Jeudi dernier, jour d'El Achoura, l'air était au pèlerinage pour les citoyens de la wilaya de Tizi Ouzou. Tôt le matin, les routes menant vers la Haute Kabylie ont été investies par des colonnes entières de véhicules particuliers et de transports de voyageurs. Le soleil printanier, qui irradiait les monts et les plaines, amplifiait superbement l'appel de la montagne sous un ciel d'un bleu parfait auquel les familles cédaient volontiers. De toutes les destinations, la zaouïa de Sidi Abderrahmane El Illouli (un saint né à Ikharbouchène en 1601 et mort en 1690), dans la commune d'Illoula Oumalou (60 km à l'est de la ville de Tizi Ouzou), a été submergée par des milliers de visiteurs de Tizi Ouzou, Bouira, Boumerdès et Béjaïa, tous venus « glaner un peu de la baraka du vénérable saint ». Les femmes et les jeunes filles arboraient leurs plus beaux atours pour l'occasion mêlant habits traditionnels et tenues à l'air du temps. Le service d'ordre peinait à drainer les flots de pèlerins. Les véhicules en stationnement formaient des lignes interminables, incrustées de marchands ambulants. A quelques centaines de mètres de là, les chants liturgiques et autres madihs se faisaient entendre, depuis l'autre mausolée, celui de Sidi Oudhris, à qui la croyance populaire attribue « le pouvoir de guérir les problèmes de fertilité ». L'usage veut que le visiteur, ayant accédé à la sépulture du saint, y consente une waâda (offrande) en l'accompagnant du vœu à exaucer. Depuis des temps très anciens, le mausolée de Sidi Abderrahmane El Illouli exerçait une forte attraction au sein des populations locales, et cette zaouïa, qu'il a fondée en 1635 après son retour de Tigzirt, continue à ce jour de jouir d'une formidable aura. Complètement rasée par les forces coloniales françaises en 1957, l'honorable institution a été rouverte au lendemain de l'indépendance. A partir de 1984, elle fut transformée en Institut de formation d'imams rattaché au ministère des Affaires religieuses et des Wakfs. L'établissement, à caractère administratif, accueille en son sein quelque 200 étudiants en sciences islamiques « qui viennent du reste des wilayas et des pays africains », explique le directeur de l'établissement. « L'armée coloniale avait bombardé la zaouïa, car celle-ci participait lors de la lutte pour l'indépendance à l'éveil de la conscience nationaliste et patriotique », nous dit un enseignant de cet institut. A l'instar de ce lieu de culte, des dizaines de saints locaux ont constitué, ce jeudi, une destination de villégiature pour les citoyens. Les localités de Mekla, Imsouhal, Aïn El Hammam et autres ont accueilli, comme à chaque fête religieuse, des cohortes de visiteurs qui se retrouvent, le temps d'une prière, d'une rencontre ou d'une évasion.