Un homme politique avait résumé les aléas du débat en Algérie en fragmentant les visions en deux options : discuter hors de l'impasse ou discuter à l'intérieur même de l'impasse. C'est cette dernière option qui semble être retenue par les pouvoirs publics dans la gestion de l'audiovisuel algérien. Preuve en est d'une continuité de gestion à l'intérieur de l'étau de fermeture, le projet de la télévision algérienne qui souhaite lancer deux chaînes thématiques, l'une consacrée à la jeunesse, l'autre au sport. On évoque également une chaîne en tamazight. L'on se souvient que dans l'Irak de Saddam Hussein, la dictature baasiste avait configuré le champ télévisuel irakien en plusieurs canaux : chaîne nationale hertzienne, une autre satellitaire (Iraq Satellite TV) reconduisant les mêmes programmes que la première (Iraq TV), Shabab TV ainsi que Riyadhiya, chaînes thématiques de jeunesse et de sport gérées par l'un des fils de Saddam, Odaï (qui était « président du Syndicat des journalistes irakiens »), en ajoutant la télévision kurde dans les territoires semi-autonomes du Nord irakien. Les systèmes totalitaires semblent opter pour la diversité en apparence dans un strict cadre de fermeture. Fermeture encore appuyée par le chef du gouvernement Ahmed Ouyahia qui a exclu toute ouverture du champ audiovisuel, malgré l'esprit et la lettre de l'article 56 de la loi sur l'information de 1990 qui a levé le monopole de l'Etat. En août dernier, les participants à l'atelier « Quel service public audiovisuel en Algérie ? » organisé par la Fédération internationale des journalistes (FIJ) et le Syndicat national des journalistes (SNJ) avec la collaboration de la Commission européenne à Alger, ont noté « l'amalgame persistant » autour du statut des chaînes de radio-télévision « qui ne sont, en fait, que le prolongement d'une seule chaîne de télévision et d'une chaîne de radio ». D'un autre côté, comment peut-on avancer des projets de création de « nouvelles » chaînes, alors que l'expérience de la seconde chaîne, Canal Algérie, reste pour le moins boiteuse, de l'avis même de ses encadreurs. Lors d'une rencontre sur le service public dans l'audiovisuel tenue à Alger, le directeur-adjoint de Canal Algérie a indiqué que cette chaîne reste sans statut, et que même son personnel ne dispose que des badges de l'ENTV, la maison mère. Peut-il en être autrement pour une chaîne créée, selon les termes de Khelifi Mustapha, ancien directeur de l'administration générale de la télévision, lors de cette rencontre, suite à « un coup de téléphone » ? « Le climat international en 1995 était défavorable pour l'Algérie. On subissait des pressions des médias étrangers et les pouvoirs publics voulaient redorer l'image du pays », avait-il expliqué. Tactique ? Les pouvoirs publics veulent-ils évoluer vers la stratégie ? Il semble difficile d'avancer alors que la logique gestionnaire semble accaparée par la pensée bureaucratique. Exemple ? Piégée entre deux tendances, la télévision se voit sommée d'être tributaire de la volonté des gouvernants et d'obéir en même temps à la loi du marché. Les subventions de l'Etat, à hauteur de 73 milliards de centimes par ans (la redevance coûte au téléspectateur 1,40 DA/jour), sont allouées a priori sur la base unique de l'exercice précédent. Quant au cahier des charges et des obligations de service public, il n'y a qu'à constater le tracé de la ligne éditoriale officielle qui va jusqu'à écraser toute velléité de libre pensée à l'extérieur (téléspectateurs) et à l'intérieur même de l'édifice du 21, boulevard des Martyrs (les journalistes). La fermeture des médias audiovisuels, résultat et outil en même temps d'une vision totalitaire de la part des pouvoirs publics, implique également une rupture, de plus, entre l'Algérien et la somme de ses représentations qu'on appelle culture, mémoire, patrimoine. Déjà que la société algérienne, comme l'a souligné le défunt sociologue M'hamed Boukhobza, s'installe quasi structurellement dans une sorte d'autonomie vis-à-vis du « centre ». La société invente son marché, choisit ses leaders et lance l'émeute et la sédition. Le taux de pénétration des chaînes françaises dans les foyers algériens atteint les 29%, selon un sondage du bureau d'études spécialisé Sigma Conseil publié fin juin 2004, loin devant les zappeurs tunisiens dont le même taux avoisine les 17%.