L'anniversaire des Accords d'Evian mobilise en ce moment les médias et la scène culturelle. Paris / De notre bureau Les médias français et la FNAC ne sont pas en reste de la commémoration du cinquantième anniversaire des Accords d'Evian qui, après d'âpres négociations, sont signés le 18 mars 1962, fixant le cessez-le-feu au lendemain et ouvrant la voie à l'indépendance de l'Algérie. Loin d'être exhaustifs, les programmes que nous rapportons ici ne représentent qu'une partie infime de l'immense mobilisation médiatique et socioculturelle à travers le territoire français : colloques, conférences-débats, films, documentaires, romans, musique, témoignages… Un déferlement que même l'imminence de l'élection présidentielle et son battage incessant ne parviennent pas à réduire. L'Algérie demeure ici une grande passion, vue selon une infinité de regards, de sentiments et de positions. Le public algérien pourra accéder, via les satellites, à certaines des émissions programmées. Aujourd'hui, la Fnac organise en son magasin du Forum des Halles, en partenariat avec France Culture et Arte, une journée mémorielle algéro-française. Romans, essais, bandes dessinées, photographies, cinéma et musique seront à l'honneur. Modérée par Tewfik Hakem, la rencontre «Nos histoires d'Algérie» verra quatre témoins confronter leurs histoires personnelles à celles de la colonisation et de la décolonisation : le journaliste Jean-Pierre Elkabbach, l'historien Benjamin Stora et les écrivains Louis Gardel et Nourredine Saâdi. Suivra le débat intitulé «Les enfants du silence», avec les écrivains Salim Bachi et Brigitte Benkemoun, l'essayiste Florence Dosse et la réalisatrice Safinez Bousbia. Le débat sera animé par Kader Abderrahim. Place à la musique, l'après-midi, avec Amazigh Kateb, Malya Saâdi, fille de H'ssicen Saâdi, grand artiste du chaâbi, et Cheikh Sidi Bémol. Le thème «Algérie : passé et présent en bande dessinée» réunira les auteurs BD avec Azouz Begag (l'écrivain, oui), Désirée et Alain Frappier, Morvandiau, Laurent Maffre, les dessinateurs algériens Slim et Red et Dalila Nadjem, éditrice et directrice du Festival International de la bande dessinée d'Alger. Le volet cinéma, «Naissance d'un cinéma intimiste» se focalisera sur trois courts-métrages en présence des réalisateurs Sofia Djama, Lamine Ammar-Khodja, Malek Bensmaïl et Nadir Moknèche. Enfin, signalons trois expositions, du 7 mars au 30 avril, à la Galerie du même lieu : Demain, Nanterre, bidonville de la folie (1962-1966) ; Tout va bien de Slim et La ligne claire d'Alger par Red One. Pour sa part, du 12 au 25 mars, la chaîne Arte propose une programmation spéciale sur la fin de cette guerre dont la France ne voulait pas dire son nom, avec deux documentaires inédits, un film interdit et deux numéros spéciaux du magazine Karambolage. Se suivront sur cet écran : La Bataille d'Alger, de Gillo Pontecorvo (116'), le lundi 12 mars à 20h35 ; Algérie, notre histoire, documentaire de Jean-Michel Meurice avec Benjamin Stora (90'), le mardi 13 à 20h35 et Palestro, Algérie : histoires d'une embuscade, documentaire de Rémi Lainé (85'), coécrit avec l'historienne Raphaëlle Branche, mardi 20 mars à 22h30. Le groupe France Télévisions s'est aussi investi dans cette commémoration, proposant Guerre d'Algérie, la déchirure, un documentaire en deux volets (55' chacun) de Benjamin Stora et Gabriel Le Bomin, réalisateur et scénariste (France 2, dimanche 11 mars à 20h45, suivi d'un débat). De nombreux fonds d'archives, notamment ceux de l'Institut national de l'audiovisuel (INA), de l'armée française et de télévisions des anciens pays de l'Est – sont à l'origine de ce film. Le comédien Kad Merad, (de son vrai nom Kaddour Merad, né