Deux dates sont à retenir dans l'actualité marocaine récente. Casablanca De notre envoyé spécial La première est celle du 20 février 2011 qui a vu la naissance d'un mouvement de revendications politiques et sociales lancé sur facebook et prolongé par d'importantes manifestations de rue dans les principales villes du royaume chérifien. La deuxième est celle du 9 mars dernier, date à laquelle Mohammed VI, roi du Maroc, s'est adressé à la nation en promettant une large réforme constitutionnelle. Ce double tournant dans la vie du royaume a fait qu'un important débat agite désormais la société marocaine et la classe politique.A présent, l'enjeu est de voir jusqu'à quel point la volonté du roi et celle du peuple pour ce changement annoncé pourraient se rencontrer et faire cause commune. Le prochain round d'observation se situe à très brève échéance. Ce dimanche 20 mars, d'autres manifestations sont attendues dans tout le royaume, toujours à l'initiative du Mouvement dit du 20 février, qui entend ainsi maintenir la pression. Le projet de révision constitutionnelle, tel que conçu par le souverain marocain, doit être préparé par une commission technique d'ici juin 2011. S'il venait à sortir des limbes, il permettrait au voisin marocain de passer à une monarchie parlementaire basée sur l'idée d'une régionalisation avancée qui pourrait assurer l'équilibre et la solidarité entre les régions et l'Etat. En clair, il s'agit de transférer une partie des pouvoirs exécutifs détenus par les walis et les gouverneurs vers une assemblée élue dénommée Conseil régional. Cela devrait également se traduire par une réforme de la Chambre des conseillers pour lui faire jouer le rôle d'institution parlementaire de la représentation territoriale des régions. Donc l'idée maîtresse est d'aller vers un Maroc fédéral, avec des régions dotées de larges prérogatives, à travers des conseils de région élus au suffrage universel. Cette réforme permettrait également de reconnaître dans les textes la dimension amazighe du Maroc. «L'amazighité du Maroc sera reconnue dans les textes en tant que patrimoine commun de tous les Marocains», avait souligné Mohammed VI dans son discours, le 9 mars. En marge du débat sur la réforme institutionnelle qui agite le landerneau marocain, on assiste à une forte demande d'amendement des textes de lois régissant les libertés individuelles comme le code de la presse, le code électoral ou la loi sur les associations. Il reste, cependant, que si le débat sur la réforme constitutionnelle semble passionner la classe politique et l'élite du pays, de larges couches de la population, notamment les plus défavorisées, semblent attendre une amélioration de leurs conditions économiques et sociales. Dans une société très inégalitaire où l'opulence la plus indécente côtoie la misère la plus noire, de très larges couches sociales, livrées au chômage et à la misère, restent en marge du développement. Ce volet social, à peine effleuré par le roi dans son discours, pourrait changer la donne politique et compromettre le changement pacifique qui se profile à l'horizon. Ce mardi 15 mars, dans la localité de Khouribga, un sit-in de demandeurs d'emploi, entamé le 21 février dernier, a dégénéré en émeute. Des locaux administratifs ainsi que des voitures ont été saccagés et incendiés. Des dizaines de blessés et d'arrestations ont été enregistrés après l'intervention des services de sécurité. Pour calmer ce front qui risque à tout moment de s'embraser, le roi a annoncé dernièrement une augmentation des subventions sur les produits de base. Le roi est également attendu sur les registres de la moralisation de la vie publique, de la bonne gouvernance, de la lutte contre la corruption et de la protection des libertés et des droits de l'homme. Même le poids du souverain dans l'économie du pays n'échappe pas à cette remise en question. «Une monarchie saine et pérenne est une monarchie dans laquelle le roi ne gouverne pas et ne concentre pas entre ses mains toute l'économie du pays. C'est clair et net», écrit, dans son dernier éditorial, Karim Boukhari, directeur de la publication et de la rédaction du journal Tel-Quel.A propos de presse, justement, c'est le Syndicat national des journalistes marocains, à travers la section locale de Casablanca, qui a organisé, ce mercredi, une action de protestation devant le siège de la Sûreté de la capitale économique du Maroc pour dénoncer les «entraves» subies par de nombreux journalistes lors de la couverture de la manifestation à laquelle avait appelé, dimanche dernier, le Mouvement du 20 février. Ce sit-in de protestation a vu la participation d'une centaine de journalistes issus de diverses publications quotidiennes ou hebdomadaires ainsi que de la presse électronique. Les protestataires – une centaine – demandaient l'ouverture d'une enquête sur les agressions subies par les journalistes de la part des forces de l'ordre. Le harcèlement subi par les hommes de la presse a été dénoncé comme un véritable danger sur la libre expression et la liberté des journalistes à accomplir sereinement leur mission d'informer. C'est dans ce contexte que le test du 20 mars revêt une importance particulière. Le Mouvement du 20 févier arrivera-t-il à ratisser large encore une fois ? Dans tous les cas de figure, l'attitude des autorités, qui semblent balancer entre tolérance et répression, constituera également la réponse qui risque de dicter la marche à suivre en matière d'ouverture politique.