Alger est redevenue la Mecque des révolutionnaires le temps de la célébration du 50e anniversaire de la résolution 1514 sur la décolonisation. Des figures emblématiques du combat d'émancipation de peuples sous domination coloniale en Afrique ont tenu, par leur présence, à marquer cet événement. Les retrouvailles entre frères de combat furent émouvantes, même si la fête aura laissé un parfum d'amertume et de révolte chez ces valeureux combattants de la liberté qui ne verront peut-être pas, pour certains d'entre eux, vu leur âge avancé et leur santé déclinante, le soleil lumineux de l'indépendance se lever dans les autres contrées encore sous domination coloniale, au Sahara occidental et en Palestine, entre autres. Mais au-delà de la réflexion ouverte à l'occasion de cette rencontre sur l'Afrique combattante, au bon souvenir de laquelle les participants se sont rappelés, à Alger, en convoquant avec beaucoup d'émotion et de fierté militante l'histoire des épopées glorieuses de certaines révolutions en Afrique et dans le monde dont celle de la guerre de Libération nationale, le débat sur l'indépendance confisquée qui est le lot de nombreux pays aura été superbement évacué des discussions. Le drapeau colonial qui flottait au fronton des édifices publics a, certes, disparu avec le recouvrement de l'indépendance nationale, mais ce processus historique s'est-il accompagné d'une réelle souveraineté nationale au plan de la décision politique et du contrôle des richesses nationales et de leur partage équitable au profit des peuples et non pas seulement des oligarchies et notabilités locales ? Quelle différence, en effet, y a-t-il entre un empire colonial qui occupait, par la force, un pays étranger et disposait à volonté de ses richesses naturelles pour le seul bénéfice de la métropole, assujettissant les peuples autochtones réduits au statut de l'indigénat, privés de leurs droits sociaux et politiques les plus élémentaires, et les équipes dirigeantes assimilées à de nouveaux colons qui ont pris en main les destinées des pays au lendemain de l'indépendance ? En dépit de ses richesses naturelles et humaines inestimables, l'Afrique, pour ne parler que du sous-continent, n'a connu, depuis l'ère des indépendances, que pauvreté, misère, maladies, guerres fratricides… Les idéaux de liberté, de justice sociale, de développement sous la bannière desquels les peuples coloniaux avaient pris les armes contre l'occupant restent encore à conquérir. Le pillage des richesses nationales continue avec la même boulimie alimentant les comptes bancaires des dirigeants, de leurs proches et cours qui affichent un train de vie ostentatoire insultant au milieu de l'océan de pauvreté dans lequel baignent leurs peuples. Paradoxe de l'histoire : d'authentiques révolutionnaires se sont transformés, après l'indépendance, en ignobles potentats et vils dictateurs une fois portés au pouvoir ! Ce qui se passe en Côte d'Ivoire en est la parfaite illustration de la démocratie de pacotille que renvoient la plupart des régimes africains. C'est ce combat de la bonne gouvernance et pour la démocratie qu'il importe d'engager sur des bases saines et avec conviction. Les initiatives lancées dans ce domaine, à l'instar du Nepad (nouvelle économie pour le développement de l'Afrique) n'ont pas apporté les transformations promises.