Le président de la République met fin aux fonctions du ministre des Finances et du ministre délégué chargé de la Production pharmaceutique    Le président de la République accorde un entretien au journal français l'Opinion    Ligue 1 Mobilis: l'ESM contraint au nul face au MCA (1-1)    Sahara occidental occupé: le Maroc a expulsé 307 observateurs étrangers depuis 2014    Lutte antiacridienne: l'ASAL met son imagerie satellitaire au service de la CLCPRO    Education nationale: lancement d'une série de rencontres consacrées aux préparatifs de la rentrée scolaire 2025-2026    Lancement du stage de formation au profit des cadres du ministère des Relations avec le Parlement    Acharnement contre l'Algérie: L'extrême droite française décriée, ses arguments déconstruits par des compatriotes    Arkab reçoit une délégation de l'Uniprest    Oran: lancement des Journées portes ouvertes sur les Forces Navales    Rebiga transmet les condoléances du président de la République à la famille du Moudjahid Mahfoud Ismaïl    Hadj 2025: Lancement de l'opération de paiement des frais à travers toutes les wilayas du pays    Formation professionnelle : des offres de formation plus adaptées aux besoins du marché du travail    Nouvelle publication sur le maître du Chaâbi El Hadj M'Hamed El Anka signée Abdelkader Bendameche    La SNTF a transporté près de 6 millions de tonnes de marchandises en 2024, en hausse de 12%    Quelles sont les ingrédients d'exigences de capacités minimales ?    L'Algérie et l'UE discutent de leur coopération pour les prochaines années    Ces médias qui mènent campagne contre l'Algérie en France    Alger : l'artiste Cheloufi présente son exposition "Koum tara"    L'Opéra d'Alger vibre au rythme des "Mélodies de l'authenticité et du patrimoine"    La Belgique réaffirme son plein soutien au processus politique de l'ONU    Un régime de copains et de coquins ; une putrescence qui s'étend, altérant la France et aliénant les Français ! (Partie II)    Un mort et 3 autres blessés dans un accident de la circulation à Oum Droue    Une vielle femme asphyxiée par le monoxyde de carbone    Un homme tue sa femme par strangulation à Béni Zantis    Ligue 1 Mobilis : le MCA veut boucler la phase aller par un nouveau succès    Les Bleus se noient à Zagreb    Ligue 1 : le MC El Bayadh prépare la phase retour à Oran    la coopération militaire et sécuritaire avec les grandes puissances, le cas de l'Otan et du dialogue méditerranéen    Le chahid Cheriet Ali-Cherif, un modèle de résistance, de défi et de loyauté envers la patrie    Ballalou met en avant les efforts de l'Etat    Foot: l'Algérien Djamel Haimoudi nommé superviseur général de l'arbitrage en Tunisie    AGO de la FAF: adoption à l'unanimité des bilans moral et financier de l'exercice 2024    Journée d'étude, le 13 février à Adrar, sur les explosions nucléaires    Le rôle des jeunes dans le développement des régions frontalières souligné    Signature d'un protocole de coopération en matière de formation policière        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Surprise littéraire
Publié dans El Watan le 21 - 06 - 2019

«Le naufrage de La Lune», de Amira-Gehanne Khalfallah, œuvre marquante qui annonce un grand romancier, car en écriture, le talent n'a rien à voir avec le sexe.
Il est des livres que l'on regrette de ne pas avoir lus plus tôt. Mais à bien y penser, découvrir une belle œuvre est un plaisir qui n'a pas de prix et ce bon moment n'a pas d'heure non plus. Mais quand on est chargé – entre autres ! – d'informer les lecteurs et lectrices des parutions littéraires, on éprouve de la culpabilité. En guise de mea-culpa, veuillez donc considérer qu'un ouvrage peut s'égarer entre les piles de lus et celles de non-lus d'une bibliothèque surchargée.
C'est ce qui est arrivé à mon exemplaire du premier roman de Amira-Gehanne Khalfallah, «Le naufrage de La Lune», la lune ici s'écrivant en italique, car il s'agit d'un bateau ainsi baptisé.
D'emblée (et je vous assure sans aucune volonté de rattrapage), nous affirmons qu'il s'agit d'une œuvre marquante qui nous annonce la naissance d'un grand romancier, car en écriture, le talent n'a rien à voir avec le sexe. Paru aux éditions Barzakh à la fin 2018, «Le naufrage de La Lune» nous entraîne en 216 pages aériennes sur les rivages de Gigéri, vieille dénomination de notre bonne ville de Jijel, en l'an de grâce 1664, quand Louis XIV, dont le Soleil personnel voulait briller aussi sur le monde, décida de conquérir la ville.
Par le choix de ce sujet, Amira-Gehanne Khalfallah vient rappeler à notre mémoire que la colonisation de l'Algérie était déjà en ébauche 166 ans avant qu'elle n'ait eu lieu, ce qui balaie à coup de siècle le canular tragique du coup d'éventail, s'il fallait encore l'éventer ! Ce faisant, elle nous montre involontairement qu'elle choisit avec profondeur et pertinence ses sujets et le cadre de ses récits, une qualité qu'elle a déjà prouvée dans sa production dramaturgique.
