Cela a commencé, dès 10 h du matin, par une cérémonie de recueillement au cimetière d'Aïn El Baïda, sur les tombes de celles et ceux ayant péri sous le joug de l'islamisme barbare. L'après-midi, c'est au siège de l'association le Petit Lecteur que l'hommage s'est poursuivi. D'abord, par la projection d'un documentaire intitulé «Ce que nous avons vécu», qui met en relief les manifestations du 22 mars 1994 à travers le territoire national ; et ensuite, par la tenue d'un débat. Pour rappel, c'était en 1994 que les Algériens sont sortis massivement dans les rues pour dire simplement non à l'intégrisme islamiste. Des images émouvantes ont été projetées, dévoilant des rues investies par des milliers de citoyens résolus à combattre fermement le terrorisme. Des images qui plus est de l'ENTV, à une époque où cette chaîne étatique ne pratiquait pas outre mesure la censure et la langue de bois. Séquences marquantes, celles où on voyait les rues de Souk Ahras noires de monde, investies par une foule impressionnante de manifestants ; ou encore celles de milliers d'Algérois assis à la place Audin et se levant tous comme un seul homme, l'air de dire : «Algérie debout, halte à l'intégrisme islamiste !». Devoir de mémoire Les spectateurs ont pu se remémorer aussi le jour où des milliers d'Oranais sont sortis, mus par une conscience citoyenne, et où la place du 1er Novembre grouillait de monde. L'enterrement de Abdelkader Alloula, ainsi que l'intégralité de l'oraison funèbre, dite par Reda Malek, alors chef du gouvernement, ont aussi été projetés. L'émotion était palpable dans la salle du Petit Lecteur où de nombreuses personnes ont pris part pour ce «devoir de mémoire». Les organisateurs ont pointé du doigt «l'excès de zèle» des autorités locales qui les poussent, par le biais de la bureaucratie, à «confiner ce genre de manifestations dans des salles d'associations, alors qu'une grande salle étatique aurait été plus propice !». Après la projection, un débat a été engagé, durant lequel une intervenante s'était désolée du fait qu'à cette époque «les Algériens n'avaient ni facebook ni téléphones portables, et pourtant, ils sortaient massivement dans les rues, poussés par leur conscience citoyenne, tandis qu'aujourd'hui, malgré tous les avantages qu'on a, il nous est difficile de rassembler à peine une centaine de personnes !». La politique qui encourage l'oubli a été sévèrement tancée par l'assistance. Fatma Boufenik, l'une des organisatrice, dira à ce propos : «A cette époque-là, les manifestants disaient que le silence est une trahison. Moi, aujourd'hui, je dis que l'oubli est une trahison, et ceux qui nous encouragent à oublier sont les véritables traîtres !» Pour un autre intervenant, «l'oubli fabrique le refoulement, et c'est précisément le refoulement qui occasionne la violence dans la société». La troisième phase de l'hommage a été musicale, où deux jeunes talents, Yacine Bouha à la guitare et Amine Boukraa au gumbri ont chauffé la salle par des chansons gnawies, ainsi que d'autres, révolutionnaires. Derrière eux, un diaporama était projeté, où des photos de martyrs de la démocratie ont défilé, comme celles d'Abdelrahmène Fardheb, Habiba Djehnine, Amel Zanoune, Saïd Mekbel, Tahar Djaout, Cheb Hasni, Matoub Lounès ainsi que beaucoup d'autres. On apprendra, pour finir, que la vidéo sur les manifestations du 22 mars 1994 sera postée incessamment sur youtube, et cela, afin qu'elle soit accessible au plus grand nombre.