Cérémonie presque discrète pour un événement que l'on disait éminemment important. C'est ce qui a marqué l'ouverture, hier à Barcelone, du sommet euroméditerranéen. Dans les faits, la véritable ouverture de ce sommet aura lieu aujourd'hui. Les travaux ne dureront qu'une demi-journée. Tout a été prévu pour que ce dixième anniversaire soit effectivement un fait international marquant. Pour la symbolique, il a eu lieu dix ans jour pour jour à Barcelone, c'est-à-dire là où a eu lieu le processus euroméditerranéen ou plus simplement le processus de Barcelone. Mais forcément, il ne suffisait pas de célébrer un simple anniversaire, mais dresser le bilan et établir des perspectives. Mais autant dire que ni l'un ni les autres ne semblent enthousiasmants. A en juger par le niveau de participation, où les défections sont nombreuses, la seule qui a une explication est celle du président Bouteflika, depuis samedi dans un hôpital parisien pour des examens médicaux. Et Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne, sera le seul chef d'Etat arabe présent à Barcelone. Quant aux autres, point d'explication. Même les Européens, leur cohésion ne serait pas totale pour des questions liées à l'organisation du sommet, Londres ayant, semble-t-il, pris des initiatives qui n'auraient pas plu aux autres membres. Mais il en est, en revanche, qui doutent ou auraient préféré une autre approche du dossier libanais, et encore plus, une présence européenne conséquente dans le conflit du Proche-Orient. L'attitude envers la Syrie ne trouve pas d'arguments, sauf en ce qui concerne certains points précis, comme l'enquête sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, le seul point où il y a unanimité. MÉCONTENTEMENT Ce qui explique alors le refus européen de céder aux pressions israéliennes en vue d'inclure le Hezbollah libanais dans la liste des organisations terroristes internationales. La liste des préalables n'est pas exhaustive. Elle renvoie aussi au bilan et aux perspectives que les Européens envisagent tout simplement sous forme d'injonctions, l'expression « il faut » étant usitée plusieurs fois dans le plan de travail qu'ils ont approuvé pour la période 2005/2010. L'on retiendra, à cet égard, l'aide-mémoire algérien qui résume le bilan en trois mots : « Doit mieux faire ». Aussi y lit-on : « Les résultats ne sont pas à la hauteur de nos attentes. » Tout en ajoutant que « l'Algérie accordera la plus grande attention à la corrélation entre la zone de libre-échange et son impact sur l'investissement européen ». Le document algérien a aussi rappelé que « le partenariat euroméditerranéen s'est jusque-là focalisé sur la suppression des obstacles aux échanges au niveau des pays partenaires... (Mais) une attention similaire aurait dû être accordée aux barrières non tarifaires de l'UE, de loin plus importantes, qui continuent de freiner l'entrée de nos produits au marché unique européen ». Comme cette question ne semble même pas envisagée par l'UE, venue aussi promouvoir sa politique de voisinage, qui renvoie à la baille le partenariat euroméditerranéen. Et pourtant, comme le fait encore la presse européenne, le rapport est encore passé avec cette motion d'aide européenne, qui n'est pas sans contrepartie. Loin de là. Le programme européen pour les cinq années à venir suscite beaucoup de mécontentements, même si, semble-t-il, certains Etats du sud la Méditerranée se sont empressés de l'accepter. « Pour soigner leur image », relevaient, dès le printemps dernier, certains analystes, tout en s'interrogeant sur le prix à payer. Des injonctions donc, mais aussi, et c'est ce qui suscite certaines craintes, « une ingérence » dans les affaires intérieures. L'on s'attend donc à une certaine explication, au demeurant entamée hier par les ministres des Affaires étrangères dans le cadre d'une ultime réunion préparatoire commune. Les Arabes ont tenu la leur, il y a dix jours, au Caire, comme nous l'a confirmé le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, samedi à Barcelone. S'y ajoute donc l'aide-mémoire algérien, comme s'il s'agissait pour notre pays d'aller au-delà de certains analyses et de dire ses propres vérités. D'ailleurs, il n'a jamais raté, en ce sens, la moindre occasion depuis Barcelone, où il s'était clairement exprimé pour une zone de prospérité partagée. La déclaration, qui sera solennellement adoptée aujourd'hui, rappellera inévitablement les grands principes ainsi que les axes majeurs de la Déclaration de Barcelone et qui conservent toute leur acuité, comme l'immigration ou le terrorisme. La question, se rappelle-t-on, avait alors été soulevée avec insistance par l'Algérie et il a fallu les attentats de 2001 pour que l'Europe se rende à cette évidence.