L'écrivain libyen Ibrahim Al Koni a trouvé dans Les mages, la meilleure façon de faire accéder la littérature arabe à l'universalité. Avec une verve et un talent rares pour la narration, il porte un regard lucide sur la société arabe, perdue dans la fausse modernité. Enfin, un génie, sommes-nous tentés de dire. La littérature arabe tient enfin son conteur. Ibrahim Al Koni trouve dans le désert sa source d'inspiration, un monde peuplé de nomades, de nouveaux riches et de djinns. Un univers où le réel et l'imaginaire se côtoient, s'épousent jusqu'à la confusion. Comment démêler la réalité de la superstition, la liberté de l'esclavage, l'accumulation des biens et le nomadisme ? L'auteur, avec une rare maîtrise de la mise en scène, fait mouvoir ses personnages, aussi différents qu'invraisemblables, avec précision. Complexes, inattendus et féeriques, ses héros accélèrent l'histoire ou au contraire la figent avec sagesse et folie. Car qui peut distinguer la raison de la magie ? La folie n'est qu'apparence, laissée à « ceux de l'autre monde ». Le désert n'est jamais vide ; caravanes, passagers et marchands se croisent, cohabitent puis, normalement, se séparent. Normalement. Quand les invités commencent à construire en dur au milieu des tentes, les hôtes commencent à se moquer d'eux. Avant de céder aux tentations de l'or et de la richesse. Peut-on être nomade et accumuler ? Peut-on enfreindre la loi du désert ? Assurément non, surtout si le vent se déchaîne pendant un an. Le combat entre l'homme et la nature tourne rarement en faveur du bipède, surtout dans le désert. Ibrahim Al Koni, écrivain libyen d'origine touarègue, sait de quoi il parle. Tous ses livres ont pour cadre la mer de sable. Si les nomades délaissent leurs valeurs pour « la chose brillante », ils perdent leur statut des freemen, des hommes libres. Les dialogues ciselés d'Ibrahim Al Koni claquent comme des gifles d'un vent en colère. Les mots ont un sens et ne se perdent pas pour perturber l'harmonie des grandes étendues immobiles. En choisissant de construire son récit avec beaucoup d'histoires, l'auteur a pris le pari de décomposer avec habileté des réalités stratifiées, toujours en mouvement. Les mages apporte à la littérature arabe ce qui lui manquait le plus : une authenticité ouverte sur le monde. Au lieu de se recroqueviller sur une identité rigide, Ibrahim Al Koni accède à l'universalité en gardant ses pieds bien ancrés dans le sable. Les mages, Ibrahim Al Koni, Phébus