L'idée d'étudier les disciplines sportives et tout ce qui s'y rattache ne fait pas encore l'unanimité, malgré l'émergence des sciences des sports. L'Institut de l'activité physique et sportive de Dély Ibrahim, bien qu'il soit sous tutelle du ministère de l'Enseignement supérieur, a du mal à se faire accepter en tant que spécialité spécifique. Manque de moyens et problèmes d'infrastructures empêchent cet établissement de jouer un rôle salvateur dans un domaine qui souffre pourtant de résultats souvent désolants. Pour eux, le sport c'est des jeunes qui jouent et s'amusent». Cette petite phrase du directeur de l'Institut de l'éducation physique et sportive d'Alger 3 en dit long sur la perception aussi bien des responsables universitaires que des sportifs de la filière sport à l'université. Selon Fathi Belghoul, le sport national souffre d'une vision archaïque, qui n'arrive toujours pas à le percevoir autrement que comme une discipline «anecdotique» et simplement de «divertissement». Or, le sport aujourd'hui est une science avec ses méthodes sans cesse mises à jour et une activité économique avec ses règles bien strictes. «Les milieux sportifs et tous les clubs sont entre les mains d'anciens joueurs de l'équipe nationale, qui nous voient, nous, issus de l'université, comme des académiciens qui n'ont rien à voir avec le terrain. Ils refusent de se plier aux nouvelles exigences du sport et nous écartent par peur de perdre la main», explique le directeur (voir l'interview). Cette vision globale, cause directe de la régression criante du sport national, toutes disciplines confondues, se reflète au mieux dans l'Institut de l'éducation physique et sportive (IEPS) de Dély Ibrahim. Créé en 1981, l'établissement commence à peine à se faire une réputation discrète sur la place publique, malgré un véritable engouement pour ses spécialités. Très peu mis en avant, l'institut attire de plus en plus d'étudiants. D'ailleurs, cette année, il y a eu un grand rush, mettant l'établissement dans l'embarras, puisque ses capacités d'accueil de 3 000 étudiants sont largement débordées. L'institut compte actuellement 4 500 étudiants, encadrés par 150 enseignants. «Nous constatons un rush sur la formation sportive, car les jeunes, aujourd'hui, savent que c'est finalement une formation aboutissante. Au lieu de s'investir dans un autre cursus comme le droit ou les sciences sociales, par exemple, le sportif sait qu'il peut maintenant poursuivre des études supérieures en sport. Il a donc une motivation intrinsèque et une autre extrinsèque, qui lui permettent de construire un projet», constate Fathi Belghoul. En termes de formation, l'IEPS comporte toutes les disciplines des sports collectifs (football, handball, volley-ball, basket-ball…) et individuels (karaté, judo, athlétisme, natation…) et présente essentiellement trois filières suivant le cursus LMD. La première, appelée «Education physique et sportive éducative», est, comme l'indique son intitulé, à caractère éducatif. C'est celle qui attire le plus d'étudiants au regard du manque flagrant d'éducateurs physique dans les établissements scolaires (surtout les lycées et les CEM). Elle présente des débouchées quasiment assurés. La seconde filière, dite «Management sportif», forme dans l'idéal les gestionnaires et, pourquoi pas, les futurs présidents de clubs et de fédérations. Quant à la troisième filière, appelée «Activité physique adaptée», elle est consacrée aux sportifs et à l'éducation des personnes atteintes d'un handicap. «Face au nombre important d'étudiants, j'avoue qu'on galère», reconnaît le directeur de l'IEPS, en déplorant le manque de moyens dont souffre l'établissement, aussi bien en termes d'infrastructures que de budget. Handicap budgétaire Actuellement, l'institut comprend un stade homologué, une piscine olympique de 100 mètres, deux salles omnisports, une grande et une autre petite salle de sports individuels. Par ailleurs, huit terrains Matico sont en projet. «Les salles ont atteint un stade de vétusté important. Il y a bien un projet pour leur rénovation, mais pour le moment, ces salles sont vraiment dans un état peu enviable», regrette le directeur. Par ailleurs, et au-delà de l'impérative construction d'un bloc administratif, l'IEPS souffre réellement d'une handicapante restriction budgétaire. «Il n'y a aucune prise en charge de nos athlètes. En plus, il faut que la tutelle prenne conscience que l'Institut de sport est un établissement spécifique. Ce n'est pas une faculté, donc les moyens pédagogiques nécessaires sont bien plus importants», dénonce encore Fathi Belghoul. Géré par la Ligue des sports universitaires, les sportifs de l'IEPS ne trouvent aucun moyen de prise en charge, même lors de compétitions nationales ou régionales, puisque le budget alloué par le ministère de l'Enseignement supérieur ne prévoit rien sur cet aspect. Par ailleurs, les infrastructures nécessitent un entretien spécifique, qui doit être opéré par des professionnels. Or, selon le témoignage du directeur, c'est le bénévolat des enseignants et la sollicitation des agents de l'université qui, «bricolent» comme ils peuvent pour faire durer ces infrastructures. C'est en fait un agent qui arrose et tond la pelouse du stade, alors que pour cette activité, il existe des spécialistes formés en tant que tels. Le sport, une science «L'entretien demande beaucoup de moyens. Pour la piscine, par exemple, rien que pour mettre le chlore et le ph, il faut quelque 25 millions de centimes par mois. Et cela sans compter le reste et les autres infrastructures», explique encore le responsable. Ainsi, les enseignants et l'administration de l'IEPS ont recours au système D pour arriver à maintenir le matériel et les infrastructures en vie, grâce, entre autres, à la consultation des sites internet spécialisés, ou en sollicitant l'avis de véritables spécialistes. Ainsi, devant ces problèmes de gestion, l'institut, qui commence à donner des fruits, avec la consécration de certains de ses diplômés, étudiants et enseignants comme champions dans des compétitions internationales, gagnerait à être apprécié différemment. D'abord par sa tutelle directe, soit le ministère de l'Enseignement supérieur. Ensuite par le milieu sportif. L'université, qui a fait de la coopération avec le secteur socio-économique son nouveau cheval de bataille, devrait penser à faire de même pour cet établissement, qui, au final, fait partie de son réseau. Penser à des conventions avec les clubs sportifs, les fédérations et les potentiels sponsors ne serait pas de trop, dans un secteur sportif qui pédale à reculons. «Il est insensé, aujourd'hui, que des acteurs du milieu sportif parlent encore de couacs, comme s'ils étaient des mégères attablées dans le café du coin. Maintenant, il faut faire des analyses sportives. Décrire un échec ou une réussite et les expliquer d'après les théories scientifiques. Le sport actuellement, est une science», conclut Fathi Belghoul.