Bien qu'il ne soit plus de ce monde, Mohamed est toujours vivant dans le cœur des siens et de ceux pour lesquels il s'est battu de son vivant. Les paysans et les ouvriers de la région se rappellent de lui et de ses écrits à ce jour. Hier, ils étaient plus d'une soixantaine, entre proches, anciens amis, syndicalistes, journalistes et militants des droits de l'homme à s'être rendus à la cérémonie de recueillement organisée à sa mémoire. Cet hommage a été initié par le Club de presse de Boumerdès, en collaboration avec le collectif Manansaouch (Nous n'oublions pas), dont certains de ses membres, à l'instar du président de la LADDH,Hocine Zehouane, et la veuve de l'ancien directeur de l'ENTV, Mustapha Abada, assassiné par les terroristes à Aïn Taya le 14 octobre 1993, étaient présents hier à Larbatache. La cérémonie de recueillement à la mémoire de Hassaïne a eu lieu devant la maternité de la ville, l'endroit où il a été enlevé par quatre hommes armés dans la matinée du 28 février 1994. «Je me souviens que c'était un lundi du mois de Ramadhan. On m'a dit que les terroristes l'ont pris juste à sa sortie de la maison et emmené avec eux. Depuis, on ne l'a plus revu», relate sa femme, les larmes aux yeux.Plus de dix ans après, un repenti aurait avoué que Mohamed a été assassiné par ses ravisseurs dans la nuit du 28 février. Son corps n'a jamais été retrouvé. Lutter contre l'oubli «Le même jour, les terroristes avaient ôté la vie à une jeune fille de la localité voisine de Hammadi, Katia Bengana (17 ans), pour avoir refusé de porter le voile. Ils avaient également assassiné à Chlef un imam qui dénonçait leurs actes», se rappelle un syndicaliste, en soulignant que l'Algérie a connu Daech il y a 20 ans. Mohamed Hassaïne a laissé derrière lui trois garçons, dont l'aîné avait 6 ans. A défaut de sépulture, ses proches se recueillent à sa mémoire à l'endroit même où il a été kidnappé. «Dix jours avant son enlèvement, on lui avait conseillé d'aller s'installer à Alger, mais il nous avait dit qu'il n'avait pas peur et qu'il devait continuer son combat», se rappelle avec émotion Tahar Ghezali, un de ses collègues de travail à l'époque. Les présents ont souhaité que ce genre d'initiative soit généralisé à l'avenir à travers tout le pays pour combattre la politique d'amnésie sciemment entretenue par les tenants du régime actuel. «On ne peut construire le pays avec l'oubli. Le concept de tragédie nationale cache les responsabilités», estime Me Hocine Zahouane. Pour lui, les Algériens n'ont pas besoin de réconciliation mais de justice. «Même si les bouches sont cousues, les blessures ne se cicatrisent jamais. Et il y a risque que les générations futures expriment ce besoin de justice par la vengeance», a-t-il averti, avant d'appeler à la réalisation d'un mémorial national pour toutes les victimes du terrorisme islamiste.