«Nul n'est prophète dans son pays», lui sied fort bien. Blackboulé par les siens, reconnu à l'échelle internationale, le caricaturiste, Ferhaoui Nour El Yakine, vient de se voir décerner une distinction avec «mention honorable» par le Festival international de la caricature en Afrique (FICA) d'Agadir (Maroc), qui s'est tenu du 13 au 16 juin 2019. «J'ai été invité comme membre du jury et je tiens à remercier les organisateurs du FICA, à leur tête le fondateur et directeur du festival, Naji Benaji», dit-il, en exhibant fièrement le «trophée» ramené du Maroc. Une telle reconnaissance du talent, notre artiste n'en a pas connue dans son propre pays. Pis encore, il est apparemment «persona non grata» à Oran, sa ville natale, où, selon lui, les responsables en charge de la culture ne l'ont pas seulement marginalisé, mais carrément mis en quarantaine. «Je ne peux plus rien faire vu mes prises de position à travers les médias, où je dénonçais ce qui allait de travers dans le secteur de la culture», lance-t-il dépité, en relevant qu'il n'a même pas de carte Chifa et qu'il se retrouve, la quarantaine passée, sur la paille. Ce qui chiffonne le plus Nour El Yakine, c'est le «sabotage» du Festival international de la caricature et du dessin de presse Oran 2021 qu'il allait organiser en avril 2018 au Musée des arts modernes d'Oran (MAMO) : «Tout avait été peaufiné pour cette 1re édition avec la participation de grandes pointures du dessin de presse et de la caricature. Cet événement aurait pu hisser la ville d'Oran à l'échelle internationale. Mais, à la dernière minute, le directeur de l'ONDA à Oran m'a informé que la subvention promise par sa direction générale, avec laquelle j'avais signé un protocole, avait été annulée. Le festival a été purement et simplement saboté, alors que j'avais l'aval des responsables locaux de la culture.» Parmi les grands noms de la caricature et du dessin de presse qui avaient confirmé leur participation et «avaient déjà obtenu leurs visas culturels», Ferhaoui citera Guy Badeaux «Bado», caricaturiste attitré du quotidien Le Droit, d'Ottawa (Canada), Patrick «Pat» Bagley, dessinateur de presse américain et journaliste au Salt Lake Tribune de Salt Lake City, le Marocain Naji Benaji, caricaturiste de l'hebdo satyrique Le Canard libéré, dessinateur de bande dessinée et portraitiste… et bien d'autres. Par la suite, comme pour le récompenser, ou –«pour me faire taire parce que je n'avais pas cessé de les dénoncer»-, il est recruté comme chargé de la culture et de la communication au niveau de la Régie communale des arts et de la culture d'Oran en août 2018. Il sera évincé à peine trois mois après. «On m'a mis les bâtons dans les roues, pourtant je faisais mon travail selon les normes. Un travail que même la presse a salué et c'est peut-être ça qui a dérangé les responsables locaux de la culture». En fait, qui est Ferhaoui Nour El Yakine ? Né le 20 juin 1973 à Oran, fils d'un fidaï blessé de guerre, il abandonne le lycée et rejoint l'Ecole des beaux-arts (1990-1993) «pour maîtriser la technique». «A l'école déjà, je ‘‘croquais'' mes camarades». Trois ans après, il cherche un boulot de caricaturiste et se retrouve journaliste à Ouest Tribune. En 2004, il «caricature», par intermittence, avec plusieurs quotidiens, Ouest Tribune, La Voix de l'Oranie, Le Point d'Algérie, l'Echo d'Oran. En 2006, Ferhaoui Nour El Yakine organise sa 1re exposition individuelle de la caricature et du dessin de presse au Palais de la culture d'Oran. En 2007, il participe au Festival international de la caricature et du dessin de presse «1001 Visages» de Montréal (Canada) et expose, en individuel, «Mais comment taire mes commentaires». En 2008, il participe au Salon international du dessin de presse et d'humour de Saint-Just-le-Martel (France) et fait la rencontre de Dilem, qui avait remporté alors le «Grand prix de l'humour vache». En 2011, il réalise un reportage avec expo-photos, à la médiathèque d'Oran, sur la ville américaine Elkader (dont le nom est un hommage à l'Emir Abdelkader). «J'ai été félicité par le service culturel de l'ambassade américaine à Alger, ainsi que par les autorités de la ville Elkader», révèle Nour El Yakine. En 2014, il participe au Salon de la caricature et du dessin de presse «Papiers d'Actu» au Poinçonnet (France). «C'est là que j'ai été le plus médiatisé». En novembre 2015, il est sélectionné pour une résidence d'artistes en pays d'Astrée, au château de Goutelas (France). «J'animais des séances dans les établissements scolaires, des rencontres-débats avec les associations et les acteurs de la vie culturelle. Cette résidence a été reconnue comme un succès par ces mêmes acteurs». Un parcours, on ne peut plus, éloquent ! Et pourtant, Ferhaoui Nour El Yakine, caricaturiste, dessinateur de presse, journaliste, reporter, reconnu un peu partout dans le monde, continue d'être «boycotté» par les siens. «Je me sens étranger dans mon propre pays. Je ne pardonnerai jamais à ceux qui m'ont mis dans cette situation». Garde ton sourire et ne perds pas espoir l'artiste !