopole de la violence, que la constitution réserve strictement à l'Etat. Dès lors, le Pouvoir institue le recours à la violence, à différents degrés, comme le seul instrument privilégié et efficace de la revendication politique, économique et sociale et la répression comme réponse exclusive à cette dernière. La boucle est bouclée et la spirale infernale développe sa dynamique, qui, en atteignant une maturation sociétale critique, débouchera fatalement sur une explosion sociale de magnitude majeure(17). Au niveau externe, les vieux mythes sont ressuscités, comme d'habitude en pareilles circonstances, avec son large spectre, surfant sur l'histoire coloniale, en passant par «Hisb-frança», les dangers potentiels aux frontières(18), les tentatives dévastatrices des narcoterroristes(19), ainsi que les futures invasions concoctées par les «pays envieux» ! Comme d'habitude, les problèmes sont réels mais leur traitement est surréaliste, avec une mise en scène unique qui consiste à toujours veiller à ce que le Pouvoir tienne le haut du pavé, ce qui justifie ses décisions surannées, qui privilégient ses intérêts égoïstes, au détriment de ceux de l'Algérie et de sa population. La privatisation de notre politique extérieure, au profit du seul Pouvoir et de sa cour, qui chasse les postes diplomatiques à force d'actes d'obséquiosité, rend inaudible la voix de l'Algérie dans le concert des nations, alors qu'elle jouissait d'un immense prestige, dû uniquement à sa révolution et à la gloire de ses martyrs. Dépourvue de consistance, de cohérence et construite sur un corpus référentiel, bloqué à la conférence des non-alignés, tenue à Alger en 1973, la diplomatie de notre pays est en décalage avec sa société et en particulier les aspirations de sa jeunesse, qui voyant leur avenir bloqué, recourent à la solution du désespoir (la harga), pour s'enfuir de leur patrie qui, de son côté, affiche fièrement des réserves de changes, de quelque 200 Milliards de US$ ! A l'évidence, deux sociétés vivent dans un même pays, sans se parler ni même se côtoyer chacun dans sa zone(20), sauf via les forces de sécurité(21) qui arrivent, tant bien que mal, à établir une jonction fragile et éphémère. Les guillotines sont en attente de jouer leur cynique et faucher les charrettes emplies du peu de cadres qui restent encore dans notre pays et que le Pouvoir est prêt à donner en spectacle au peuple pour assouvir ses besoins grégaires.
Notes de renvoi : -1) Il faut noter, qu'après dix ans d'interdiction, le pouvoir a créé une quarantaine de partis politiques pour permettre un émiettement généralisé de l'activité politique et donc d'en assurer le contrôle par télécommande. -2) La hantise des clans c'est de se retrouver minorisé par rapport aux autres, ce qui impliquera deux conséquences majeures. La première, c'est de ne plus être invité aux festins de partage de la rente à venir, et la seconde c'est de risquer de devoir rendre des comptes sur les rentes accaparées, antérieurement, chacun détenant des «dossiers» sur l'autre. D'où l'importance vitale de se maintenir à flots et ramer dans le sens du Pouvoir par tous moyens de non-droit. -3) Il est assez comique de lire, y compris de la plume de «grands analystes politiques», leurs cris d'angoisse lancés en direction du Pouvoir, pour attirer son attention sur les trois mois de la vacance actuelle, au niveau présidentiel, gouvernemental, wilayal, communal, du service public, bref, à tous les niveaux ! Depuis quand, messieurs, dans notre pays ce sont ces instances qui gèrent ? Je tiens à rassurer tout le monde, l'Algérie utile qui se situe entre la Banque centrale et Sonatrach est parfaitement bien gérée dans l'intérêt du Pouvoir ! Pour le reste, il s'agit de problèmes indigènes, à prendre en charge par les instances appropriées. -4) Souvenons-nous des procès de la «dédoumedienisation» des débuts 80, avec sa magistrate-Don quichotte…, de l'opération «mains propres» avec son Premier ministre-lessiveuse, «qui lave plus blanc que blanc»…, de l' «escroquerie du siècle» avec ses «j'assume !» et «je n'ai pas été assez intelligent !»…, qui se sont tous soldés par l'inculpation voire l'incarcération de centaines de cadres, lampistes d'un Pouvoir en péril. -5) En son temps, Marie-Antoinette, reine de France, a bien proposé de la «brioche» au peuple affamé de Paris qui assiégeait le château de Versailles. -6) Au niveau de la société profonde, le cadre est perçu comme un complice du Pouvoir, d'autant qu'il est coopté par ce dernier, non pas sur la base de critères de compétence, de capacité, de probité et d'intégrité, mais le plus souvent sur son niveau de servilité vis-à-vis de ceux qui l'ont promu. Cette position, dans la société, le rend particulièrement vulnérable et par conséquent corvéable à souhait, mais en même temps ce processus permet, à terme, l'installation de la médiocrité à tous les niveaux. -7) Dans une discussion avec des ministres, es-qualité, je répondais à celui qui m'affirmait que notre «peuple est sale !», qu'il ne lui donnait que trois heures d'eau par jour ; Qu'«il est inculte !», qu'il n'était que le fruit de son école ; Qu'«il est corrompu !», qu'il prenait pour exemple le sommet de son Pouvoir ; Qu'«il est indiscipliné !», que la règlementation était à géométrie variable ; Qu'«il est incivique !», que l'Etat est absent ; Qu'«il se révolte tout le temps !», que l'insurrection est érigée, par le Pouvoir, comme l'unique variable d'ajustement sociétal. -8) On peut identifier le Pouvoir à travers les personnes, en exercice, dans la fonction présidentielle, de celle de l'institution militaire (corps de bataille et services de sécurité), de l'appareil du parti FLN, auxquelles il faut