Souffrant de difficultés respiratoires, Mohamed Esseghir s'est éteint jeudi dernier, peu après son admission à l'hôpital de Laghouat. Il a été inhumé hier au cimetière de Sidi Yaness, dont il a souvent peint les mausolées. Né en 1926, Mohamed Esseghir, qui a vécu jusqu'en 1967 au Maroc (Marrakech), est rentré au pays avec dans ses bagages plusieurs prix internationaux dont le non moins célèbre prix de Casablanca, « avec seulement deux couleurs », aimait-il à le répéter. Reconnu par les critiques européens, qui le citent comme « le père de la peinture algérienne », « le premier impressionniste algérien », « le peintre naïf », Mohamed Esseghir, comme il nous l'a souvent confié dans son atelier sis à Rahbat Ezzitoun, ne se reconnaissait dans aucune de ces classifications. Loin du snobisme des académiciens, il se contentait de peindre, faisant usage de tout ce qui lui tombait sous la main. Certaines de ses œuvres récentes réalisées avec des restes de tubes ont été cédées au prix coûtant par cet artiste qui, humblement, affichait sur ses œuvres le même prix que ceux accordés aux travaux de ses élèves. Mohamed Esseghir, qui est rentré au pays avec tout un wagon d'œuvres, celui qui a été de toutes les expositions, dont les œuvres continuent d'orner plusieurs ambassades et entretenait une étroite relation avec Khedda, Racim et Issiakhem, a quitté Alger en 1983 pour Laghouat avec pour seul bagage une veste et une modeste retraite de postier. Celui qui osait faire usage de goudron par série, pour qui la peinture est forme et couleur, qui n'hésitait pas à faire dans la pâte, inventait le mouvement, le ton à même la toile, celui qui se contentait de représenter le combat du peuple algérien par des combats de coqs, la liberté par des pur-sang fougueux, ne s'est pas arrêté de peindre tout au long de cet exil intérieur. Il a laissé, durant toute la période laghouatie, une œuvre pleine de lumière, sans exotisme aucun. La sérénité des paysages oasiens ne laisse rien transparaître de la tristesse qui l'habitait. Même la multitude de portraits des deux femmes qui le hantaient ont réappris à sourire par la magie de son coup de pinceau. Un géant est parti dans l'anonymat total. Laghouat saura-t-elle réhabiliter ce monument tant ignoré ?