Les contours de la nouvelle politique industrielle sont désormais connus. L'exposé présenté, jeudi dernier, par le ministre de l'Industrie et des Mines, Ferhat Aït Ali, à l'Assemblée nationale populaire (APN) qui débattait du projet de loi de finances complémentaire pour 2020, fixe les règles et les objectifs de la feuille de route du gouvernement. Selon lui, «les articles consacrés au secteur de l'industrie dans le PLFC-2020 sont en adéquation avec la stratégie du ministère qui vise à asseoir un système d'investissement clair permettant aux investisseurs désireux de produire en Algérie de travailler sans entraves afin de parvenir à un réel produit local». «Dans la loi de finances votée à l'APN en 2016, il était interdit aux investisseurs étrangers de venir avec leurs propres fonds investir en Algérie et les obligeait de recourir au financement local et donc aux banques publiques» a rappelé le ministre de l'Industrie qui a battu en brèche la loi 51/49. «On a privé les investisseurs de leur droit d'investir, mais on leur a donné le droit de le faire avec notre argent», a déclaré Ferhat Aït Ali pour qui cette disposition de la loi de finances de 2016 s'inscrivait dans un plan programmé pour miner l'économie nationale. Le résultat est là, a-t-il indiqué : «Tous les partenariats qui ont été conclus selon cette règle ont été infructueux. On n'a pas d'investisseur étranger selon le sens reconnu dans le monde.» On ne peut pas parler de souveraineté nationale en dilapidant nos propres ressources et nos devises. Tous les textes ont été revus dans la nouvelle stratégie qui ne se limite pas, selon lui, aux articles contenus dans le PLFC-2020, car des textes réglementaires sont prêts à être appliqués dès l'adoption du projet de loi de finances complémentaire. Les cahiers des charges relatifs aux activités de l'industrie automobile, de l'électronique, de l'électroménager et de la sous-traitance sont également prêts à entrer en vigueur. L'objectif, a souligné Ferhat Aït Ali est de mettre en place un système d'investissement «d'ici le milieu de l'été prochain». Comme il l'avait déjà précisé, «ce seront les lois et les procédures qui trancheront la pertinence de l'investissement et non pas les responsables ni l'accord du ministre». Le ministre de l'Industrie et des Mines a fait plusieurs annonces : «En matière d'investissements étrangers, les secteurs stratégiques et non stratégiques seront fixés par le gouvernement après approbation du Parlement, qui peut supprimer ou ajouter des secteurs qu'il juge opportun de figurer ou pas dans la liste.» Ferhat Aït Ali, qui a annoncé la suppression de l'article faisant obligation aux investisseurs étrangers de recourir à des fonds locaux pour l'investissement en Algérie à travers un partenariat avec un opérateur national, a également insisté sur la révision du droit de préemption. Selon lui, tel qu'il était pratiqué était un non-sens et défiant toute logique. On s'est retrouvé dans une situation où on a failli préempter une société à 8 milliards, alors qu'elle n'en coûte que 2 milliards. «Le droit de refus a été introduit afin de permettre au gouvernement de refuser le marché, si ce dernier ne sert pas les intérêts économiques nationaux. Ce droit ne l'oblige pas à acheter ces actions, comme c'est en vigueur dans les pays développés», a expliqué le ministre de l'Industrie et des Mines. A propos du montage automobile, d'appareils électroniques et de l'électroménager, Ferhat Aït Ali a indiqué que «le nouveau cahier des charges permettra aux opérateurs étrangers de conclure des partenariats avec des opérateurs nationaux ou de lancer des investissements avec leurs propres fonds, avec la condition de réaliser un taux d'intégration nationale dès le lancement du projet de 30%». Pour le ministre, le retour à l'importation des véhicules, permettra d'approvisionner le marché national en attendant d'asseoir une véritable industrie automobile nationale, une réalisation qui pourra nécessiter, dira-t-il, 24 mois au moins. «Les usines de montage actuelles, a-t-il soutenu, n'avaient pas atteint 5% d'inclusion financière en dépit des exonérations douanières et fiscales dont elles ont bénéficié.» «C'est une importation déguisée sans paiement des droits douaniers et fiscaux», tranche le ministre qui a indiqué que «la facture d'importation des véhicules directs ne dépassera pas les deux milliards de dollars, montant des importations de pièces destinées au montage automobile». A propos de la taxe sur les véhicules neufs, Ferhat Aït Ali a affirmé que celle-ci concernera les véhicules touristiques de grand cylindre et non les véhicules utilitaires. Concernant les incitations au profit des sous-traitants locaux, le ministre a fait savoir que le gouvernement a opté pour le système préférentiel en exonérant uniquement les compositions de base fabriquées localement des droits de douanes et non toutes les pièces d'appareils ou de montage automobile afin de promouvoir l'intégration nationale. Pour ceux qui s'inquiètent des postes d'emploi, Ferhat Aït Ali rassure : «Il n'est pas question de fermeture des ateliers d'assemblage, mais de les contraindre à l'industrialisation locale ou au paiement d'impôts.» Selon lui, «ces usines assuraient 2874 postes permanents et 946 contrats à durée déterminée». «Le montant total de la masse salariale ne dépasse pas 5 mds DA (37 millions d'euros)», a soutenu le ministre pour qui «une masse salariale de 37 millions d'euros justifiait les 2 milliards de dollars d'importation et le 1 milliard d'euros de pertes fiscales». «Le versement de ces salaires directement par le gouvernement était plus rentable que de les justifier par une pseudo-industrie ou un pseudo-investissement», a encore indiqué Ferhat Aït Ali pour qui «l'assemblage industriel local dans son ancienne formule en matière d'industries automobile, électronique et électroménagers a fait perdre à l'Etat des milliards de dollars et porté préjudice à des entreprises nationales, comme l'ENIE et l'Eniem, sans parvenir à un taux d'intégration respectable». Le ministre de l'Industrie et des Mines a enfin justifié «l'importation de machines et d'équipements d'occasion par la nécessité de relancer l'industrie nationale dans les secteurs industriels au profit des jeunes techniciens».