Doté d'un budget de pas moins de 387 milliards de dinars, soit 4 milliards d'euros, le programme de mise à niveau des PME, lancé par les pouvoirs publics en 2010, se trouve actuellement dans l'impasse. L'organisme assurant son application, en l'occurrence l'Agence nationale de développement de la PME (ANDPME), parle de quelque 995 PME déjà prêtes à bénéficier des actions de mise à niveau, mais en réalité, aucune action n'a été entreprise, à ce jour, au profit de ces entreprises sélectionnées comme étant éligibles au programme. Impliqué directement dans le processus de sa mise en application, puisque siégeant au comité national technique de l' ANDPME, le Conseil national consultatif de la PME (CNC) n'hésite pas à pointer du doigt deux ministères dont dépend le bon fonctionnement du programme, à savoir le ministère de l'Industrie et de la Promotion des investissements et celui des Finances. «On parle de 995 PME éligibles au plan de mise à niveau. En réalité, il n'y a rien puisqu'il ne s'agit que du nombre d'entreprises sélectionnées et ayant obtenu l'accord du Comité national. Le transfert de leurs dossiers aux deux ministères concernés est bloqué et ces entreprises ne pourront bénéficier de l'argent et des actions prévus par le programme tant que les deux ministères ne sont pas encore d'accord sur la procédure», nous explique Zaïm Bensaci, président du CNC. Pour lui, tout le problème réside dans la nature «bureaucratique» qui empreigne le fonctionnement de l' ANDPME, doté de statut d'entreprise publique à caractère administratif (EPA). En effet, confiné dans une structure institutionnelle aux pratiques administratives lourdes, le programme de mise à niveau se voit aujourd'hui l'otage de distorsions en matière de procédures et de modalités entre les deux ministères concernés, notamment lorsqu'il s'agit de paiement et de dépenses pécuniaires. N'ayant pas observé correctement les dispositions exigées par la réglementation régissant la comptabilité publique, les dossiers retenus par le Comité national technique de l' ANDPME ne connaissent ainsi aucune suite, parce que bloqués par le représentant du ministère des Finances qui refuse de donner son aval. Bien que ce problème paraisse absurde et simple à régler, il n'en demeure pas moins qu'il constitue une véritable contrainte à un lancement réel du programme. «Cette contrainte doit être levée pour qu'au niveau du Comité national technique, il n'y ait pas d'obstruction ou de réserves du ministère des Finances, en attendant que les deux arrêtés portant sur les modalités, en cours de préparation, soient signés. Mais en définitive, ce blocage n'est rien d'autre qu'un problème de procédure et de bureaucratie», témoigne M. Bensaci. Faut-il alors changer le statut de l'ANDPME pour apporter plus de souplesse à son fonctionnement ? Aux yeux du président du CNC, toute la problématique est là : «Il faut trouver à cette agence un statut spécifique qui lui permet d'engager des dépenses d'une autre manière. Mais c'est au gouvernement de trancher cette question», rétorque-t-il. Des prestataires non payés Les victimes du blocage qui prévaut à l'Andpme ne se comptent pas seulement parmi les PME ayant adhéré au programme. Les cabinets de conseil nationaux auxquels l'agence a fait appel pour travailler avec les entreprises intéressées par le programme n'ont pas été payés, à ce jour, pour les prestations effectuées. Selon Ameur Mekhoukh, directeur de Caceg Consulting, un cabinet d'études ayant participé à plusieurs opérations au profit des PME, ils sont une centaine de bureaux qui réclament, aujourd'hui, leur dû auprès de l'agence, sans qu'aucune suite leur soit donnée. Sollicité personnellement, Mohamed Benmeradi, ministre de l'Industrie, de la PME et de Promotion des investissements n'a répondu, non plus, à aucune des trois demandes d'audience adressées par ces cabinets. Encore une fois, le flou qui entoure la procédure comptable, les modalités de paiement et la réglementation régissant le travail de l'ANDPME sont à l'origine de ce contentieux. «Nous sommes devant un système administratif lourd qui risque de mettre en danger tout le programme de mise à niveau», soutien M. Mekhoukh qui affirme, qu'à ce jour, «aucun document explicite n'est disponible pour justifier les procédures de payement au profit des bureaux de conseil». L'on croit savoir, cependant, que «des tractations sont en cours entre l'agence, le ministère de l'Industrie et celui des Finances pour essayer d'apurer cette situation». Une situation mise à mal non seulement par la lourdeur bureaucratique, mais aussi par d'autres dysfonctionnements qui risquent de remettre en cause tout le travail de l'ANDPME. En effet, ne disposant que de 5 experts seulement, l'Agence peine à traiter dans les normes et dans les temps voulus l'ensemble des dossiers qu'elle reçoit. C'est la raison pour laquelle le président du CNC nous affirme avoir «demandé à ce que l'agence soit renforcée par plus de moyens humains et matériels», mais surtout, «qu'elle puisse profiter de l'expertise du programme de mise à niveau MEDA II, en cours de réalisation». Il faut savoir, par ailleurs, que l'actuel programme de mise à niveau a pour objectif de faire bénéficier 20 000 entreprises d'une dizaine d'actions, sur une période de quatre années. Cependant, deux années après son lancement, on en est toujours aux balbutiements et aucune action d'envergure n'est menée. Peut-on alors réaliser ce chiffre d'ici à 2014 ? De l'avis du président du CNC, «la mise à niveau de 20 000 entreprises n'est qu'un objectif. Qu'on parvienne à faire 1000 ou 1500 PME, c'est déjà énorme. Soyons réalistes et pragmatiques, car il ne s'agit pas de faire une mise à niveau de statistiques, mais une mise à niveau au sens réel du terme». Cela étant dit, les pouvoirs publics ne l'entendent pas de cette oreille puisque, habitués aux grands chiffres à effet d'annonce, ils estiment que deux années après le lancement du programme, plusieurs milliers de PME auraient dû déjà bénéficier d'un maximum d'actions prévues pour leur mise à niveau. C'est pourquoi, croit-on savoir, le président de la République, informé de la situation de conflit entre l'ANDPME et ses partenaires, aurait demandé au Premier ministre de lui transmettre un rapport détaillé sur l'état d'avancement du programme et les obstacles qui empêchent sa mise en application réelle. L'on s'attend, ainsi, à ce que les plus hautes instances de l'Etat interviennent pour sauver un programme qui risque, si la situation ne change pas, de connaître le sort des anciens programmes, comme celui lancé, en 2002, par le ministère de l'Industrie et de la Restructuration qui a finalisé, en 5 années d'exécution, la mise à niveau de 137 entreprises seulement sur un objectif de départ de 1000 entreprises !