"C'est un professionnel qui, nous l'espérons, aura une grande marge de manœuvre pour pouvoir faire ce qu'il sait faire !" L'homme qui parle ainsi est l'ancien ambassadeur et diplomate, Abdelaziz Rahabi. Il répondait à une question sur la nomination de Ramtane Lamamra, peu après sa nomination en 2013 au sein du gouvernement d'Abdelmalek Sellal en remplacement de Mourad Medelci. Jusqu'à il y a quelques jours encore, il paraissait comme l'un des ministres-clés du gouvernement, devenu au fil des mois, au regard de son activité diplomatique débordante, un poids lourd dont on peine à imaginer qu'il sera un jour, sauf pour des impératifs majeurs, "écarté" du "palais des Annassers". Pourtant, c'est l'une des surprises du "chef" après la divulgation de la liste du gouvernement Tebboune : Ramtane Lamamra ne sera pas reconduit. Il cède le portefeuille à celui qui empiétait jusque-là sur ses platebandes, Abdelkader Messahel, en l'occurrence. Du coup, les interrogations n'ont pas manqué de fuser, notamment sur les réseaux sociaux où beaucoup se demandent les raisons sous-jacentes ayant motivé le départ de Ramtane Lamamra. En privé, y compris au sein des chancelleries, nombre de diplomates et ses collègues lui reconnaissent son talent de diplomate chevronné, sa grande maîtrise des dossiers internationaux, pour avoir occupé de nombreux postes par le passé, comme ambassadeur à New York, à Washington, auprès de l'AIEA, mais également pour avoir participé à de nombreuses opérations de règlement de conflits en Afrique, comme au Liberia, au Burkina Faso ou au Tchad. Ramtane Lamamra a-t-il fini, de guerre lasse, par perdre la bataille en sourdine qu'il livrait à Abdelkader Messahel, un protégé du "cercle présidentiel" ? Une bataille qui a commencé après la nomination de Messahel en qualité de ministre des "Affaires maghrébines, de l'Union africaine et de la Ligue arabe". Faut-il rappeler, dans ce contexte, le "cafouillage" qui avait entouré cette nomination en mai 2015 lorsque la présidence de la République avait publié, dans un premier temps, un communiqué dans lequel elle annonçait que Lamamra avait été désigné "ministre des Affaires étrangères" et Abdelkader Messahel "ministre des Affaires maghrébines et africaines et de la Coopération internationale", avant de rectifier quelques jours plus tard, en précisant que "Lamamra est ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale", tandis que Messahel s'occupait des "Affaires maghrébines, de l'Union africaine et de Ligue arabe". Ce bicéphalisme avait dérouté de nombreux diplomates étrangers. Mais pour les observateurs locaux, il s'agissait d'une manifestation du bras de fer qui opposait les clans, d'où cette trouvaille inédite : scinder le ministère en deux. Ramtane Lamamra, qui jouit d'une bonne presse, auquel beaucoup prêtent le mérite d'avoir rendu une certaine visibilité à la diplomatie algérienne, devenait-il encombrant aux yeux du Président ? Considère-t-on qu'il a échoué dans certaines de ses missions ? Ou le ménage-t-on pour d'autres missions ? Une chose est sûre : les signes annonciateurs de son départ étaient nombreux depuis un moment. À commencer par le fait qu'il soit dépossédé de nombreux dossiers d'importance comme ceux de la sécurité, de la lutte contre le terrorisme et de la Libye. Il y a aussi l'échec du Forum africain d'affaires en décembre dernier dans lequel certains y avaient vu les signes d'un "complot ourdi". Et depuis quelques jours, c'est son collègue qui s'affichait dans des rencontres internationales d'importance, comme aux travaux du comité des dix chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union africaine sur la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies, qui se sont tenus du 15 au 17 mai à Malabo (Guinée équatoriale), où la Présidence lui a préféré Messahel pour représenter le... président de la République. À moins qu'il ne soit appelé à occuper un autre poste plus prestigieux, Ramtane Lamamra part dans une conjoncture où la diplomatie algérienne est confrontée à de nombreux défis que l'absence du Président semble plomber. C'est dire que sa fin de mission est "étrange". Karim Kebir