Avec ce livre de recettes qu'elles ont collectées auprès de leurs proches en Kabylie et en France, Farida Aït Ferroukh (ethnologue) et Samia Messaoudi (journaliste) nous restituent un pan de l'histoire de la Kabylie, de sa mémoire, de ses coutumes. Un savoir-faire traditionnel auquel se mêle l'apport de l'innovation contemporaine. « Ce qui rend le mets encore plus succulent, surtout pour nos aînés, c'est sa rareté. La mémoire kabyle est ponctuée de souvenirs relatifs à la faim, voire à la famine : sécheresse, expropriation, second conflit mondial, guerre de libération (1954 - 1962)... Beaucoup d'enfants de cette dernière guerre se souviennent avoir disputé les restes des repas des soldats, aux cochons d'élevage des camps militaires », écrit Farida Aït Ferroukh dans une longue partie introductive. « Et aujoud'hui... il est des enfants qui connaissent encore ce manque : père licencié ou dont le revenu reste insuffisant pour nourrir toute la famille. C'est encore aux femmes de bricoler avec les moyens de bord et les dons de la nature, et c'est encore aux grands-mères de tromper la faim de la marmaille en la nourrissant d'histoires fabuleuses d'antan, même si cette tradition commence à disparaître face à la "magie" de la télévision et au "pouvoir" de plus en plus attractif de la parabole. » Les Berbères, du Nord comme du Sud, ont pu survivre à de longues périodes de disette et de misère totale grâce à une bonne connaissance de leur environnement naturel. Contrairement à une idée répandue, la cuisine kabyle, essentiellement rurale, est riche et diversifiée, et les deux auteurs de ce livre le démontrent. Un même plat est apprêté différemment d'un village à l'autre et même d'une femme à l'autre, nous disent-elles. Elles nous donnent un aperçu d'un savoir féminin ancien, enrichi par la créativité des plus jeunes. La Cuisine kabyle/(collection Voyages gourmands, Edisud), de Farida Aït Ferroukh et Samia Messaoudi