La bataille pour la prise de Brega, localité située à 240 km au sud-ouest de Benghazi, paraît avoir tourné en faveur des insurgés. Après trois jours d'intenses combats, ces derniers ont annoncé triomphalement, hier, avoir repris le contrôle du port pétrolier de la ville. Les troupes de l'armée loyaliste, composées de 3000 hommes environ, se seraient retirées, ont rapporté plusieurs agences de presse, vers l'ouest. Elles s'étaient retranchées la veille dans le centre-ville. 300 fidèles à El Gueddafi s'y trouveraient encore, pris sous le feu nourri des armes automatiques des rebelles qui disent avoir perdu une quinzaine d'hommes. Les insurgés ont, rappelle-t-on, déclenché jeudi leur offensive pour s'emparer de cette ville stratégique. Si elle se confirme, la prise de Brega par les insurgés pourrait marquer un tournant dans la guerre menée contre le régime d'El Gueddafi. Mais tout dépendra aussi de la capacité des insurgés à la conserver et à conquérir d'autres villes. Au vu de la situation sur le terrain, le chemin de la victoire peu paraître encore long, surtout lorsqu'on sait que les forces loyalistes à El Gueddafi sont encore nombreuses et bien armées. Une chose est toutefois certaine : Brega permettra au CNT (la représentation politique de la rébellion) d'approvisionner ses unités en carburant et de financer beaucoup plus aisément, avec le pétrole qui sera exporté, le «printemps libyen». Boostés par le soutien accordé vendredi par de nombreux pays au CNT, les insurgés ont beaucoup avancé aussi à l'ouest du pays. Leurs positions ont cependant été bombardées dimanche à Souk El Thoulatha, une localité se trouvant à quelques kilomètres du centre-ville de Zliten. Les insurgés ont enregistré, en outre, 23 blessés dans la nuit de dimanche à lundi dans des combats qui les ont opposés aux troupes de Mouammar El Gueddafi non loin de la ville de Misrata. Le groupe de contact international sur la Libye, qui s'est réuni vendredi à Istanbul, a, mentionne-t-on, reconnu le CNT en tant qu'«autorité gouvernementale légitime» en Libye. Cette reconnaissance lui permet notamment de lier des relations économiques avec l'étranger. Moscou refuse de reconnaître le CNT Bien qu'étant une victoire diplomatique, la portée de l'initiative du groupe de contact est tout de même à minimiser, notamment après que la Russie eut refusé de le reconnaître comme tel. Il est fort possible que la Chine en fasse aussi de même. A ce propos, tout le monde sait que Pékin n'est actuellement pas d'accord avec la manière avec laquelle la résolution 1973 est appliquée. «S'il s'agit de reconnaître le CNT comme seul représentant du peuple libyen, nous ne partageons pas cette position», a déclaré hier Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères. Les Etats-Unis ont reconnu vendredi le CNT comme «l'autorité gouvernementale légitime» de la Libye, à l'instar de l'ensemble du groupe de contact sur la Libye réuni à Istanbul. Moscou avait décliné une invitation à se joindre à la réunion du groupe de contact, estimant que le Conseil de sécurité de l'ONU était la seule instance légitime dans ce conflit. Pour la Russie, cette reconnaissance équivaut à «prendre le parti d'une partie en conflit dans la guerre civile», a estimé le chef de la diplomatie russe. «Les partisans de cette décision sont favorables à une politique d'isolement des forces qui représentent Tripoli et nous sommes traditionnellement contre l'isolement», a-t-il ajouté. «Nous entretenons des contacts avec Tripoli et avec Benghazi pour qu'ils fassent preuve d'une position constructive et se mettent à la table des négociations», a dit le ministre russe. Sur le terrain toujours, l'Organisation de l'Atlantique Nord (OTAN) a indiqué avoir bombardé un grand entrepôt de véhicules militaires dont des chars et d'autres blindés à Tajoura et une antenne radar de l'aéroport international de Tripoli. Même si sa marge de manœuvre s'est considérablement réduite depuis le début de l'insurrection, en février dernier, le colonel El Gueddafi a, de son côté, prévenu samedi les insurgés sur le fait que «le peuple libyen est prêt à mourir pour défendre son pétrole et qu'il ne laissera jamais cette richesse aux mains d'une bande de traîtres inféodée à l'OTAN». Ce n'est pas tout : il a une nouvelle fois juré, dans un discours diffusé samedi soir à Zawiyah, qu'il ne quitterait «jamais» la terre de ses «ancêtres».