Non enseignée encore aux universités, la Digital Diplomacy est déjà mise en pratique par les concepteurs de la politique étrangère de Grande-Bretagne. Londres. De notre envoyé spécial Ross Ferguson et Phil Brown sont jeunes. Ils s'occupent, avec une équipe d'une quinzaine de techniciens, de spécialistes de la communication, d'analystes et de journalistes du service Digital Diplomacy (diplomatie digitale) du Foreign Office, ministère britannique des Affaires étrangères. «Un concept récent, né il y a à peine trois ans. Il n'y a pas encore une définition précise de la Digital Diplomacy. Auparavant, l'utilisation des nouveaux moyens de communication était marginale», a expliqué Ross Ferguson, qui a noté que cette discipline n'est pas encore enseignée à l'université. L'internet est, selon lui, utilisé pour servir les intérêts de la politique étrangère du Royaume-Uni, pour donner des conseils consulaires et des informations aux expatriés. L'équipe de Ross Ferguson suit minute par minute le site du Foreign Office (http://www.fco.gov.uk). Outre l'anglais, le site est publié en arabe et en urdu. Il fournit des Travel Advice (conseils de voyage) pour les pays connaissant des situations de troubles comme la Libye, la Syrie et le Yémen actuellement. Il aide les ressortissants à trouver les ambassades du royaume, à contracter des assurances (voyages, santé, etc.,) et les orientent pour l'obtention de passeports. Dans la rubrique Foreign policy explained & discussed (la politique extérieure expliquée et discutée), le site donne des informations et des analyses sur les engagements diplomatiques britanniques sur plusieurs thèmes tels que les droits de l'homme, le Moyen-Orient, la prolifération des armes, le contre-terrorisme, etc. Les Jeux olympiques de Londres en 2012 prennent un espace particulier dans le coin réservé à la «diplomatie publique». «Nous fournissons des informations quotidiennes sur le site sur des pays qui connaissent des crises ou des conflits armés», a souligné Ross Ferguson. Flux tendu Comment Twitter et Facebook servent-ils la diplomatie britannique ? «Nous avons des pages et des groupes spécifiques sur Facebook sur les Travel Advice. British Abroad est le nom du compte que nous avons sur Facebook. Durant le dernier tsunami au Japon, nous avons répondu à de nombreuses questions grâce à ce compte. Nous avons déjà 7000 amis», a relevé Phil Brown. Il a indiqué que chaque ambassade du Royaume-Uni a son propre compte Facebook. «C'est un moyen efficace pour maintenir le contact entre ressortissants britanniques. Il y a de nombreux commentaires sur les comptes Facebook du ministère. Des personnes sont chargées de les lire et de les suivre ; elles répondent aussi aux questions posées. Cela nous aide à régler des problèmes», a-t-il dit. Dans les situations de crise, l'information est, selon lui, fournie en flux tendu. Le service communication du Foreign Office est alors chargé de suivre au plus haut niveau toutes les données. Ross Fergusson a indiqué que son service a un rôle technique, mais aussi de traitement de l'information. Selon lui, William Jefferson Hague, ministre des Affaires étrangères, utilise beaucoup Twitter pour répondre aux préoccupations qui lui sont communiquées. «Twitter a été utilisé lors de la récente visite de M. Hague dans les pays du Golfe et en Egypte pour préparer les réponses aux questions posées. Le service de la communication du Foreign Office a tout coordonné et nous nous sommes chargés de la diffusion», a relevé Ross Ferguson. Les ambassades ont, d'après lui, toute l'autonomie nécessaire pour traiter leurs propres informations. Un travail assuré quotidiennement par 400 employés répartis à travers le monde. Ross Ferguson a précisé la Digital Diplomacy vise aussi les jeunes. «Car nous avons l'impression que les médias traditionnels, radios, télévisions et journaux ne peuvent pas atteindre rapidement cette catégorie de la population comme internet. Mais ces médias demeurent aussi importants», a noté Phil Brown. Au 10, Downing Street, siège du Premier ministère, le service de la Digital Communication chapeaute l'ensemble des sites internet du gouvernement britannique, au nombre de 800. Il est chargé de diffuser l'information en temps réel et en permanence. Il veille à la réactualisation de toutes les données et à la transparence de l'activité du Premier ministre. «Nous publions le contenu des contrats signés par le gouvernement. Cela concerne aussi les transactions militaires», précise-t-on. Tous les supports sont mis à contribution (Facebook, Twitter, MSN, YouTube) pour expliquer l'action du gouvernement. Cela peut concerner la manière avec laquelle les dépenses publiques seront effectuées. Al-Jazeera, youtube et les autres «Le nombre de visiteurs des sites internet du gouvernement avoisine le milliard par an. Presque 70% de nos visiteurs arrivent à nos sites à travers les moteurs de recherche. Nous projetons de réduire le nombre des sites web du gouvernement pour mieux maîtriser le flux des informations et des coûts», indique-t-on. Lors d'une récente visite dans les pays du Golfe, David Cameron, Premier ministre, a utilisé les supports d'Al Jazeera et de Youtube pour expliquer la position de la Grande-Bretagne. Il n'a eu aucun «complexe» à le faire. «L'essentiel est que le message passe», explique-t-on. Selon Victoria McCallum du service presse du Foreign Office, la communication extérieure est dirigée par des diplomates et par des spécialistes des médias, une équipe de 25 personnes. «Ils travaillent 24 sur 24, selon le rythme des médias. Et chaque département a son propre bureau de presse qui travaille sur les zones couvertes par les cinq ministres adjoints en charge de l'Afrique, de l'Europe, du Moyen-Orient, etc.», a-t-elle précisé. Elle n'a pas omis d'évoquer l'existence d'un porte-parole arabophone du ministère des Affaires étrangères du Royaume-Uni. «Il a beaucoup de travail puisqu'il intervient presque quotidiennement dans les médias arabes pour expliquer les choix de notre politique extérieure», a-t-il noté. Barry Martson, très sollicité par Al Jazeera, Al Arabiya ou Al Hurrah, s'exprime également en persan. Victoria McCallum a expliqué que les briefings en «off» et les discussions avec les journalistes sont réguliers. «Lorsqu'un ambassadeur termine une mission dans un pays, on lui une organise une rencontre avec les journalistes-clés à Londres. Cela les aide à avoir une idée précise sur le pays où le diplomate a servi », a-t-il indiqué. Une unité de crise gère actuellement l'évolution des situations en Libye et au Yémen sur le plan communication et relations avec les médias. Une unité installée depuis les premiers troubles en Tunisie en décembre 2010. Victoria McCallum a confirmé que la plupart des analystes du service presse sont des spins doctors (les communicateurs d'influence). «William Hague a son propre conseiller politique qui est également spin doctor. Chaque ministre adjoint en a un. Ils travaillent tous en étroite collaboration», a-t-il soutenu.