Un hommage citoyen sera rendu, samedi prochain à Agouni Gueghrane (sud de Tizi Ouzou), au chanteur-poète et fabuliste Slimane Azem, à l'occasion du centenaire de sa naissance, a-t-on appris auprès des organisateurs. «Nous, famille de Slimane Azem, avons l'honneur de vous inviter à rehausser de votre présence le dépôt de gerbe de fleurs à la mémoire de Dda Slimane, le samedi 19 septembre 2020, à 10h au chef-lieu d'Agouni Gueghrane, et ce, à l'occasion du 102e anniversaire de sa naissance. Une prise de parole sous forme de témoignages sera faite à cette occasion pour évoquer sa mémoire, sa trajectoire et son répertoire pour perpétuer à travers les générations son œuvre immuable», a annoncé dans un communiqué Hocine Azem qui s'exprimait au nom de la famille de la légende de l'exil décédé le 28 janvier 1983 en France. Contacté par El Watan, l'initiateur de cette journée commémorative a déclaré : «Nous sommes tous mobilisés pour réussir l'hommage, donc pour nous la famille Azem, il est important de marquer cet événement sous forme de témoignages sur l'œuvre, la trajectoire et la mémoire de Slimane Azem, une figure emblématique de la culture kabyle et amazighe en général. Après le dépôt de gerbe de fleurs à sa mémoire suivi de témoignages, nous annoncerons officiellement le lancement d'un Café littéraire et une Fondation au nom de Slimane Azem pour perpétuer son œuvre immuable et imprescriptible pour la culture kabyle et amazighe en général. Nous avons finalisé les projets mais nous souhaiterions associer et concerter toutes les bonnes volontés qui veulent prendre part», nous a informé Hocine Azem. Pour lui, «Slimane Azem demeure un père et un repère de notre combat identitaire afin que la culture kabyle et amazighe puisse se perpétuer. Nous devons sauvegarder tout notre patrimoine matériel et immatériel. Nous appelons toutes les personnes éprises de notre projet de société moderne inscrit plus que jamais dans l'universalité tel qu'il a été chanté par notre poète légendaire Slimane Azem dans son œuvre immortelle à agir et à se mobiliser pour défendre, protéger et promouvoir notre culture, notre identité et nos valeurs plusieurs fois millénaires». Trente-sept ans après sa mort, Slimane Azem est toujours écouté, adulé pour son œuvre monumentale où il s'est beaucoup inspiré des Fables de Jean de La Fontaine pour évoquer des sujets de société, le mal du pays natal, la guerre d'Algérie et la période postindépendance. En 1955, il sort Effet ay ajrad tamurt iw, une chanson où il compare les colons français aux criquets qui dévastent les cultures et dévorent son pays. Elle sera interdite en 1957 par un arrêté de la République française. Faisant «parler» les animaux dans certaines de ses compositions, il critique après 1962 le pouvoir de Ahmed Ben Bella et Houari Boumediène, ce qui lui a valu d'être «blacklisté» et interdit de rentrer au bercail après son exil en France. Chantant dans trois langues (kabyle, arabe, français), Slimane Azem a fait également des duos comiques avec Cheikh Nordine. En 1970, il obtient, avec la chanteuse Nora, un disque d'or en France. En décembre 2013, la ville de Paris décide d'honorer Slimane Azem en donnant son nom à une place du 14e arrondissement. Plusieurs de ses chefs-d'œuvre seront repris par des chanteurs dont Lounès Matoub, Kamel Messaoudi et Mohamed Allaoua. Le chantre de l'exil a également inspiré des écrivains et des universitaires qui ont immortalisé son legs artistique pour la postérité à travers des ouvrages et des travaux académiques portant sur sa vie et son œuvre. Interdit d'antenne dans son pays pendant des années, Dda Slimane comme on continue à l'appeler affectueusement connut un succès fulgurant. Le chanteur Bélaid Ath Mejkane du groupe de chants Tagrawla apporte sur sa page ce témoignage sur la popularité légendaire du regretté artiste. «Dans les années 1950, la famille Bouali du village Iazzuzen Larvaa Nath Yiraten a invité Slimane Azem à chanter pour la circoncision de leur fils, il a fallu l'intervention de la police pour contenir l'afflux considérable de personnes venues de partout pour y assister, le lendemain la presse a parlé de cette fête de circoncision unique en son genre». En 2015, un hommage a été rendu à Slimane Azem à la salle Ibn Zeydoun (Alger) par l'ONDA, avec édition d'un coffret de phonogrammes regroupant son parcours musical et poétique. C'est la première fois qu'une institution de l'Etat rendait hommage à Slimane Azem 30 années après sa disparition. «Slimane Azem a chanté le social pour éduquer les gens, il s'est inspiré de toutes les fables locales pour chanter l'humour, l'amour, la paix, l'exil et la patrie qu'il aimait plus que tout, il était un grand nationaliste», note à son propos Kamel Hamadi, l'autre icône de la chanson kabyle, dans un témoignage rapporté dans la presse.