1-La réponse aux questions économiques et sociales est avant tout d'ordre politique La réponse aux questions économiques et sociales est avant tout d'ordre politique, car le système est la source des problèmes. Ceux qui font la décision au sein du système le savent bien mais ne semblent pas disposés à engager sérieusement les réformes politiques permettant à la population de choisir démocratiquement ses institutions, ses dirigeants et son programme, et ce, pour une raison bien simple. Si rien ne bouge, c'est parce que le statu quo maintient les équilibres internes et arrange ses principaux partenaires occidentaux qui apportent leur soutien. Les partisans de cet immobilisme considèrentqu'aucune menace sérieuse, interne et ou externe, ne peut mettre en danger le système car le système se sent fort de son Administration, le vrai parti du pouvoir, qui quadrille tout le pays, contrôle la société et les résultats des élections, fort de ses Services de sécurité, notamment de sa police qui a multiplié ses effectifs et modernisé ses équipements, qui dissuade toute manifestation pouvant porter atteinte à l'ordre public, fort également du soutien de la communauté internationale ayant des intérêts économiques dans le pays.. Il se sent si fort qu'il n'estime pas utile d'utiliser les médiations politiques et syndicales pour gouverner. Il les ignore carrément, car le mécontentement populaire ne menace pas la stabilité du régime, et ce, aussi longtemps que perdure le système qui favorise la corruption actuelle : l'absence d'Etat de droit, d'une véritable fiscalité, le monopole sur les importations, la généralisation du commerce informel. Pour le système, il n'y a rien à craindre des émeutes quotidiennes, elles ne sont porteuses d'aucun projet politique. En général ces émeutes, les autorités parviennent à les éteindre par des expédients financiers dans certains cas et la répression dans d'autres cas. Tout est fait pour empêcher la société de fédérer ces mouvements de contestation. L'énergie des jeunes, passe entièrement dans la recherche des moyens d'émigrer outre mer. L'explication en revient à l'économie de rente et l'absence de système productif capable d'offrir des emplois en nombre suffisant. En vérité, la redynamisation de l'appareil de production et sa diversification supposent la fin de l'économie d'importation, qui alimente la corruption et contribue à assurer la pérennité du système politique. Ce n'est donc pas pour demain, car les conditions de cette diversification, visant à substituer à la manne pétrolière la valeur ajoutée du travail productif, passent par un changement politique. Or ceux qui font la décision au sein du système en ont conscience et font tout pour éviter l'émergence d'une vraie alternative politique en divisant l'opposition et en marginalisant la société civile autonome. Fort du soutien des pays Européens et des Etats Unis, à qui il assure d'une part l'approvisionnement en pétrole et gaz, un code des investissement libéral avec l'ouverture sans contrepartie du marché et, d'autre part, une collaboration active dans la lutte contre le terrorisme et l'émigration illégale, mais n'ayant pas la confiance du peuple, le système est malgré tout en état de faiblesse donc facile à influencer et à manœuvrer. Les intérêts occidentaux et ceux du système convergent donc pour que rien ne change, car une alternative réellement démocratique constitue pour eux une perspective pleine d‘incertitude, avec le risque de remise en cause des rentes de situation politiques et économiques. Partant de cette analyse, le discours officielmet l'accent sur la stabilité du pays, la poursuite de son développement économique et de son modèle social de protection des plus démunis, persuadé qu'après un demi-siècle de gestion autoritaire de la société, une telle politique avec quelques ajustements démocratiques de façade, et une alternance clanique, va encore maintenir le système inchangé pour longtemps. Pas pour longtemps car nous avons changé d'époque. Si deux générations ont vécu sans avoir pu exercer pleinement leur droit à l'autodétermination, ni joui de toutes les libertés démocratiques et de la protection d'un Etat de droit, la 3ème génération actuelle mieux informée de ses droits de citoyens ne se laissera pas faire