Au lendemain de l'annonce, faite mercredi en soirée, d'un accord qui serait intervenu entre le Premier ministre et une délégation des ârchs, une grève générale paralyse la Kabylie. La marche annoncée pour hier par le mouvement citoyen n'ayant pas eu lieu la rue semble gagnée par la fièvre des mauvais jours. La Kabylie en grève, à l'appel des mouvements citoyens, se tient le ventre, surtout à l'annonce de l'interdiction de la marche, programmée par le mouvement pour hier, vendredi 5 octobre, de la Grande-Poste à la présidence. Il était prévu à l'issue de cette action, la remise de la plate-forme d'El-Kseur au chef de l'Etat. L'annonce de l'accord est tombée mercredi, laissant pantois, aussi bien le mouvement citoyen que la population. Le mouvement a vite réagi en rendant public un communiqué assez virulent. Pour le mouvement, «le pouvoir (...) fait dans la manipulation et la diversion...». Et il classe le communiqué dans «la case des complots», complot, selon le mouvement, destiné à faire des obstructions à la marche prévue pour le 5 octobre... Le communiqué se fait plus acide en dénonçant fermement «les négociateurs de service accomplissent une sale besogne». Réunie en session extraordinaire, dans la journée du jeudi, la Coordination des ârchs, daïras et communes de la wilaya de Tizi Ouzou affirme que «la plate-forme de revendications d'El-Kseur est scellée et non négociable, et sa satisfaction doit être entière et complète«. Puis d'ajouter: «Le mouvement citoyen reste le seul représentant légitime et que personne, y compris au sein du mouvement, n'est habilité à négocier ou à prendre langue avec le pouvoir.» Le mouvement appelle également les citoyens «à réserver le châtiment mérité à toute personne qui s'aviserait de négocier le sang des martyrs du printemps noir», ainsi, la Cadc rejette le communiqué du Chef de gouvernement dans le fonds et dans la forme «et déclare maintenir son action du 5 octobre à Alger». Hier, les délégués de la Cadc ont, tôt le matin, pris la route d'Alger. Ils devaient rencontrer leurs pairs des autres wilayas à la Grande-Poste à Alger, d'où devait s'ébranler la marche vers la présidence. Arrivée au niveau de Naciria, la délégation a été bloquée et, sans ménagement, refoulée sur Tizi Ouzou. Cette énième tentative d'organiser une marche à Alger a, comme les précédentes, buté sur un dispositif policier assez important et, déterminé. Selon des délégués de retour de Naciria et rencontrés à Tizi Ouzou : les forces de la gendarmerie interdisaient tout accès sur Alger. Casquées et munies de lance-grenades lacrymogènes, les forces antiémeutes, aidées de chiens policiers, barraient complètement la route. Les délégués furent ainsi «refoulés» sur Tizi Ouzou. Tizi Ouzou, où la déception est grande. Une déception génératrice de colère. En effet, dès 15h, des groupes de jeunes se sont regroupés aux abords de la gendarmerie qui, d'ailleurs, au vu du renforcement du dispositif de sécurité stationné dans la cour du groupement, indique que l'on s'attend à ce que les troubles reprennent. A la permanence de la Cadc, les esprits s'échauffent également. Le refoulement des marcheurs est perçu comme une tentative d'humiliation. Une réunion de la coordination interwilayas se prépare. Mais dans l'air, c'est plutôt la colère qui s'exprime. Des délégués parlent même de «désobéissance civile». Bref, à Tizi Ouzou, comme un peu partout en Kabylie, la fièvre des mauvais jours est là, concrète, palpable. La colère, un moment calmée, semble reprendre de plus belle. La population ayant accordé, un temps, un certain crédit à la première information et pensant que le mouvement a accepté de prendre langue avec le pouvoir, a poussé un ouf de soulagement et a failli pavoiser à l'annonce de l'accord portant, notamment, sur le statut accordé à tamazight. Mais après cette «sortie» des ârchs, elle se dit, désabusée. «Encore un coup de Jarnac! Le calme n'est donc pas pour demain!». Tizi Ouzou semble ne plus croire aux promesses.