Tout porte à le croire si on lit attentivement les nouvelles mesures insérées dans la loi n° 05-02 du 6 février 2005 modifiant et complétant le code de commerce. Si les grandes révolutions se font à petit pas, celle que vient de connaître le chèque en fait certainement partie. D'essence commerciale, la législation qui encadre le chèque est également soumise au code pénal à travers une palette de sanctions en cas d'absence ou d'insuffisance de provision. Malgré toutes les dispositions et les dispositifs mis en place depuis 1975 pour enrayer le phénomène des chèques qui reviennent impayés, la situation ne fait qu'empirer puisque même les institutions officielles refusent ce moyen de paiement à moins qu'il ne soit présenté sous la forme de chèque de banque, même le chèque certifié n'est plus accepté. C'est dire que la situation est devenue intenable si on ajoute à cela l'encombrement des tribunaux malgré la procédure de la citation directe initiée justement pour permettre aux bénéficiaires malheureux de recouvrer rapidement leur droit usurpé par des émetteurs sans scrupules. Les bénéficiaires étaient mal protégés lors de la remise de chèques en paiement. Les mécanismes mis à leur disposition pour recouvrer les chèques impayés se sont révélés inappropriés. La voie pénale était peu adaptée et lente compte tenu de sa lenteur. La procédure civile du certificat de non-paiement instituée par la loi de finances de 1988 qui a remplacé le protêt pour le bénéficiaire n'était pas non plus idoine. Il fallait plus que cela, c'est à dire opérer une véritable révolution en dépénalisant carrément l'émission tout en renforçant et sécurisant l'utilisation du chèque. Les efforts conjugués de la communauté bancaire et de l'appareil judiciaire ont porté leurs fruits puisque la nouvelle réforme doit normalement à aboutir au désencombrement des parquets, à rassurer les porteurs de chèques et à fluidifier le traitement. L'enjeu du nouveau dispositif est bien sûr d'assainir la situation, de crédibiliser le chèque et surtout de donner toutes les chances au nouveau système de paiement électronique qui se met e place de réussir sa mutation. En réalité, une bonne partie de ce nouveau dispositif de lutte contre l'émission de chèque sans provision était déjà en place depuis 1992 à travers un règlement de la Banque d'Algérie. N'ayant pas force de loi, les mesures préconisées par ce règlement surtout celles relatives aux régularisations n'ont pas eu les effets escomptés pour différentes raisons. Pour conférer plus de force à ces dispositions, le législateur les a carrément insérées dans la loi 05-02 et les a modulé en complétant l'édifice par l'institution d'une dépénalisation, c'est-à-dire d'une atténuation de la sanction de l'émission du chèque sans provision. La nouvelle législation en matière de chèque sans provision est articulé autour d'une sanction civile des émetteurs de tels chèques, d'une information systématique des banques sur tous les incidents de paiement et du renforcement du rôle de la Banque d'Algérie dans le volet préventif. La loi reprend à son compte la procédure de régularisation du chèque en offrant à l'émetteur indélicat la possibilité de confondre sa mauvaise foi en réglant l'impayé dans un délai de dix jours à compter de l'injonction qui lui sera adressée par la banque. Si cette procédure de régularisation est rendue infructueuse et si l'émetteur récidive alors même qu'il a réglé le premier impayé, il devient un interdit de chéquier. L'interdit de chéquier peut retrouver la faculté d'émettre de nouveau des chèques s'il régularise sa situation en réglant ou en constituant une provision suffisante du montant de l'impayé et s'acquitter d'une pénalité libératoire. A défaut, la mesure d'interdiction s'étalera sur cinq ans et les poursuites pénales seront alors engagées contre l'émetteur défaillant. Il est heureux que dans la gestion des incidents de paiements, le législateur ait limité la sanction civile uniquement à une interdiction de chéquier et non à une interdiction bancaire, ce qui aurait conduit à des problèmes inextricables compte tenu de la nouvelle mesure de rendre obligatoire les paiements par chèque pour les montants supérieurs à 50 000 DA. Il reste à préciser que la dépénalisation de l'émission du chèque sans provision n'est pas totale et que, dans ce système, les banques n'ont pas l'obligation de paiement comme cela existe ailleurs en deçà d'un montant déterminé. Par contre, les banques doivent renforcer les mesures de contrôle et les procédures pour mieux connaître et identifier les clients.