Mohammed VI veut éviter les exemples tunisien et égyptien. Dans son discours à la nation mercredi dernier, il promet une réforme constitutionnelle et l'élargissement des libertés individuelles pour apaiser la contestation. L'opposition parlementaire semble séduite et prudente. Tanger. De notre envoyé spécial Le discours du roi était attendu par les Marocains. Les autorités ont préparé le terrain par une série de mesures, essentiellement sociales, annoncées quotidiennement par les journaux, et une campagne de sensibilisation, qui ne va pas sans rappeler le slogan égyptien : «Préservez l'Egypte», a été lancée en direction des jeunes Marocains. Les affiches «Touche pas à mon pays», une main de Fatma rouge et vert, fleurissent à travers tout le royaume. Dans son discours millimétré, le roi promet d'élargir les libertés individuelles et de réformer la Constitution pour répondre aux demandes des manifestants. «Nous avons décidé d'entreprendre une réforme constitutionnelle globale», affirme Mohammed VI. Le projet de la nouvelle Constitution sera soumis au référendum populaire et entrera en vigueur après son approbation. Mohammed VI a énuméré sept fondements de ses réformes démocratiques, dont la reconnaissance constitutionnelle pour la première fois de la composante berbère «amazighe», le «renforcement du statut du Premier ministre» et «la volonté d'ériger la justice en pouvoir indépendant». Le Premier ministre sera nommé, selon la prochaine constitution, au sein du parti politique arrivé en tête des élections de la première Chambre du Parlement marocain et non plus désigné par le souverain. Cette réforme constitutionnelle, annoncée par le roi, sera soumise à «un référendum populaire» dont la date n'a pas été fixée. Premier à réagir, le Parti islamiste justice et développement (PJD, opposition parlementaire) se montre enthousiaste : «On est presque surpris. Sa Majesté a été très fort ; il a répondu positivement aux demandes des partis et de la jeunesse. Le PJD est satisfait. Cette évolution ressemble plus à une révolution, et les parties concernées sont appelées à travailler sérieusement pour concrétiser le contenu de ce discours», remarque son secrétaire général Abdelilah Benkirane. «On s'en doutait, on en a pris acte hier : le discours que Sa Majesté le roi a prononcé mercredi n'a pas son équivalent dans l'histoire du Maroc. Il appartient à cette série d'actes fondateurs, une profession de foi, mélange de cœur et de raison que la mémoire, en ces temps de doute, retiendra. Egal à lui-même, convaincu que la sagesse ne va jamais sans l'audace et la pertinence, le souverain est allé au-delà des attentes, plus loin encore que ne l'ont espéré et le peuple, saisi d'émotion dans ses profondeurs, et les responsables, toutes composantes confondues», applaudit l'éditorialiste du Matin. Ce discours intervient après les manifestations répondant à un appel lancé à l'origine par des jeunes sur le réseau social Facebook, qui ont eu lieu dans tout le pays le 20 février. La volonté de réformes suffira-t-elle à calmer la jeunesse ? «Je vois mal Mohammed VI devenir comme la reine d'Angleterre. Il ne s'effacera pas derrière le Premier ministre ; au mieux, il y aura un partage des tâches», confie un confrère marocain.