A peine l'affaire du Café littéraire d'Aokas réglée par une belle démonstration de rue, voilà que tend à naître une autre affaire autour d'entraves au livre et aux débats d'idées. Les autorités viennent de signifier au Café littéraire de Béjaïa (CLB) l'obligation d'introduire une demande d'autorisation pour la tenue d'une conférence publique, prévue le 17 août, avec Saïd Sadi autour de son livre Chérif Kheddam, le chemin du devoir. Le CLB, qui organisait jusque-là ses activités au Théâtre régional en se soumettant au seul régime déclaratif, avec la seule demande d'octroi de la salle, considère, dans une déclaration publique, que «cette procédure est inconcevable». Le CLB n'accepte pas «ce chantage» et surtout d'être amené à «quémander une autorisation pour tenir une conférence sur un livre !» Le livre revient une nouvelle fois, malgré lui, au-devant de la scène par la force des humeurs bureaucratiques. Pour le Café littéraire, «se plier à cette exigence voudrait dire qu'il faut accepter de se soumettre au bon vouloir d'une institution politique d'un régime dont nous connaissons bien la nature». D'où son refus «qu'un homme de culture, né et vivant sur sa terre, dans son pays, ayant produit plus d'un livre et livré bataille pour notre liberté, soit encore et toujours soumis à être autorisé pour s'exprimer dans une salle publique». Saïd Sadi est déjà passé par le Café littéraire de Béjaïa en 2015, pour une conférence autour de son livre sur le colonel Amirouche. «L'invité a été interdit (…) par cette même wilaya», rappelle le CLB qui avait malgré tout tenu son rendez-vous. L'épisode se répète alors avec la même détermination des organisateurs à défier la bureaucratie. Faut-il «accepter cette mesure au motif que Sadi est d'abord un homme politique, comme on nous l'a insinué ?» se demande le CLB, pour qui le prétexte de «cette étiquette» politique est assez boiteux pour le faire «plier à cette mesure». «Car, pour nous, même un homme politique doit s'exprimer librement sans qu'il ne soit autorisé à le faire par les autorités. La liberté d'expression est un droit imprescriptible, inaliénable et tout citoyen doit jouir de ce droit, quel que soit son statut dans la société», explique-t-il. Décision est donc prise d'ignorer l'exigence de la demande d'autorisation et de se suffire de la réservation de la salle. Il en appelle à la mobilisation des militants associatifs, politiques et intellectuels, ceux-là même qui ont libéré la culture samedi dernier à Aokas, et dans le pacifisme, des longues griffes acérées de l'administration. Le Café littéraire de Béjaïa n'exclut pas de faire de même «pour dénoncer ces mesures injustes, contraires à l'esprit de la démocratie et de la liberté d'expression». Se dirige-t-on vers l'interdiction de la conférence de Saïd Sadi ?