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«La paix et l'unité de l'islam de France otages de la politique»
Mamadou Daffé Abu Brahim. Imam à Toulouse
Publié dans El Watan le 26 - 04 - 2012

Mamadou Daffé Abu Brahim est l'imam de la mosquée du Mirail, un quartier de la périphérie de Toulouse connu pour sa forte présence musulmane. Ce Malien, installé en France en 1975, est actuellement directeur de recherche en biochimie au CNRS. La mosquée dans laquelle il officie - baraque préfabriquée installée sur le parking d'un hypermarché en attendant la construction d'un vrai édifice - accueille chaque jour des centaines de fidèles et tout particulièrement des Maghrébins ou des Français issus de l'immigration, directement touchés par les événements de Toulouse et Montauban. L'imam explique dans cet entretien l'impact qu'ont eu ces tueries sur la communauté, «première choquée et horrifiée par ces actes criminels».
-Comment la communauté musulmane a-t-elle vécu ces événements et les jours qui ont suivi ?
Les dernières semaines ont été très éprouvantes, très stressantes, au début, de ne pas connaître l'auteur, sachant que des musulmans étaient les premières cibles. Cela nous a inquiétés dans la mesure où on ne savait pas vraiment qui était recherché. Ensuite de connaître l'auteur et de savoir qu'il avait un prénom musulman, était encore plus «stressant». Et là, nous avons été la proie de nombreuses manifestations. Certains ont été agressés au moins verbalement, mais ensuite, cela devient surtout de la paranoïa, avec des musulmans qui se disent «on nous a regardés», «on nous a parlé», «on nous a dit ceci et cela»... Il est donc vrai que les gens ne sont pas à l'aise, sans compter les problèmes internes, dans les familles mêmes. Certains parents disent à leurs enfants : «Vous allez à la mosquée, on vous lave le cerveau ; je sais que depuis que tu as la barbe, depuis que tu portes le hidjab, tu as changé(e)». Au lieu qu'il y ait une solidarité dans la communauté au moins, ça pose des problèmes y compris dans les familles.
-Les actes d'islamophobie ont-ils augmenté depuis ces événements ?
L'islamophobie a beaucoup augmenté ces dernières années en Europe, en France en particulier. Il est dit qu'il y a une augmentation de 37% des actes d'islamophobie en 2011. Malheureusement, ce n'est qu'un début. C'est dans ce contexte global que se situent l'amalgame et le stress de plus en plus continu que nous subissons. Mais je pense qu'il faut faire la part des choses entre la rumeur, le sentiment et la réalité. C'est comme le sentiment d'insécurité, on se sent tous en insécurité, mais ce n'est pas quantifiable. J'entends des propos et des histoires, mais pour moi, ce ne sont que des cas particuliers. Les gens se sentent moins à l'aise ou agressés ne serait-ce que par un regard à leur égard. Mais quelle est la part de paranoïa, et quelle est la part du réel ? Il est clair que les sensibilités sont exacerbées. Certains me disent que quand on voit quelqu'un avec un look maghrébin, on change de place dans le métro. Est-ce que c'est 1/1000, est-ce que c'est plus ou moins ? L'on ne peut pas faire de statistiques. Parfois, tout cela n'est dû qu'à un hasard, une coïncidence, un malentendu. Raison pour laquelle je crains que nous tombions dans la paranoïa, la victimisation, qu'on ne peut pas mettre sur le compte des événements qui se sont déroulés.
-Comment vous, homme de culte, avez-vous vécu ces atermoiements autour des funérailles de Mohamed Merah ?
On était suspendus avec effroi. Il était après tout musulman, ou tout du moins, il s'en réclamait. Il avait le droit d'être enterré et je crains malheureusement que cela a été théâtralisé, mis dans une mise en scène. Les médias avaient aussi besoin d'entretenir la flamme, faute d'autres actualités plus brûlantes. Tout cela s'est inscrit dans la folie de cette affaire. L'on ne pouvait imaginer que cela se termine aussi simplement. Pour moi, cela entre dans un scénario, et je n'étais pas surpris. Au-delà de cela, il est clair qu'il a le droit d'être enterré comme tout homme, je ne comprends pas qu'il y ait une polémique à ce niveau-là.
-Le 19 mars a été comparé au 11 septembre 2001 en termes d'impact sur les musulmans de France. Est-ce le cas ?
Non, je ne pense pas. Le 11 septembre a été un grand choc, dont l'onde se poursuit jusqu'à présent. Ce qui s'est passé à Toulouse et à Montauban été étonnant, mais est avant tout un fait divers. Malheureusement, nous sommes impliqués qu'on le veuille ou non. Ce qui n'a pas été le cas du 11 septembre, où tout a été changé d'un point de vue géopolitique international. Je pense que les non-musulmans, qui ont des voisins musulmans, qui sont dignes de l'être, qui ont un bon comportement, n'ont pas changé après ces attentats. Par contre, il est évident que ce sont les musulmans qui ont été les premiers choqués de voir qu'à l'intérieur de la communauté avait en son sein des personnes capables de tirer sur les gens, sans distinction, sans raison. Que les «autres» se disent que peu surpris, avec tous les amalgames et le reste, rien d'anormal, puisque tout musulman est quelque part soupçonné d'être un terroriste.