en 1964 à Sidi Bel Abbès) a prêté sa voix pour le commentaire en off. La chaîne F5 passera Une histoire algérienne (52') du journaliste et réalisateur français Ben Salama, né en 1952 dans un village de Kabylie (le18 mars à 22h). Très attendu sera le film de fiction Pour Djamila, réalisé par Caroline Huppert, d'après le livre Djamila Boupacha, publié en 1962 par Simone de Beauvoir et Gisèle Halimi (le 20 mars à 20h35, sur Fr3, suivi d'un débat). C'est à partir de l'hôtel El Djezaïr que la Radio France Culture, en partenariat avec Arte et la FNAC, proposera 24 h à Alger, le 16 mars. Un non-stop d'émissions en direct à Alger et à Paris pour évoquer 50 ans d'allers-retours dans l'histoire. Le programme comprend plusieurs émissions : Les matins de France Culture (6h30), La fabrique de l'histoire (9h), La grande table (12h) et le magazine de la rédaction (18h20). La chaîne spécialisée développe également dans ce programme impressionnant : Les nouveaux chemins de la connaissance (11h), Quelle histoire pour les pieds-noirs restés en Algérie ? avec Pierre Daum, auteur de Ni valise, ni cercueil : les pieds-noirs restés en Algérie après l'indépendance (Actes Sud). De même, Cultures monde traitera des «pays où la révolution arabe n'a pas pris». On comptera de nombreux autres thèmes : Ce que le cinquantenaire dit aux populations algériennes en France sur les traces de la guerre d'Algérie dans les quartiers dits sensibles (émission Les pieds sur terre, 13h30) ; Les essais de la bombe atomique française en Algérie (Science publique, 14h) ; Nedjma de Yacine Kateb avec Beïda Chikhi, professeure de littérature française à Paris IV (Cultures d'Islam, 15h) ; Les Harkis de la banlieue de Toulon (Sur la route, 17h) et enfin, Les voix de la culture algérienne en France (19h). N'oublions pas TV5 Monde qui propose, tout au long de l'année 2012, en partenariat avec la télévision algérienne, une programmation spéciale Algérie sur tous les signaux : documentaires, fictions, cinéma, musiques, ainsi que des émissions sur la guerre de Libération nationale. La presse écrite est aussi au rendez-vous du Cinquantenaire. Des journaux et magazines ont d'ores et déjà publié des hors-série. C'est le cas de L'Humanité, du Nouvel Observateur et du Monde qui ont réalisé un travail remarquable d'histoire, d'analyses, d'entretiens, de témoignages. Des numéros équilibrés et diversifiés. Le hors-série de L'Humanité, qui aborde également l'Algérie d'aujourd'hui, confrontée au vent des révoltes dans les pays voisins, comprend le DVD du documentaire Le Peuple en marche de René Vautier, tourné en pleine guerre. Quant à la scène artistique, elle fourmille de spectacles et manifestations liés au Cinquantenaire et concernant toutes les disciplines et toutes les régions de France. Cette effervescence illustre bien l'immense place qu'occupe, à divers titres, cet événement historique dans les mémoires et les consciences. Parmi les programmes actuels, signalons le concert «Amitié Algérie-France», le 19 mars prochain à 20h30 dans la prestigieuse Salle Gaveau de Paris. Il sera donné par l'Orchestre Symphonique Algérie-France (OSAF), constitué d'une cinquantaine (est-ce un hasard ou un symbole ?) de musiciens professionnels algériens et français, placés sous la direction du maestro Amine Kouider, en résidence au Centre culturel algérien à Paris. Cette formation, créée à la faveur du Cinquantenaire de l'Indépendance de l'Algérie, donnera là son concert inaugural. La nouba zidane du répertoire arabo-andalou, des extraits d'œuvres de Georges Bizet et de la Suite Algérienne de Saint-Saëns, un programme dans l'esprit de l'événement qui n'a pas fini de susciter des initiatives et d'accroître son écho.