Un candidat à la députation affublé d'un pot de yaourt au milieu du visage. Les plaisantins qui ont détourné ce poster électoral, qui trône dans un quartier de la capitale, ont au moins le mérite d'avoir donné ce qui manque à la majorité des tableaux d'affichage : un sens, un message. Car en cette deuxième semaine de campagne électorale, les partis en lice n'ont pas particulièrement brillé par une réelle «visibilité visuelle». La couleur dominante de cette course à l'APN semble d'ailleurs être le blanc, celle des tableaux d'affichage qui sont quasiment vides. A Alger, entre graffitis, lambeaux de posters déchirés et autres détournements humoristiques, quelques visages transparaissent. Sourire crispé pour Amara Benyounes et Seddik Chihab, visage austère pour Djaballah, moues pensives ou déterminées pour d'autres têtes de liste épinglées en médaillon sur des affiches communes. Aucune mise en scène, peu de visages féminins ou de jeunes mis en valeur, couleurs ternes… Et lorsqu'on tente de faire original, l'on en fait un brin trop, comme ce candidat de l'UFDS qui pose dans ce qui semble être une prise de karaté ou une candidate dont l'affiche fait penser à la pochette d'un disque de star du raï… Analyser la sémiologie de ces affiches n'est pas chose aisée. Tout simplement parce qu'aucun réel travail de réflexion et de communication politique ne semble avoir été effectué. Hormis quelques exceptions, les partis avouent ne pas avoir eu recours aux services d'experts en la matière. «La conception de nos affiches a été faite par une équipe de militants du parti qui s'y connaît en communication», explique Sofiane Sakhri, chargé de communication de Jil Djadid. «Nous n'avons pas fait appel à des experts, mais à des marketeurs», affirme, quant à lui, Hacen Boulatika, secrétaire national du PRA. Ainsi, les «petits» partis n'ont pas pu s'offrir le luxe de spécialistes. Pourquoi ? «Trop cher», répondent-ils. Et encore. Certaines formations ne se sont pas pliées à cet impératif d'affiche par manque de moyens ou par manque d'intérêt. Les budgets alloués à ce volet oscillent entre 100 000 DA et un million de dinars pour les plus modestes. Et à ce prix, il semble qu'il faille choisir entre qualité et quantité. Mais l'argent ne garantit toutefois pas la qualité, comme l'atteste le professeur en communication Aïssa Merah (voir entretien). L'argent ne fait pas le message Quid du message politique ? Lorsque les partis interrogés parlent de leurs productions visuelles, seul le PT tente de traduire, image par image, leur discours. «En arrière-plan, il y a une manifestation. C'est le peuple qui demande la démocratie et le changement. Le slogan est la rupture et celle qui l'incarne est Louisa Hanoune», énumère Djelloul Djoudi, chargé de la communication du PT. Pour le FLN par exemple, seule une charte graphique identique doit être respectée avec logos, slogans et couleurs du parti. Aux militants locaux ensuite de «broder» autour de ces thèmes. Il a toutefois été reproché à des candidats FLN d'utiliser sur leurs posters des attributs de l'Etat ou autres réalisations ministérielles. «Cela est possible. Ce sont des choses difficiles à gérer localement», se défend Kassa Aïssi, chargé de la communication du FLN. Ce qui peut parfois mener à des dépassements, comme celles enregistrées par la Commission nationale de surveillance des élections législatives (CNSEL), qui fait état de dizaines de plaintes quotidiennes concernant des affichages irréguliers. «Nos membres locaux ont pu constater qu'il y a énormément de problèmes d'affichage sauvage, et ce, dans toutes les wilayas», explique Benatallah Redouane, rapporteur au sein de la CNSEL. Toutefois, la Commission, qui a droit de regard sur la forme et la manière, a-t-elle son mot à dire sur le fond et le contenu de ces affiches ? «Nous nous prononçons que très rarement quant au contenu. Hormis lorsqu'il s'agit d'atteinte aux symboles du pays ou encore à l'utilisation des symboles ou réalisations de l'Etat», affirme le membre de la CNSEL. Et s'il est une affiche qui a bien été critiquée pour ces griefs, c'est celle de l'Alliance de l'Algérie verte qui regroupe le MSP, Ennahda et El Islah. Le poster, dont la couleur dominante est naturellement le vert, montre Amar Ghoul, tête de liste de cette troïka islamiste à Alger et accessoirement ministre des Travaux publics. En fond, une portion d'autoroute, des ouvriers sur un chantier, un viaduc… Le ministre-candidat a-t-il le droit d'utiliser les ouvrages publics que son secteur a exécutés ? «Non ! La Commission a fait part de ses observations et a demandé l'intervention de la Commission de supervision des élections. Il a été demandé à ce candidat de ne plus utiliser ce poster qui instrumentalise l'autoroute», affirme M. Benatallah. Ce que nie le MSP par le biais de son chargé de la communication, Kamel Mida. «Tout d'abord, ce n'est pas l'autoroute Est-Ouest mais une voie à Alger», tient-il à préciser. «Il est candidat à Alger et il est normal qu'il montre ses réussites», estime M. Mida. De même, affirme ce dernier, nulle interdiction d'afficher ne leur été notifiée. «Il n'y a que la presse qui a critiqué ce poster. Mais nous n'allons plus l'utiliser», ajoute-t-il, expliquant, après un moment d'hésitation, que «ce n'est que la première affiche, celle de la première semaine de campagne. A partir de cette deuxième semaine, nous allons coller d'autres modèles, avec les autres candidats».