Le projet de loi de finances pour 2006 a été approuvé, mardi dernier, par l'Assemblée populaire nationale à une large majorité.Seuls les députés du Parti des travailleurs PT et d'El Islah s'y sont opposé. Pas moins de quatre-vingt amendements, dont plus de la moitié proposés par le parti de Louisa Hanoune, ont été examinés mais toutes, ou presque, ont été rejetées par la majorité parlementaire. Les quelques amendements retenus concernent notamment l'abrogation de l'article 53 du projet de loi relatif à la concession du domaine national forestier, l'annulation de l'article 23 portant sur la majoration de 1 000 dinars des tarifs de la vignette automobile pour les véhicules à moteur diesel, l'amendement de l'article 20 relatif à la taxe sur les transactions de véhicules automobiles d'occasion fixée à 1 000 dinars au lieu de 2 000 dinars. L'article 51 relatif à la possibilité de cession de gré à gré des terrains domaniaux a été, quant à lui, modifié et c'est le principe de la concession qui a été retenu. Salaires et... embellie financière Si le texte du projet de loi de finances pour 2006 n'a trouvé pratiquement aucune " résistance " à se faire adopté, les différents amendements proposés particulièrement par le PT dans le but d'" apaiser la tension sociale et d'améliorer les conditions de vie des couches sociales les plus vulnérables " n'ont trouvé en revanche, aucun soutien de la part des groupes parlementaires de l'alliance présidentielle RND, FLN et Hamas. Le projet de loi de finances pour 2006 a ainsi fait l'impasse sur la question de l'augmentation des salaires, pourtant longtemps revendiquée par l'ensemble des partenaires sociaux. L'embellie financière dont jouissent les caisses de l'Etat n'a finalement pas était mise à profit pour satisfaire cette revendication. Le principal argument sur lequel s'est appuyé le ministre des finances, Mourad Medelci, pour rejeter toute idée d'augmentation des salaires reposait sur le fait que cette question relève de la réglementation et non pas de la loi des finances. Aussi, tout en rappelant les sommes d'argent, somme toute faramineuses, destinées aux transferts sociaux, (512 milliards de dinars, soit 19,5% du budget de l'Etat), le représentant du gouvernement n'a pas manqué de rappeler que le principe de toute révision à la hausse des salaires ne devait pas reposer sur la manne pétrolière mais sur la productivité. L'aisance financière, dont témoignent les 55 milliards de dollars de réserves de changes et les et les 20 milliards de dollars accumulés par le Fonds de régulation des recettes, sera mise à profit prioritairement, selon les explications du premier argentier du pays, pour rembourser la dette et combler le déficit budgétaire. 19 ou 43 dollars ? L'argument du déficit budgétaire revient d'ailleurs une seconde fois pour expliquer la raison pour laquelle le projet de loi de finances de 2006 a été élaboré sur la base de 19 dollars le baril de pétrole, alors que les cours mondiaux du pétrole sur les marché internationaux dépassent depuis quelques années les 50 dollars le baril. En effet, selon Mourad Medelci, en réalité, la loi de finances est " calculée " sur un prix de baril à 43 dollars et non à 19 comme présenté. Il s'agit en fait, selon le ministre, d'un " choix politique " en ce sens que les 43 dollars ne sont qu'un " second prix de référence théorique " annoncé pour expliquer le déficit budgétaire. " Nous sommes en train de dépenser sur la base de 43 dollars et nous frôlons ainsi la ligne rouge. Personne ne peut nous garantir que les prix du pétrole ne connaîtront pas une baisse sensible ", dira-t-il en réponse aux interrogations des membres de l'Assemblée nationale populaire (APN). Le fondement du texte sur 19 dollars le baril répond ainsi, selon le M. Medelci, à la "maîtrise des projections". Le marché pétrolier, a-t-il rappeler, n'est pas à l'abri d'un bouleversement subit. Aux yeux du ministre, en adoptant cette stratégie, l'Algérie ne fait pas exception en ce sens que " beaucoup de pays exportateurs de pétrole élaborent aujourd'hui leurs budgets sur la base de prix référentiels oscillant entre 15 et 22 dollars le baril de pétrole ". Et d'ajouter que les perturbations des cours mondiaux du pétrole justifient cette prudence. Une prudence que le ministre promet d'atténuer les conséquences progressivement " si la situation demeure favorable ", et ce, notamment avec le recours aux programmes complémentaires. En tout état de causes, qu'il s'agisse de 19 ou de 43 dollars, ni les recettes accumulés dans les caisses de l'Etat et encore moins les dépenses effectuées sur la base de ses deux prix de référence ne sont contrôlées par les représentants du peuple. En effet, les membres de l'Assemblée populaire nationale ont exprimé leur inquiétude quant à leur incapacité d'assumer leur fonction de contrôle sur les finances publiques. Investis théoriquement et sur le plan légal d'un large pouvoir de contrôle sur toutes les activités du gouvernement, les représentants du peuple se sont dit néanmoins dépourvus des moyens leur permettant d'exercer pleinement leur rôle. Bon nombre de députés estiment en effet qu'ils ont "toutes les prérogatives pour la réalisation de cette tâche, mais concrètement et sur le terrain, le contrôle au sens propre du terme ne se fait pas". Plus grave encore, pensent-ils, alors que la loi exige du gouvernement de présenter chaque année aux représentant du peuple un compte-rendu des dépenses financières, depuis 1987 aucun bilan financier n'a été présenté à l'APN. Interpellé sur cette question précisément, le ministre des finances a indiqué en guise de réponse , qu'un tel bilan ne pourra être présenté qu'une fois le processus de modernisation du budget de l'Etat terminé. Il reste à espérer qu'en attendant, l'argent public soit confié à de bonnes mains.