ajouter une entité nouvelle, inexistante à l'indépendance, que sont les «nouveaux riches» détenteurs de fortunes, accumulées grâce aux rentes. -9) Cinquante ans après l'indépendance, le Pouvoir continue à entretenir la clandestinité, en appelant Boukharouba Houari Boumediene (prénoms des Saints patrons d'Oran et de Tlemcen) ; Khalef, Kasdi Merbah ; Aït Hamouda, Amirouche ; Salah Boubenider, Saout el-arab ; Zerari-Cdt Azzedine… -10) L'analyse minutieuse du «programme économique du président de la république» sur lequel repose toute la politique économique de ce qui reste de la coalition politique actuelle, nous démontre qu'il s'agit d'une agrégation de projets inconsistants, incohérents, porteurs de déséquilibres et surtout dévolus à la sous-traitance étrangère, ce qui va imposer la corruption et les gaspillages de toute nature, comme règles de passation des marchés publics, qui ne finissent pas d'être amendées pour servir les intérêts des clans au Pouvoir. -11) A titre d'exemple, le Pouvoir s'enorgueillit de la réalisation de l'autoroute Est-Ouest, par deux entreprises étrangères (Chine, Japon), alors que tous les experts nationaux et étrangers sont unanimes à dire que dans la configuration arrêtée par les pouvoirs publics, elle est inutile, dispendieuse de ressources publiques et donc de corruptions. Pire que cela, ils affirment tous, à l'unisson, que certains tronçons auraient dû être plus densifiés et d'autres éliminés pour améliorer sa rentabilité! -12) Une des batailles perdues par les réformateurs avait été celle de prétendre récupérer la gestion du fichier des cadres, sans le visa préalable imposé par une autorité extérieure à eux-mêmes. La conséquence de cette décision éphémère fut le déverrouillage momentané (deux ans) du système et l'émergence d'«électrons libres» dans la gestion des affaires publiques. Mais très vite, le Pouvoir a récupéré ce «fait du Prince» et l'a sensiblement consolidé, sous la pression de l'argument sécuritaire, par un décret, signé par le Président L. Zeroual, sans en calculer la portée, nous dit-on ? -13) Trois affaires de corruption sont emblématiques de ce modus operandi ; celle de Sonatrach qui pouvait remonter jusqu'au Président via son ministre de l'Energie et des mines, et celle de sa filiale Brown R. Condor qui également aurait pu éclabousser des personnalités nationales et internationales et celle de la Cnan qui va certainement nous permettre de démêler un imbroglio d'intérêts croisés croustillant. -14) La vulnérabilité des cadres a été savamment orchestrée sous le président Boukharouba, par la mise en place des attributs exclusifs des signes extérieurs du Pouvoir, tels que les logements de fonction, voitures de fonction, privilèges multiples liés à la fonction. Une fin de fonction se traduisait par la suspension nette et immédiate de tous ces attributs, ce qui plongeait dans la précarité absolue les cadres jusqu'à leur asservissement total ou leur exil intérieur ou à l'étranger. -15) C'est le cas actuellement du PDG de la Sonelgaz et de l'autorité de régulation qui se rejette la responsabilité et qui concentre toutes les colères populaires. Or, ces deux entités sont complètement innocentes des décisions non prises par le Conseil national de l'Energie, présidé par le président de la république, qui ne s'est plus réuni depuis plus de dix ans et qui n'a pas donc fixé les axes stratégiques en matière d'investissements dans la production électrique, dans son transport, dans la tarification, dans les sources alternatives, dans la réduction du gaspillage, dans la réorganisation des entreprises du secteur, dans les ressources humaines à mobiliser… -16) L'incarcération et la purge des peines prononcées se négocient en fonction des retombées positives ou négatives possibles sur le Pouvoir. C'est ainsi que certains seront bizarrement épargnés et d'autres outrageusement condamnés. -17) La comptabilité macabre du sang des Algériens, versé durant la «décennie noire», vient d'être mise à rude épreuve, après les révélations du général K. Nezzar. Il est donc prudent de mener une politique de confinement d'une explosion sociale majeure, en économisant au maximum la vie des algériens. -18) Il s'agit là du contentieux maroco- sahraoui sur le Sahara occidental, qui mobilise l'ANP depuis plus de trente ans dans la région et qui empoisonne les relations algéro-marocaines. -19) La région sahélo-saharienne fait l'objet d'un ballet politico-diplomatique et militaire d'une très grande intensité et où notre pays est objectivement partie prenante et soumis à de fortes pressions internationales. Lire, la conférence à IHEDN, Alain Chouet du 27 juin 2012, à Nice. -20) Malgré son illégalité constitutionnelle et sa discrimination réglementaire, la dite «zone d'Etat» qui s'étend de Moretti à Club des Pins, est toujours en vigueur, établissant un «cordon sanitaire» entre le Pouvoir et la société. -21) La décision de faire jouer à la DGSN le rôle d'instrument de régulation du commerce intérieur et extérieur est très grave et marque le début de la «sidatisation» de ce corps de sécurité éminemment sensible, car proche de la société. La DGSN n'a pas vocation, ni par les textes qui la régissent, par l'esprit qui l'anime, à se substituer au département ministériel du commerce (central et local) avec ses centaines de milliers de fonctionnaires. L'engrenage est tentant de lui confier, demain, l'assainissement des ordures ménagères, les pénuries d'eau, de lait, d'électricité, le curetage des avaloirs, les stades, les aires de stationnement… un travers extrêmement dangereux que ses responsables devraient refuser d'emprunter pour préserver cette institution-tampon entre La République et la société.