Je ne possède plus de carte d'identité, ni aucun autre document, j'ai tout perdu dans l'incendie qui a détruit la moitié de ma maison ; constatez par vous-même. Mais je suis en vie et aucun membre de ma famille n'a été blessé, c'est l'essentiel», dit Ahmed Bendaoui, debout sur le seuil de la porte de ce qui reste de sa petite maison, au village Aït Ouacif, dans la commune d'Aït Yahia Moussa (25 kilomètres au sud de Tizi Ouzou). Les dégâts de l'incendie qui a ravagé la région la semaine dernière sont terrifiants. Les paysages sont lunaires. «Ce jour-là, je dormais juste là, quelques instants seulement avant que les flammes n'atteignent les murs de cette pièce. Le feu a tout réduit en cendres», ajoute-t-il, ému. L'atmosphère s'est apaisée dans la région d'Aït Yahia Moussa en cette matinée du dimanche 16 juillet et les températures semblent bien plus clémentes, comparées à la canicule de ces derniers jours. Un vent léger souffle sur les maisons et fait voltiger des cendres. L'air sent l'odeur de brûlé. Le village tente de reprendre vie petit à petit, même si le décor ne s'y prête pas. Des terres brûlées, des arbres calcinés à perte de vue constituent le seul paysage qui s'offre aux yeux. Les citoyens, terrorisés par l'avancée rapide et inexorable des flammes, avaient quitté précipitamment leurs maisons. Ils commencent à revenir au village, même si certains sont toujours sinistrés et hébergés chez des proches ou dans les différents établissements scolaires, comme l'est actuellement Ahmed Bendaoui. «Les portes de l'école primaire du village nous ont été ouvertes afin de nous héberger. Nous espérons vraiment recevoir un soutien de la part des autorités», dira-t-il, car, pour lui, «sans l'intervention des autorités, nous ne pourrons pas nous en sortir. Le maire s'est déplacé ici et a lui-même constaté les dégâts, maintenant, nous attendons que des décisions soient prises pour nous aider», ajoute-t-il. Les regards des citoyens affectés par les incendies survenus dans plusieurs localités de la wilaya se tournent désormais vers les autorités. Ils espèrent une prise en charge effective, ainsi que des aides et des compensations pour le grand préjudice qu'ils ont subi. Nombreuses sont les voix qui se sont élevées pour réclamer que la région soit décrétée «sinistrée» afin d'accélérer les procédures d'indemnisation de toute la population concernée. «C'était plein d'oliviers, et aujourd'hui il n'en reste plus rien», soutient notre interlocuteur, en désignant les vastes et sinistres champs de cendres qui entourent sa maison. Il ajoute qu'au village, les flammes n'ont épargné ni les poulaillers ni le bétail. «J'ai failli perdre tout mes troupeaux de chèvres et de moutons, Dieu merci, j'ai réussi à les sauver à temps. Mais l'écurie est anéantie, avec à l'intérieur quelques dizaines de bottes de foin», dira-t-il. Il enchaîne en soulignant le caractère agricole de la région et l'impact que ce mauvais épisode aura sur la population. «Ici, à Aït Ouacif, comme dans les autres villages d'Aït Yahia Moussa, les gens vivent de leur terre, de l'olivier et de l'élevage. Vous imaginez donc ce que tous ces dégâts signifient pour eux», affirme le père de famille avant d'ajouter: «J'ai 64 ans et je peux vous assurer que je n'ai jamais vu un tel incendie dans la région. Les flammes ne laissaient aucune chance d'intervenir, la seule chose à faire était de s'enfuir le plus rapidement possible.» Il revient par la suite en détail sur ce sinistre du mardi 11 juillet, qui avait pourtant débuté comme une journée ordinaire. Il dira : «Vers 10h30, les gens parlaient d'un feu qui s'est déclaré à M'kira, à 10 km d'ici. Moins de deux heures après, nous étions encerclés par les flammes, qui ont dévoré la moitié de la maison en quelques minutes seulement.» Sa fille, Baya, demeurée silencieuse durant un long moment, intervient pour raconter comment elle s'est enfuie avec sa mère terrorisée, pour se réfugier chez des voisins, alors que son père libérait son troupeau de l'écurie. «L'intervention des voisins pour éteindre l'incendie a été salutaire pour la moitié de la maison épargnée par le feu», selon la jeune fille. «Notre commune est délaissée, les villages sont oubliés, et cet incendie est venu empirer la situation que nous vivons», reprend Ahmed Bendaoui, profitant de l'occasion pour énumérer les manques dont souffre le village en matière de développement, en particulier l'alimentation en eau potable. «Nous sommes exposés aux incendies et nous ne pouvons pas faire face à cause du manque d'eau. Nous ne sommes alimentés qu'une fois tous les dix jours, parfois plus», déplore notre interlocuteur. A Aït Yahia Moussa, ce sont 17 villages qui ont subi des dégâts importants. Le gouvernement ne s'est manifesté qu'une semaine plus tard pour promettre des aides aux sinistrés. Les paysans recevront probablement quelques ovins, mais qu'ils ne pourront pas paître tant le vert a tourné au gris.