Mais nous sommes les premiers effrayés que cette image-là ressurgisse et puisse trouver un crédit quelconque, quand on entend que c'est fait au nom de l'islam. Nous savons que ce n'est pas ça l'islam, que ce n'est pas ce qui se fait, pas qu'à Toulouse, y compris en Algérie et même à commencer par là et qui continue tristement depuis des années et des années. Qu'on nous amène un texte où il est dit qu'effectivement c'est l'Islam qui lui a dit de faire ceci ou cela. Cela est inadmissible que l'on justifie le meurtre d'enfants et d'innocents par l'Islam. Et puis malheureusement, avec cette période, on se dit aussi qu'il y a une exploitation électorale et politique.
-La politique menée ces dernières années a-t-elle été propice à susciter des «heurts des religions» ?
Je dirais que la politique qui a été menée n'est pas étrangère à ces faits. Et malheureusement, ce que je constate que c'est mondial, surtout en europe. L'histoire se répète. Chaque fois qu'il y a une crise sociale, une crise économique, il faut trouver un bouc émissaire. Et ce sont les musulmans, les Maghrébins en particulier, qui le sont. En France, il est clair que par le biais de lois islamophobes comme sur le hidjab, puis le niqab, que les musulmans sont désignés, sous couvert de lutter contre l'intégrisme. Il est évident qu'il y a des gens qui se font de l'argent quand ce sont des journaux, qui sont connus, ou des voix ou une virginité politique au dépens de l'islam lorsqu'il s'agit d'hommes politiques.
La preuve est que la loi sur le niqab de 2010 a vu plus de 90% des députés, droite et gauche confondu, car ce n'est plus une question de politique seulement. Et personne n'ose dire «arrêtez, ça suffit», chacun accepte la chose ou met le feu aux poudres. La droite est devenue extrême droite, alors que dire de l'extrême droite ! Cette dernière a repris du poil de la bête, la preuve est que Marine Le Pen est accréditée d'une bonne place au 1er tour, alors que l'on aurait espéré que l'extrême droite et ses idées nauséabondes relèvent du passé, malheureusement à chaque fois qu'il y a une poussée de l'islamophobie, cela coïncide avec l'augmentation du chômage et autres crises. Quand on ne peut pas résoudre les problèmes des gens, on va aller chercher des boucs émissaires et nous sommes aujourd'hui dans ce cas-là.
-Quelle est l'emprise des mouvements salafistes, djihadistes et autres sur la communauté musulmane à Toulouse ? Avez-vous déjà été confronté à de tels cas ?
Non, jamais au sein de la mosquée. Il y a des fidèles qui viennent prier et qui agissent selon les préceptes de l'islam, qui se respectent et respectent les autres ; d'autres qui ne respectent pas. Et cela, on l'a toujours vu. Le vendredi, il y a des jeunes principalement, certains peuvent ne pas penser la même chose. Mais je n'ai jamais personnellement vu ou entendu des gens appelant au djihad ou faisant montre d'un comportement intolérant vis-à-vis d'autres musulmans ou de non-musulmans. Maintenant, je ne peux pas nier que comme partout dans le monde, il y a des personnes qui ont une autre lecture de l'islam, qui se prennent pour ce qu'ils ne sont pas. Mais ce n'est pas en priant avec les gens quelques fois par jour ou encore moins le vendredi avec 2000 fidèles qu'on va pouvoir identifier de telles personnes. Et je pense surtout que ce n'est pas ici qu'elles viendraient. Dans la mesure où c'est ouvert, que tout ce que l'on fait peut être filmé, ces personnes peuvent être surveillées, ce n'est pas le lieu où elles se manifesteraient. Elles le font d'autres manières. Et dans ce cas là, ici ou ailleurs, elles se trouvent dans les mêmes proportions.
-Quelles relations entretient la communauté musulmane avec les congrégations des autres confessions ?
Nous dialoguons tout particulièrement avec la communauté juive. Car contrairement aux idées reçues, les premiers à défendre la communauté musulmane et le culte musulman lors d'attaques est la communauté juive. Tout simplement parce que les juifs savent ce que c'est que d'être persécuté. Et il n'y a qu'un pas entre islamophobie et antisémitisme. Seulement, comment voulez-vous vous unir avec les autres confessions dès lors qu'au sein même du culte, les musulmans ne sont pas unis ? La communauté musulmane pâtit de cette division nationaliste et politisée. Le problème est que nous n'avons personne pour nous défendre et surtout pas nous-mêmes. L'unité, la paix au sein de l'islam sont otages des politiques.
Par exemple, j'avais créé l'Association cultuelle et culturelle islamique en France (ACCIF) qui a été rejointe par de nombreuses personnalités. Seulement, dès que le Conseil français du culte musulman (CFCM) a été créé, les représentants des pays dont sont issus les fidèles français ont ordonné à leur association de le rejoindre. C'est un objet politique plus qu'autre chose. Cela empêche une réelle organisation et une présence des musulmans et du culte sur la scène publique qui pourrait être à même d'avoir un poids et de se défendre. Cela empêche aussi, malheureusement, de freiner les extrémismes, car si tout était unifié, une personne qui se prend pour ce qu'elle n'est pas ne pourrait pas prêcher ses discours haineux ou contradictoires. Mais là, chacun prêche pour sa chapelle.


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