passivement comme leurs grands parents et parents. De plus la réalité est toute autre et rend inévitable un changement de système à plus ou moins brève échéance. Changement il y'aura, sans aucun doute. La question est : sera-t-il pacifique ou violent. Le changement est inéluctable, car notre analyse s'appuie: – Sur l'Histoire universelle qui voit triompher sur tous les continents la démocratisation des pays et l'établissement d'Etats de droit respectueux des libertés et des droits de l'homme, mouvement irréversible qu'aucune manoeuvre ne peut ni arrêter, ni retarder indéfiniment. – Sur les aspirations du peuple algérien à vivre dans un Etat de droit et son attachement viscéral aux valeurs démocratiques, à la souveraineté et à l'unité nationale, à l'indépendance du pays, à l'intégrité du territoire et à la préservation de ses ressources. – Sur les limites du système actuel qui ne pourra pas compter indéfiniment ni sur les ressources financières pour se légitimer socialement, car les ressources baissent et les besoins grandissent, ni sur la force car il y'a une limite à l'autoritarisme et à la répression pour gérer des conflits politiques ou des revendications sociales. – Sur l'évolution durapport de force dans le pays en faveur du changement, sous la pression conjuguée de la population, et de la communauté internationale anticipant cette évolution. Considérant le changement inéluctable, nous le voulons pacifique, c'est le but poursuivi par notre projet de reconstruction d'un consensus national autour de l'Etat de droit, de la démocratie et du développement durable, qui éviterait au pays le risque de violences incontrôlables pouvant conduire au chaos et à des interventions étrangères. Nous sommes confiants. Notredémarche de reconstruction du consensus national s'inscrit dans le temps en visant à mettre en mouvement la société. Nous considérons qu'elle est laseule à même de contrecarrer la stratégie du statu quo.L'oppositionà notre démarche par les tenants du système actuel montre bien que nous sommes sur la bonne voie et qu'il faut persévérer dans ce sens en mobilisant les citoyens, le mouvement associatif autonome et tous les acteurs du changement. Guidé par les enseignements de notre Cher Président Hocine Aït Ahmed, Allah Y Rahmou, qui nous a tracé la voie, fixé le cap, armé de valeurs et d'une double éthique à la fois de conviction et de responsabilité, nous sommes plus que jamais déterminés à réaliser ce consensus et à honorer les idéaux pour lesquels se sont sacrifiés nos martyrs de la liberté et de la démocratie.
2-Le temps presse car la situation est alarmante Sur le plan social Une rentrée difficile attend ceux qui ont un emploi: la précarité, un pouvoir d'achat en baisse avec de nouvelles taxes, la dévaluation du dinar et l'inflation en hausse, le recul des subventions aux biens et services essentiels. Un chômage en progression, avec les nouveaux arrivants sur le marché du travail, dont des jeunes diplômés, qui viennent s'ajouter au million de chômeurs de longue durée, La jonction des jeunes chômeurs avec les anciens devient explosif. Sans la solidarité familiale, le seul exutoire reste le travail informel, l'émigration clandestine, le travail des enfants, le vol et les trafics en tous genres, la mendicité et la prostitution. La protection sociale et la création d'emplois sont nettement insuffisantes. Avec le recul de l'investissement et le projet d'un nouveau code du travail qui faciliterait les licenciements et limiterait le droit de grève, la situation va empirer, Si l'on ne mesure pas la gravité de la situation et y répondre par le dialogue et la participation, la colère qui monte et les protestations qu'elle engendre feront place à la révolte, voire au chaosqui risque de conduire à une reprise en main autoritaire du régime, scénario qu'ont connu d'autres pays,. A notre connaissance, au lieu d'un dialogue constructifavec les partis politiques représentatifs et les mouvements associatifs autonomes, les seules réponses mises en œuvre sont le renforcement des forces de police, les intimidations et les arrestations, la peur instillée par des démonstrations de force, et surtout le contrôle des medias et la marginalisation de l'oppositionavec le nouveau code électoral et la fraude annoncée.
