A l'occasion de la clôture du Sommet arabe, nous avons demandé à Mustapha Chérif, ancien doyen des ambassadeurs à la Ligue arabe de nous donner son appréciation sur les résultats du sommet. Comment évaluez-vous les travaux du Sommet d'Alger? Mustapha Chérif:Tout d'abord, le fait même qu'un grand rendez-vous comme le Sommet du conseil des chefs d'Etat arabes se soit tenu dans notre pays, dans les meilleures conditions, est une belle réussite et un acquis. Nous avons renoué avec les temps forts de la diplomatie algérienne et démontré, si besoin était, que l'on peut encore compter sur l'Algérie. Car certains, durant la période de la subversion terroriste, avaient imaginé l'Algérie définitivement réduite. Ensuite, il y aura désormais un avant et un après Sommet d'Alger. La Ligue des Etats arabes, comme la plupart des espaces régionaux et internationaux, est une organisation où s'affrontent des visions du monde sur la fonction de la démocratie, de la tradition, des valeurs universelles, du développement, des alliances et bien d'autres questions. Avant le Sommet d'Alger ce sont les forces conservatrices qui dominaient ou du moins empêchaient souvent que le débat s'instaure et que des changements notables aient lieu. L'Algérie a réussi à changer cela. Le contexte international, les défis de l'heure et les aspirations des peuples obligent les pays arabes à se mettre à jour, et à faire preuve d'ouverture, c'était la juste conviction de l'Algérie. Ainsi, la relative prise de conscience face aux incertitudes, les pressions extérieures et intérieures, et l'action déterminante de notre président ont permis les résultats probants du 17e Sommet. Ce n'est certes qu'un pas, mais au regard de la quasi-paralysie et pesanteurs du passé, des résistances de certains et de la nature des réformes introduites, c'est un pas que l'on peut qualifier, sans exagération, d'historique. Mais est-ce suffisant pour régler les problèmes auxquels sont confrontés les pays arabes, les sociétés arabes ne doivent-elles pas aussi se réformer? En effet, le problème peut paraître rester entier tant que les régimes et les sociétés arabes ne se réforment pas de l'intérieur, la question de la légitimité politique se pose pour la plupart d'entre elles, mais la réforme de la Ligue peut servir de catalyseur. Le fait même qu'ils doivent se mettrent à jour pour préparer, par exemple dans cinq ans l'élection de députés élus au suffrage universel et qu'ils doivent aussi favoriser la participation des représentants de la société civile aux travaux concernés de la Ligue sont des facteurs positifs de changement. La question de la démocratie reste au coeur des problèmes. Les uns, les régimes en général freinent ou vident de leur substance les transformations nécessaires et craignent la démocratie-anarchie, les autres, les citoyens, doutent parfois de tout, sont las de la démocratie de façade et ne s'impliquent pas suffisamment. Pourtant, rien ne se fera sans engagement et complémentarité. Le temps des monopoles, d'une part et de la démission d'autre part, doit être révolu. Tout report des pratiques démocratiques aggrave la situation du monde arabe. La réforme de la Ligue peut aider chacun à prendre conscience de la responsabilité de tous dans ce long processus de réalisation d'une démocratie, comme instrument imparfait mais incontournable, pour mobiliser les citoyens et les impliquer. Sinon, c'est l'avenir qui sera hypothéqué. L'Algérie qui est relativement à l'avant-garde, en matière démocratique, depuis 1989 à ce jour, et qui a tiré des leçons de sa difficile expérience, a permis de réaliser au profit des pays arabes, ce qui apparaît plus qu'une simple réforme. Nous étions hier à l'avant-garde du processus de décolonisation, puis aux avant-postes de la lutte antiterroriste, aujourd'hui l'Algérie de nouveau, est le moteur, en matière de réformes pour l'action arabe commune. L'action de notre président a été décisive pour la réussite de ce sommet, comme tout le monde sait. Concrètement pouvez-vous nous résumer les acquis et nouveautés du sommet? Résultats de la bonne préparation faite par la diplomatie algérienne, trois objectifs majeurs ont été atteints. Premièrement la réforme interne de la Ligue. C'est la première fois depuis la création de la Ligue que sa charte est amendée. De plus dans des aspects qui concernent la méthode, la dimension démocratique, en l'occurrence le mode de prise de décision. Désormais c'est à la majorité, et non plus au consensus qui paralysait. Les Etats arabes vont gagner en efficacité, du temps et de la transparence. La création d'un Parlement arabe élu dans cinq ans au suffrage universel, et la participation de la société civile aux travaux concernés de la Ligue sont aussi des éléments essentiels de cette réforme afin que la Ligue des Etats soit aussi celle des peuples. Le deuxième est l'ouverture à nos grands partenaires. En effet, c'est un fait novateur fondé sur l'ouverture au monde, grâce encore une fois à l'initiative de notre président de la République, que des personnalités importantes représentantes des pays amis et des organisations internationales et régionales, ont pris la parole lors du sommet. Ce fut un moment fort qui marque le sens de l'ouverture et le souci de coopération. Le troisième acquis, celui-là aussi, il faut le souligner, grâce encore une fois à l'action personnelle de Monsieur le président de la République, est le climat de concorde et de dialogue qui a prévalu durant ce sommet. Donc réformes, ouverture et climat de concorde, ces trois objectifs réussis ont concrètement caractérisé ce Sommet sans précédent.