Loin de faiblir, la mobilisation pour le changement et la démocratie a franchi un nouveau cap. Hier à Alger, la manifestation à laquelle a appelé la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) a tenu presque toutes ses promesses, n'était l'armada de CNS déployée sur la place du 1er Mai d'où devait démarrer la marche. Une vraie marée bleue. Un véritable état de siège. Une nouvelle fois, la capitale est interdite aux manifestants. Armés de matraques et de boucliers, l'impressionnant appareil policier mis en place dès la matinée a bouclé de long en large le lieu de la manifestation, rendant impossible tout rassemblement. Les groupes de manifestants qui ont pu atteindre les alentours de la place du 1er Mai étaient repoussés vers la rue Mohamed Belouizdad, à proximité du ministère de la Jeunesse et des Sports. Vaillants, femmes et hommes, sous la conduite de l'emblématique Ali Yahia Abdennour, accompagné du président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme, Mostefa Bouchachi, du SG du Snapap, Rachid Malaoui, de parlementaires du RCD et autres animateurs de la CNCD, forment leur carré et brandissent des «cartons rouges» contre le pouvoir. Scandant les classiques slogans «Pouvoir assassin», «Système dégage», et «Le peuple veut la chute du régime», ils bravent courageusement l'impénétrable cordon policier. Au milieu de la foule, des figures marquantes de l'opposition. On pouvait remarquer la présence des anciens responsables du Front des forces socialistes Mustapha Bouhadef, Ali Kerboua, Djamel Zenati. Dans l'impossibilité de marcher, la foule persiste à tenir son rassemblement. «Pas question de reculer, le déploiement policier nous ne fait pas peur, nous allons jusqu'au bout pour le changement de ce régime corrompu», a tonné un jeune à la face des policiers qui tentent de le neutraliser. Visiblement plus nombreux que les manifestants, les éléments des forces de l'ordre «saucissonnent» les troupes de la CNCD, créant une pagaille générale, notamment avec l'entrée en scène de quelques «anti-manifestants». Dans cette confusion, la police charge. Belaïd Abrika est violemment pris à partie par des policiers. A quelques mètres de là, Me Mostefa Bouchachi est sérieusement malmené, alors que le SG du Snapap, Rachid Malaoui, perd connaissance sous la pression exercée sur lui par des policiers. Le député du RCD, Tahar Besbas, a été sérieusement blessé ; en tombant à la renverse, son crâne a percuté le trottoir et il a perdu connaissance. L'ancien chef de gouvernement Ahmed Benbitour et Ali Haroun, venus exprimer leur solidarité au mouvement, assistent, impuissants, à la violence avec laquelle les forces de police enserrent les marcheurs. Dispersés par la force, les manifestants n'arrivent pas à se regrouper. Profitant de cette confusion, des individus «étrangers» à la manifestation s'incrustent et menacent d'agresser les contestataires. Moumen Khelil de la LADDH, échappe à une agression à l'arme blanche par trois individus. Tout cela sous le regard indifférent des policiers. Le climat devient très tendu lorsque quelques habitants du quartier de Belouizdad viennent exprimer leur opposition aux protestataires. Arborant des portraits de Bouteflika, ils clament : «Bouteflika demi Ouyahia !» Quelques habitants de Belouizdad, hostiles à l'organisation des marches dans «leur» quartier font tout pour chahuter la marche. Le porte-parole du Comité national des chômeurs, Samir Larabi, a dit son regret de voir la place du 1er Mai, qui était jadis «un haut lieu des luttes politiques et sociales du pays devenir une houma». «Nous sommes tous dans la même situation. Le pouvoir exploite la misère des gens et tente de monter les uns contre les autres dans le but de se maintenir. Tôt au tard, ce système doit tomber pour permettre l'instauration de la démocratie et de la justice sociale d. Au-delà des divergences qui peuvent exister entre les différentes tendances politiques, nous devons être à la mesure de la gravité de la situation. Les forces sociales et politiques sont sommées d'engager un débat sérieux pour solder les clivages et mettre en place une nouvelle stratégie pour soulever les masses», fait remarquer un enseignant syndicaliste. En somme, au-delà de la polémique autour des chiffres, le second samedi de la colère a montré, une nouvelle fois, le caractère répressif du régime. Mais il interpelle également l'opposition sur le long travail qui l'attend.