S'il y a une disposition qui attire l'attention dans le projet de loi de finances (PLF) 2012 c'est celle rédigée dans l'article 57 qui déclare «incessibles par leurs bénéficiaires pendant une durée de 10 ans à compter de la date d'établissement des actes de cession à leur profit, les logements sociaux participatifs actuellement logements promotionnels aidés ainsi que les logements ayant bénéficié de l'aide de l'Etat». L'interrogation suscitée par cet article est due au fait qu'il abroge un autre article en vigueur depuis seulement 3 mois, car prévu dans la loi de finances complémentaire 2011, adoptée en juillet dernier et qui prévoyait la suppression de cette incessibilité sous réserve que le bénéficiaire rembourse l'aide financière de l'Etat.Visiblement, le gouvernement à du mal à trouver la bonne formule dans ce dossier puisque l'incessibilité avait déjà été prévue dans la loi de finances 2008 avant d'être supprimée 3 ans plus tard et puis réhabilitée maintenant dans le PLF 2012. Dans l'exposé des motifs, le ministère des Finances explique que la disposition prévue dans la LFC 2011 «s'avère inopérante dans la mesure où il est impossible de quantifier l'aide financière de l'Etat». Car, argumente-t-il, il ne s'agit pas uniquement de l'aide frontale octroyée par la caisse nationale de logement, mais elle comprend également l'abattement sur le prix du foncier, la bonification du taux d'intérêt bancaire pour le bénéficiaire ou encore l'exonération des droits et taxes. En outre, ajoute la même source, la réintroduction de la suppression vise à lutter contre «les opérations de spéculations». Des arguments qui sont loin de convaincre, certains intervenants dans le milieu immobilier y voyant une énième «manœuvre destinée à servir les intérêts» d'une certaine catégorie de personnes qui auraient «bénéficié indûment de ce type de logement et qui cherchent à les liquider dans un but purement lucratif». Contourner la loi Abdelhakim Aouidat, vice-président de la Fédération nationale des agences immobilières, explique, quant à lui, le revirement du gouvernement en si peu de temps par le fait que «l'étude de ce dossier ne s'est pas faite sérieusement» et c'est pour cela qu'«on prend des décisions aujourd'hui et on revient dessus le lendemain». Selon lui, la décision de réintroduire l'incessibilité est «logiquement bonne pour limiter la spéculation, car on sait qu'il y a dans ce domaine des appartements qui sont distribués à des gens qui ne sont pas dans le besoin», explique-t-il. Toutefois, il pense qu'il y avait mieux à faire en prenant «une décision médiane». «On aurait souhaité en tant que professionnels que l'Etat récupère ces appartements et les redistribue une deuxième fois, parce que fermer le marché pour dix ans, alors qu'il est déjà étranglé, ça va nous gêner encore davantage», dit-il. Le gouvernement a souvent eu tendance soit à «fermer carrément, soit à ouvrir démesurément». Pour M. Aouidat, la disposition du PLF 2012 ne règlera pas le problème de la spéculation pour autant, mais va plutôt «engendrer des problèmes au niveau des tribunaux parce que l'Algérien a tendance à contourner la loi et va donc continuer à vendre», vu que «le marché est entre les mains des spéculateurs». Le fait est, explique-t-il, «qu'il y a beaucoup d'intermédiaires qui ont les plus grandes parts du marché et qui n'ont rien avoir avec le métier comme, les bureaux d'affaires ». Vendre malgré l'interdiction de la loi ne constitue pas un obstacle pour les spéculateurs, d'ailleurs, il l'ont déjà fait. «Les prix de l'immobilier sont tellement élevés que les gens ont tendance à se rabattre sur ce type de logements sociaux qui se vendent sans papiers, car il y a une crise aigüe du logement», nous dit M. Aouidat. Selon lui, la loi va simplement bloquer les simples citoyens qui ont besoin de vendre et qui n'ont rien avoir avec la spéculation. «Quelqu'un qui a un deux pièces et qui veut le vendre,w pourquoi le sanctionner alors que son but n'est pas de spéculer», s'interroge notre interlocuteur. Il faudrait, dit-il, «se pencher sur ce problème sérieusement et trouver des solutions avec les professionnels du secteur. Mais le mal est déjà fait et pour le résoudre, il faut l'attaquer à la racine», conclut-il.