Objet de diverses modifications depuis son instauration en 2010, le nouveau code des marchés publics cause bien des soucis aux ordonnateurs publics et aux patrons d'entreprises publiques économiques (EPE). Le texte, amendé une première fois en mars 2011 et une seconde fois en janvier 2012, pèche pourtant encore par ses ambiguïtés. De l'avis de l'avocat d'affaires et membre de du comité d'arbitrage de la Chambre algérienne de commerce et d'industrie (CACI), Nasreddine Lezzar, les différents correctifs apportés au texte ont certes minimisé les craintes des gestionnaires publics par un assouplissement de certaines dispositions, mais demeure difficile à cerner, à comprendre et donc à appliquer du fait de ses nombreuses ambiguïtés. Selon le juriste, qui animait hier à Alger un séminaire sur «Le code des marchés publics», la propension du législateur à renvoyer sans cesse à de futurs textes d'application – qui dans la pratique ne viennent jamais – est en cause. La nouvelle mouture apporte, il faut le préciser, des modifications sur une quinzaine d'articles concernant le mode de passation, les seuils de passation des marchés publics ainsi que le règlement des litiges. Selon Me Lezzar, par ses diverses ambiguïtés, le code oblige les managers publics à faire un effort pédagogique afin d'intégrer ses dispositions et les adapter à la nature de leurs entreprises. Il les soumet aussi, par des procédés de contrôle vagues, à une évaluation subjective et approximative. C'est d'autant plus le cas lorsqu'il s'agit du traitement des passations de marchés de gré à gré pour lesquels le législateur s'appuie, selon le juriste, sur un corpus conceptuel opaque et qui souffre d'interprétations diverses, qu'elles soient acceptables ou non. L'avocat d'affaires précise aussi que la multiplicité des procédures imposée par le code des marchés publics est justifiée par la complexité d'une matière diverse qui s'applique aussi bien aux marchés de travaux, de prestations de services, d'études, d'importation ou d'exportation. Il plaide dans ce sens pour des législations sectorielles et une spécialisation accrue reposant sur des cahiers des charges techniques mis à jour et révisés régulièrement. Me Lezzar a également estimé que l'application du code des marchés publics aux EPE est inappropriée et qu'elle résulte d'une confusion entre les fonctions d'une entreprise publique économique soumise à la comptabilité commerciale et celles d'une administration publique soumise à la comptabilité publique. De même que l'adaptation des dispositions du code aux spécificités des EPE pose problème dans la mesure où le législateur n'a pas différencié les règles essentielles et incontournables de celles secondaires et adaptables. Il bat aussi en brèche les arguments du chef de la division marchés publics au ministère des Finances, M. Laâdjal, qui a défendu un code qui permet «d'éviter les erreurs et les dérives». M. Lezzar a estimé que l'entreprise aurait plus besoin d'un mécanisme de contrôle prenant en compte ses spécificités, à l'image des contrôles par les organes sociaux de gestion et divers audits, sans imposer l'application de ce code très contraignant. Un texte qui a connu en moyenne deux modifications par an durant les dix dernières années, selon le juriste qui n'exclut pas la possibilité d'un nouvel amendement du code des marchés publics.