Ramtane Lamamra, que beaucoup d'Algériens découvrent pour la première fois, est pourtant un «technicien» de la diplomatie. Un domaine qui est son jardin depuis presque quarante ans pendant lesquels il a intériorisé les subtilités du métier, soigné son discours et étoffé son carnet d'adresses. Tout commença pour lui à l'Ecole nationale d'administration (ENA), où il a été formé dans la section diplomatique. Une fois le diplôme en poche, le diplomate en herbe débarque au ministère des Affaires étrangères, où il occupe différents postes, notamment à la direction Afrique. Sa carrière au MAE culminera par sa nomination comme secrétaire général en 2005. Mais auparavant, Ramtane Lamamra a roulé sa bosse comme ministre conseiller et ambassadeur dans plusieurs pays. A commencer par son tout premier poste à Djibouti en 1989 et en Ethiopie. Il sera aussi accrédité auprès de l'OUA et de la Commission économique de l'ONU pour l'Afrique (CEA). L'Afrique est ainsi devenue son dada et sa qualité de fin négociateur lui a permis de participer à plusieurs opérations de médiation, notamment dans la crise entre le Mali et le Burkina Faso en 1985 et dans le différend frontalier entre le Tchad et la Libye. M. Lamamra a aussi activement participé au règlement de beaucoup de conflits, comme celui du Liberia, en sa qualité d'envoyé spécial de l'Union africaine (UA) entre 2003 et 2007. Preuve de son talent de médiateur, il a été nommé deux fois (2008-2013) commissaire pour la paix et la sécurité de l'Union africaine, son dernier poste avant d'être couronné ministre des Affaires étrangères. Ramtane l'Africain… Mais Ramtane Lamamra n'est pas uniquement «Monsieur Afrique». Ce parfait polyglotte a également posé ses valises, en 1992, sur le vieux continent en exerçant notamment comme ambassadeur en Autriche et auprès de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) auprès de l'Onudi. Il franchira l'Atlantique pour connaître sa première consécration en héritant successivement des très courus postes d'ambassadeur à New York et Washington. Deux postes aussi prestigieux que stratégiques dans la carrière d'un diplomate, puisque M. Lamamra sera nommé ambassadeur d'Algérie à l'ONU entre 1993 et 1996, puis ambassadeur d'Algérie à Washington entre 1996 et 1999 sous la présidence de Liamine Zeroual. Pour le diplomate, la boucle est bouclée. Ou presque. Retour à la «maison mère» en Algérie au début de 2000. Pas pour longtemps, puisqu'il a repris son vol en Afrique pour aller éteindre le feu au Liberia en 2003 sous la casquette d'envoyé spécial de l'Union africaine. Il revient une nouvelle fois à la maison en 2004 pour servir d'ambassadeur conseiller au MAE. La même année ce diplomate «globe-trotter» est dépêché au Portugal en qualité d'ambassadeur avant de revenir une année après aux Affaires étrangères, cette fois dans le costume de secrétaire général. Mais une fois de plus, l'appel de l'Afrique retentit. Ramtane Lamamra est couronné ambassadeur à disposition de commissaire Paix et Sécurité de l'Union africaine en 2008. Une mission de «redresseurs des torts» qu'il accomplira avec beaucoup d'engagement et de talent dans un continent miné par les conflits. Puis vint cette nomination à la tête du ministère des Affaires étrangères… Pour beaucoup d'observateurs, ce poste va comme un gant à l'enfant d'Amizour. Après s'être familiarisé avec l'épicentre du monde à Washington et à New York, et avoir guerroyé diplomatiquement dans les quatre coins de l'Afrique, Ramtane Lamamra paraît très bien outillé pour mettre en application son vécu et son talent. En cela, il est l'exact contraire de son prédécesseur Mourad Medelci qui faisait office de «secrétaire diplomatique». S'il est vrai que M. Lamamra ne touchera pas aux fondamentaux de la politique étrangère de l'Algérie qui reste le jardin secret du Président, on pourrait tout de même s'attendre à une autre mise en musique. Sa maîtrise de plusieurs dossiers, dont les conflits en Afrique, le désarmement, le terrorisme, le nucléaire, le système des Nations unies, la bonne gouvernance et évidemment la question sahraouie dont il était un observateur à Manhasset, le met dans de bonnes dispositions pour donner une visibilité à l'Algérie. Avec son collègue Madjid Bouguerra dont il partage le parcours à la direction Afrique, il pourrait constituer un ticket gagnant pour la diplomatie algérienne qui a perdu la boussole depuis l'époque de Mohamed Salah Dembri. Exit la «diplomatie des petits fours» La mission du nouveau MAE devrait se traduire par un retour effectif vers l'Afrique, qui constitue la profondeur stratégique de notre pays et qui a été boudée depuis 1999. M. Lamamra devait aussi fructifier ses réseaux à Washington et à New York pour tenter de replacer l'Algérie parmi les pays qui comptent, non pas par l'épaisseur de leurs portefeuilles, mais par leur leadership. Il s'agira en fait d'en finir avec la «diplomatie des petits fours» qui a réduit l'Algérie à un simple «champion de la lutte antiterroriste» que nous servent les responsables américains et britanniques. Reste à savoir quelle sera la marge de manœuvre du nouveau ministre qui a ceci de particulier : il est un «enfant de la boîte».