Sur le plan économique, Les thématiques soumises à votre débat mettent l'accent sur les échecs du système et son incapacité à faire face aux conséquences de ses mauvais choix et de sa mauvaise gouvernance, pour ne citer l'austérité comme seule réponse à la baisse du prix de l'énergie qu'il n'a pas anticipé, la montée de l'informel qui marque la faillite du système à mettre en place une réforme fiscale à même d'insérer ce secteur dans l'économie, la destruction des classes moyennes dont les professions sont dévalorisées dans l'échelle sociale et sur le plan financier. L'ingénieur, le médecin, l'enseignant, sont moins considérés que les nouveaux riches qui ont bâti leur richesse sur le trafic et la corruption, Les politiques publiques, pour ne pas dire anti public, réduisent l'accès de tous aux services sociaux de base et ne font plus de l'entreprise économique nationale le moteur du développement, faisant plus confiance au capital privé international pour assurer le développement du pays. Alors que le développement national ne peut être assuré par des investissements directs étrangersdont la finalité est la recherche du profit à court terme sans soucis de l'impact de leurs investissements sur l'emploi et la formation, le bilan devises, les disparités territoriales ou la protection de l'environnement, guidée avant tout par la rentabilité financière avant la rentabilité économique et sociale.
3-Un nouveau modèle de croissance est la mauvaise réponse du système à cette situation. Le nouveau modèle de croissance économique du système, présenté comme la solution miracle pour sortir le pays de la crise, est inapproprié et inapplicable en l'absence d'un changement du système politique. Non adossé à une stratégie et à un plan d'action daté et financé, il n'ouvre pas la voie à un développement durable. Par définition la Croissance n'est bénéfique que si elle est compatible avec le Développement durable. Alors que le Développement vise le bien être des citoyens, mesuré par l'IDH (Indice de Développement Humain), indicateur de l'augmentation du pouvoir d'achat, de l'espérance de vie, du niveau d'éducation et de la qualité de l'environnement, la Croissance ne s'intéresse qu'à l'évolution du Produit Intérieur Brut ( Y) que l‘on obtient en additionnant la consommation des ménages (C), l'investissement (I) et les dépenses publiques (G) et qui ne prend en considération ni le progrès social, ni la préservation de l'environnement. Se fixer comme objectif la croissance économique et considérer le social et l‘environnement comme valeurs résiduelles, c'est tourner le dos au développement durable qui, dans une démarche systémique, considère en même temps et accorde la même importance à l'économie, au social et à l'environnement. De plus, ce modèle conçu d'en haut fait table rase du passé, effaceles échecs d'hier sans en tirer les leçons et se fixe des objectifs qui ignorent les réalités économiques, sociales et environnementales de notre pays et les défis futurs, et qui,prenant appui sur des schémas théoriques importés, visent à façonner une autre réalité, abstraite et étrangère à notre histoire et à notre société. Impossible à appliquer sur le terrain pour réaliser un développement durable, car les raisons à cela sont nombreuses : – Non adhésion des citoyens, des acteurs de la société civile et des partis politiques représentatifs, non consultés. – Gouvernance centralisée, avec un système de décision lent, opaque et non démocratique. – Sous-traitance du développement à des firmes étrangères, à la recherche d'une rentabilité financière immédiate, sans garanties économiques et sociales – Acte d'investissement contrarié sur le plan des procédures, du financement et de la corruption. – Financement des programmes non garanti Indépendamment de ces facteurs, il est une vérité qui transcende le tout. Le système et les partis qui le soutiennent, n'ont pas la légitimité nécessaire et donc l'appui de la population pour le réaliser à cause de l'austérité qu'il implique. Seul un consensus politique autour d'un programme commun visant à construire un Etat de droit, la démocratie et un développement durable qui promeut simultanément le développement économique, le progrès social et la sauvegarde de l'environnement, a des chances de sortir le pays de la crise et de le protéger des menaces extérieures qui pèsent sur sa sécurité, ses ressources et son intégrité territoriale.