Quatrième art
En effet, avant de se mettre au roman, c'est d'abord pour les planches qu'elle a écrit et continue à le faire. Elle est ainsi l'auteur de plusieurs pièces montées en France : Le chant des coquelicots (2005), Les désordres du violoncelle (2012), Mayla, la ville introuvable (2012) et Les draps (2013) traduite en arabe, qui ont signalé son talent au profit du quatrième art.
Une autre, Paris, cité interdite, n'a pas encore connu les lumières de la scène mais nous permet de découvrir davantage son auteure à partir des circonstances de son écriture. En résidence d'écriture à la fameuse Cartoucherie de Paris, cette ancien édifice militaire transformé en théâtre d'avant-garde, A. G. Khalfallah s'est imprégnée du lieu, comme elle le fait partout, et s'est documentée, comme elle le fait toujours.
Apprenant que ce lieu, inauguré par la grande Ariane Mnouchkine, avec la pièce 1789 sur la Révolution française, avait été durant la répression de la manifestation du 17 octobre 1961, un des lieux de détention des Algériens raflés ce jour-là, elle s'est mise à écrire une autre pièce, où une auteure en résidence croise un soir dans les coursives de l'arsenal-théâtre, le fantôme d'un des insurgés prisonniers, un paysan algérien fraîchement débarqué dans la ville des Lumières. Au-delà de cette œuvre, mettons l'accent sur sa passion de la documentation.
Tour de force
Elle est en effet, une véritable «toquée» d'archives, fouillant les dédales des bibliothèques et centres spécialisés afin de nourrir son imagination de faits, de détails, de formes, de couleurs et même d'odeurs.
Quand vous lirez la bibliographie qui clôt, avec une carte de l'époque, «Le naufrage de La Lune», vous pourrez penser qu'il s'agit d'une thèse de doctorat. Mais comme vous aurez alors lu – comme je vous invite instamment à le faire – le corps de son roman, vous vous demanderez sans doute où est passée la masse des données consultées et, les plus suspicieux d'entre vous pourront se demander si elle les a vraiment consultées. Là est le tour de force littéraire.
Tout est présent dans le texte mais rien ne paraît directement. L'écriture de Amira-Gehanne Khalfallah est un alambic qui extrait, goutte-à-goutte, l'huile essentielle de l'histoire. Avec cette alchimie, elle nous relate un événement complètement occulté et passionnant. Ce 22 juillet 1664 où la flotte de la Majesté précitée se présente sur la ligne d'horizon de l'actuelle ville de Jijel.
Une armada pas aussi considérable que celle de Charles Quint à Alger en 1541 mais d'une puissance de feu et de débarquement considérable, avec cinq bataillons et six compagnies sous pavillon français auquel contribuent l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem à Malte, les provinces-Unies des Pays-Bas et l'Angleterre. Ces forces coalisées, comme l'on dirait aujourd'hui, ont pour mission de prendre la ville, de la transformer en base navale et de prendre en étau la Course algéroise – Oran étant alors aux mains de l'Espagne -, enfin d'y ériger un comptoir commercial. Pour les stratèges de l'expédition, Gigéri est un maillon faible.
Comme la ville et sa région se trouvent alors en dissidence avec la Régence d'Alger, essentiellement mais non exclusivement pour cause d'impôts insoutenables (comme dans le reste du pays d'ailleurs), elle ne bénéficie pas de la protection de celle-ci. Les forces étant disproportionnées en faveur des assaillants, l'offensive est énorme, extrêmement destructrice et meurtrière.
Ingéniosité et style
La population de la presqu'île, décimée, recule mais ne cède pas. Les troupes s'installent et commencent à édifier les fortifications, commettant le crime supplémentaire d'utiliser les pierres tombales comme matériaux de construction. Cet outrage galvanisera les résistants locaux, de même que les forces mobilisées dans l'Algérois et en Kabylie qui finissent par arriver et débouter l'ennemi.
Voilà sommairement pour l'histoire. Mais cela, on peut le lire dans n'importe quel ouvrages consacré à l'événement avec plus de détails encore. Mais cela ne suffit pas à produire de la littérature. Le roman de l'Histoire n'a jamais fait l'histoire d'un roman. Il y faut de l'ingéniosité narrative, une capacité d'imagination, une aptitude à créer des personnages (même quand ils ont existé), à s'imprégner des lieux réels ou inventés et, surtout et indispensablement, du style sans lequel toute littérature est vaine.
Et celui de Khalfallah est réjouissant de légèreté, de simplicité et de grâce. Ses phrases au présent au rythme maîtrisé, parfois serein, parfois haletant, ses descriptions mesurées en touches d'aquarelle, ses personnages vraisemblables vécus – puisqu'elle affirme souvent les laisser l'habiter et conduire la narration -, tout cela donc mais encore des «digressions» audacieuses comme, par exemple, sur les fastes d'or et d'orgie du château de Versailles ou sur le couscous aux glands de chêne imbibé de feuilles de pommier, nous donne un roman qui a de la chair et de l'esprit.
Fille d'une famille de Jijel, née à El Asnam (d'où sa pièce sur une ville introuvable inspirée du séisme de 1980), spécialiste en biologie cellulaire et moléculaire, école de précision, qui s'est défroquée vers le journalisme culturel pratiqué à Jijel, Alger puis au Maroc où elle vit depuis 2007, Amira-Gehanne Khalfallah est née pour l'écriture. Au prochain.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.