Depuis quelques jours, les annonces alléchantes pour des offres concernant les fêtes de fin d'année pullulent dans les journaux. Mais rarement pour promouvoir des destinations ici en Algérie. Les quelques placards publicitaires qui y font allusion proposent des prix presque dissuasifs par rapport à ce qu'offrent d'autres pays. La tradition touristique s'est perdue depuis belle lurette en Algérie qui n'a nullement profité des débâcles de ses pays voisins. Sa stabilité relative n'a pas réussi à cacher des années de laisser-aller dans un secteur qui aurait pu être un axe important de développement économique et social et une alternative sûre en perspective de l'après-pétrole. «En économie, l'adage selon lequel le malheur des uns fait le bonheur des autres ne s'est jamais vérifié par le passé, ne se vérifie pas aujourd'hui et ne se vérifiera pas demain», assène d'emblée Mourad Kezzar, consultant en tourisme et hôtellerie. «Le tourisme est une industrie, une économie. Le bonheur économique d'une nation, si l'on peut utiliser ce terme, ne peut résulter que d'une meilleure exploitation de ses avantages comparatifs, à l'échelle macro-économique, et des facteurs-clés de succès (FCS) à l'échelle de l'entreprise touristique quels soient un hôtel, une agence de voyages ou un office de tourisme», note-t-il. L'Algérie continue à être considérée comme une «non-destination» par les organisations internationales. «Le développement du tourisme en Algérie est attendu depuis de nombreuses années et fait l'objet de déclarations répétées de la part des autorités concernées, sans que le pays n'ait encore donné une réalité à ses intentions», estime ainsi la Mediterranean Travel Association (Meta). Ce constat est étayé par le classement peu glorieux du rapport 2011 élaboré par le Forum économique mondial (WEF) qui place l'Algérie au 113e rang mondial, sur 139 pays. Dans la région du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, elle se classe au 14e rang sur 16 pays. «Les troubles proprement dits n'ont jamais été un frein aux flux touristiques quand un pays dispose d'une politique touristique lisible. Au risque de choquer, par le passé, l'Intifadha en Palestine n'a pas mis à genou le tourisme israélien. Aujourd'hui, malgré la répression israélienne, les territoires gérés par l'Autorité palestinienne reçoivent toujours des touristes. Si des touristes occidentaux fréquentaient l'Egypte, la Tunisie ou la Syrie, c'est par ce que ces destinations offraient des produits qui répondaient aux caractéristiques à la fois objectives et subjectives de la demande exprimée par ces touristes», observe encore Mourad Kezzar. En management, l'approche, «sécuritaire ou conjoncturelle» n'existe pas. «Si notre produit est conçu selon nos idées reçues et non pour répondre aux besoins de la clientèle, même si l'on est le seul pays sur terre épargné par les violences et même si nous avons le monopole de ce produit, notre destination restera mal appréciée par le touriste consommateur. Du coup, ce n'est pas parce qu'un groupe de touristes ne peut pas se rendre en Tunisie qu'il va venir en Algérie. Il viendra en Algérie, le jour où cette dernière lui proposera une offre qui répond à ses attentes et à sa perception de la qualité», ajoute-t-il. «Travel Warning » Les révolutions arabes sont donc loin d'être bénéfiques pour l'Algérie. Pis encore, ces crises politiques et plus précisément le bourbier libyen, qui a permis une circulation massive d'armes récupérées par des mouvements terroristes sévissant dans le Grand-Sud, n'ont fait que ternir davantage l'image et la réputation du pays. De nombreux pays occidentaux continuent à émettre les fameux «Travel Warning» déconseillant à leurs ressortissants de voyager en l'Algérie. Au ministère du Tourisme, on ne se fait pas d'illusion, mais l'on se montre optimiste quant au développement de ce secteur. «Oui c'est vrai, l'Algérie est une non-destination», reconnaît Abderraouf Khalef, directeur de l'évaluation et du soutien des projets touristiques. «Mais nous avons une stratégie à long terme pour y remédier», nuance-t-il. Selon lui, de nombreuses mesures ont été prises pour inciter l'investissement dans le tourisme. «50% des projets sont à l'arrêt faute de financement. La loi de finances complémentaire pour 2009 prévoit des bonifications de taux d'intérêt de 3% au Nord et 1% dans le Sud. Elles seront appliquées cette année. Nous sommes en négociations avec les banques publiques pour signer des conventions-cadres», indique-t-il. «Il s'agit d'investissements lourds et la rentabilité ne vient pas tout de suite. On va proposer aux banques d'allonger la durée du crédit à 12 ans au lieu de 7 avec un différé de paiement de cinq ans», a-t-il poursuivi. Le ministère lancera par ailleurs une opération de viabilisation des zones d'expansion touristique en 2012. Le département de Smaïl Mimoune mise sur le tourisme de masse, fera remarquer ce responsable. « Il faut cibler le citoyen algérien», relève-t-il. En d'autres termes, à défaut d'attirer les touristes étrangers, le ministère espère garder les millions d'Algériens qui préfèrent passer leurs vacances ailleurs que dans leur pays. Près d'un million d'entre eux choisissent la Tunisie et son tourisme balnéaire, alors que l'Algérie compte plus de 1200 km de côtes. Les autres se rabattent sur la location chez les particuliers qui disposent de logement à proximité des plages. D'ailleurs, un texte de loi appelé «le logement chez l'habitant» a été proposé au gouvernement pour, a indiqué M. Khalef, «organiser la location estivale». «Ce n'est pas pour contrôler ces locations, mais pour mieux les organiser. On pourrait ainsi impliquer les offices du tourisme et les associations qui proposeront des logements à la location», assure-t-il. Le Printemps arabe n'a donc pas profité à la destination Algérie qui attend toujours l'arrivée de ces hirondelles.