4-Un consensus autour du développement durable est un facteur de stabilité interne et de dissuasion externe. Cette conférence vient à point nommé pour préciser le diagnostic et prescrire une médication voire une chirurgie pour guérir le pays de ses nombreux maux. A cet effet, je rappelle à votre bienveillante attention que la résolution économique de notre Congrès est centrée sur le développement durable. Son caractère exhaustif et pédagogique, je dirais trans-partisan, peut apporter un éclairage à vos travaux. Datant de 2013, ce document prend appui sur les retards accumulés dans le domaine économique, social et environnemental dans notre pays tout en s'inspirant d'expériences à succès de pays étrangers ayant connu des avancées notables dans ce domaine en intégrant dans leur stratégie et planification nationale les 17 Objectifs de Développement Durable adopté par l'AG de l'ONU en septembre 2015. L'Algérie qui a pris l'engagement de les mettre en œuvre, au même titre que les autres pays,et d'en rendre compte annuellement de leurs progrès devant les Nations Unies, ne les a pas considéré, en tant que tels,dans son modèle de croissance et n'a pas encore démarré ni l'information nécessaire pour sensibiliser et mobiliser l'opinion autour de ces objectifs, ni la formation appropriée des cadres au niveau central et local pour leur concrétisation. Par ailleurs, ils n'ont pas engagé les concertations avec les collectivités territoriales, le secteur privé et les parties prenantes représentant la société civile, appelés à jouer également un rôle clé dans la mise en œuvre. De quoi s'agit-il ? Partant du constat que la pauvreté, les inégalités, la dégradation de l'environnement, l'impact des changements climatiques, portent atteinte aux droits de l'homme et menacent la paix et la sécurité dans le monde, la communauté internationale a convenu d'agir chacun dans son pays et tous ensemble pour orienter leur politique, économique, sociale et environnementale pour un développement durable.En annexe, la liste des Objectifs du Développement Durable. Pour ne citer qu'un des objectifs ayant traità la préservation de l'environnement qui préconise notamment la prise d'urgence de mesures pour lutter contre les changements climatiques, la lutte contre la désertification, la gestion durable des forêts, la préservation de l'écosystème et de la biodiversité, une meilleure qualité de vie avec un assainissement urbain et des espaces verts, le retard de notre pays dans ce domaine est considérable. Il suffit d'observer nos villes, nos campagnes submergées par des tas d'ordures ménagères, nos rivières polluées par des décharges sauvages et asséchées par des pilleurs de sables, nos forêts déboisées et détruites partiellement par des incendies chaque été faute d'entretien, de prévention et de reboisement. Des espaces verts sont bitumés, des parcs nationaux détournés de leur vocation. La faune et la flore si riches dans le passé s'appauvrissent car non protégées. De nombreux oiseaux migrateurs ont boycotté notre pays car leur habitat a été détruit par une urbanisation sauvage. Bientôt, nos enfants devront consulter des livres ou aller dans des zoos pour découvrir ces espèces qui auront disparu de notre pays. Je tiens à rendre hommage aux associations de défense de l'environnement qui se créent dans nos communes, qu'il faudra encourager et soutenir dans leurs revendications auprès des pouvoirs publics pour prendre des mesures de sauvegarde, adopter une réglementation qui pénalise les pollueurs et des programmes scolaires pour sensibiliser les jeunes à la nécessaire protection de la nature. Le reste des objectifs du développement durable gagnerait à faire l'objet d'une session spéciale car riche d'enseignements pour les acteurs politiques, économiques et sociaux. Je reviens donc à vos travaux que je considère comme essentiels dans le processus de reconstruction du consensus national dans le domaine économique, social et environnemental. Mettons nous d'accord sur un certain nombre de mesures essentielles à prendre dans ce domaine, à court, moyen et long terme. Ces mesures nous serviront à amorcer le dialogue politique avec les principaux acteurs concernés, dans et hors du système, en vue de parvenir à une plateforme consensuelle, qui permettra de moderniser le pays et de l'armer face à l'adversité. Il ne me reste qu'à vous souhaiter un plein succès à vos travaux. Je vous remercie de votre attention