la célébration, ce week-end, du jour de l'an berbère 2956 par un collectif d'associations culturelles (Tigjdit, Tafrara et Imaatuqen) au centre culturel Hssen Mezani de Larbaâ Nath Irathen, avec le concours de la Maison de jeunes de cette daïra, a été l'occasion d'une réflexion sur « la signification première de la célébration de Yennayer ». L'idée reçue fixant comme début de l'ère amazighe l'intronisation du Berbère Chachnak en Egypte pharaonienne, en l'an 950 av J.-C., n'a pas fait consensus parmi les participants. Lors de son intervention, Sofiane Mokhtari, étudiant en langue et culture amazighes, affirme que « Yennayer était lié au calendrier agraire et non au personnage de Chachnak. Ce rituel avait pour vocation d'entretenir et perpétuer des liens étroits avec la nature et les forces mystérieuses qu'elle recelait. Le monde invisible (tidmi tafrghayt) se décline en deux segments : les puissances bénéfiques (tinzmar yelhan) et les puissances maléfiques (tinzmar en diri) ». Les forces bienfaisantes étaient adulées et recevaient les offrandes des Berbères et le déchaînement de celles malfaisantes était craint. Faisant le parallèle avec l'autre rite de l'Anzar, notre interlocuteur précise : « Avant tout, il s'agissait de prier ces forces pour qu'elles offrent bien-être, prospérité aux humains et profusion des récoltes. Selon une vieille croyance, la célébration de cette fête venait après une tranche d'hiver appelée Elyalli (les nuits). Les anciens Berbères désignaient par ce vocable ‘‘l'hiver de l'hiver'' ou le cœur de la saison pluvieuse. » Oscillant entre le profane et le spirituel, l'attachement aux cycles de la nature, la subdivision même des saisons en tranches distinctes et l'imprégnation des changements climatiques ont permis aux paysans « de prendre conscience que cette période occasionnait le plus de dégâts et de ravages sur les récoltes et les arbres avec les gels, les grêles et les neiges. Ainsi, Yennayer célébrait la fin de cette tranche de saison bouleversante pour la paysannerie et augurait un lendemain d'abondance », ajoute M. Mokhtari. Ce qui permet à l'intervenant de penser que Yennayer (autrefois superposé au nouvel an du calendrier julien avant sa réforme par Grégoire XIII) correspond plus aux pratiques agricoles qu'à la conquête pharaonienne de Chachnak. « Cette thèse, bien que défendue par nombre de chercheurs et scientifiques, reste une création militante voulue aussi par les fondateurs de l'Académie berbère, dans les années 1970, comme un repère historique et fondateur de l'ère amazighe. » Pour redonner à cette fête sa vocation originelle, cet étudiant suggère d'« axer les efforts du mouvement associatif sur le travail de réappropriation de cette date, en la replaçant dans son contexte authentique ». Invitée à témoigner sur le rite de Yennayer, une vieille femme a tenu à rappeler au public présent que « cette fête se faisait dans la communion. Il fallait inviter tous les membres de la famille et rendre visite aux filles mariées. En nous recueillant sur les tombes des morts, nous leur offrons des victuailles et des mets pour les associer à notre joie. Les saints n'étaient pas en reste, car l'on se recueillait aussi dans les mausolées et les ménagères préparaient le couscous et le poulet ainsi que des plats de choix ». Notons enfin qu'au programme de ces activités, étalées sur trois jours, le théâtre et la poésie sont à l'honneur et une riche exposition d'articles de journaux, revues et outillages agricoles traditionnels ornait les stands du centre culturel Hssen Mezani.