Quelques entreprises algériennes publiques, mais surtout privées peuvent prétendre figurer, dans quelques années, parmi les plus dynamiques en Afrique et dans le monde. Elles sont moins d'une dizaine. Les citer serait faire des jaloux tant les critères retenus sont pêle-mêle, la croissance des ventes, le réinvestissement, l'emploi, l'exportation ou la substitution à l'importation. Ces entreprises ont d'autant plus de mérites qu'elles arrivent à se développer et à créer des richesses dans l'un des environnements les plus hostiles aux affaires. Pour être justes, les décideurs ne veulent pas consciemment bloquer le monde des affaires. Ils croient au contraire qu'ils sont en train de tout faire pour faciliter l'investissement et la création d'emplois. Ils s'étonnent même que les dirigeants d'entreprise puissent leur faire tant de reproches. Mais nous avons une toile d'institutions organisée pour faire déraper n'importe quel projet ; même les bonnes décisions que le gouvernement peut prendre. Il y a lieu de saluer les performances de ces entreprises dans un tel contexte. Elles sont au seuil de figurer parmi le gotha mondial des meilleures entreprises. Mais il leur reste un grand pas à franchir, celui de mettre en place les processus qui leur permettront d'arriver enfin. Quelques axes à développer Lorsqu'on est au seuil de devenir une entreprise de classe mondiale, pour passer à l'étape ultérieure, on est contraint de revoir en profondeur les politiques managériales. Nul ne peut expliciter la globalité des processus à reconfigurer tant l'opération est complexe, délicate et relève du cas par cas. Néanmoins, on peut spécifier les activités les plus importantes, ce que l'on appelle communément les facteurs-clés de succès. Ce sont des tâches, qui entreprises avec efficacité, vont booster le processus d'amélioration. Nous pouvons en citer les plus commentées. Les entreprises, qui demeurent fondamentalement entreprenantes, CAD, se développent sans cesse dans de nouveaux domaines stratégiques, ont intérêt à séparer l'activité projet du management opérationnel. Elles doivent donc avoir une direction de projets ou une filiale. Il n'est pas conseillé de faire les deux par une structuration classique. En second lieu, à cette étape «la firme» ne peut plus différer son devoir de concevoir sa mission et ses valeurs. Les dirigeants entrepreneurs considéraient ces outils comme des gadgets ou des concepts théoriques dénués de tout fondement pratique. Mais si on veut jouer dans la cour des grands, il est indispensable de franchir ce pas. Par ailleurs, les entreprises élites cultivent inlassablement et méthodiquement la doctrine de la recherche des meilleures pratiques. Si un concurrent ou une entreprise hors secteur sont très efficients en gestion des stocks, il est indispensable de savoir pourquoi et de transférer ce qui est meilleur. L'orientation client est souvent déjà pratiquée. L'entreprise a réussi parce qu'elle satisfait mieux que les autres ses clients. Mais cela devient insuffisant. Il faut maintenant que son système d'information management véhicule plus d'informations externes qu'internes. L'investissement et la modernisation du système de veille deviennent insuffisants s'ils sont trop orientés internes. Les véritables menaces et opportunités sont externes et trop souvent au niveau mondial. Alors, investir et moderniser un système qui brasse 80% d'informations uniquement internes (coûts de production, comptabilité, stocks, etc.) devient peu performant, car l'activité interne va engloutir toutes les ressources et les énergies des responsables, alors que les entreprises élites se focalisent sur l'extérieur. L'identification de nouvelles possibilités d'investissement devient l'affaire de la plupart des membres de l'entreprise. Elle devient une activité complémentaire du management opérationnel et l'affaire de tous. Il faut donc savoir faire coexister une capacité d'analyse stratégique avec la recherche de nombreuses options stratégiques identifiées par les membres de l'entreprise à tous les niveaux. On évite la paralysie par trop d'analyses et le gaspillage des idées stratégiques qui peuvent surgir de tout part. On parle de développer et cultiver en interne l'esprit d'entrepreneurship à tous les échelons hiérarchiques. Car les entreprises élites ne se contentent pas de devenir compétitives dans des marchés traditionnels comme par le passé, mais se mettent également à en créer. On parle d'une nouvelle dimension à acquérir. Une entreprise leader sait créer de nouveaux espaces stratégiques et non seulement se développer dans ceux qui existent. Elle peut passer par exemple d'une ligne de produits diététique à une autre plus élaborée qui est diététique, bio, convenant aux diabétiques et ayant un goût de normalité. Le management de l'innovation devient donc son fer de lance pour conquérir des marchés internationaux et s'y développer. Jusqu'à présent, l'entreprise faisait bien ce que toutes les autres font. A partir de maintenant, elle va faire ce que les autres méconnaissent. Les entreprises championnes comptent surtout sur la promotion interne. Elles deviennent leur propre école. Certes, elles forment leur personnel aux savoir-faire universels : technologie, management, comptabilité et le reste. Mais elles inculquent en interne les valeurs et les règles qui leur sont propres et qui ont permis la réussite. Pour cela, le taux de promotion interne est de loin supérieur au taux de recrutements externes au niveau des hauts postes. Il est donc indispensable que les mécanismes de management opérationnels commencent à planifier la relève très tôt pour la plupart des postes de haut et de managers intermédiaires. Il sera extrêmement compliqué de dupliquer sa culture avec un taux de rotation de personnel trop élevé ou un fort taux de recrutement externe. On peut se le permettre au début de son développement, mais pas lorsqu'on veut faire partie du gotha mondial des entreprises d'excellence.Les processus de gestion budgétaires changent également radicalement. L'outil budgétaire devient un instrument de participation, de mesure (gérer c'est mesurer) et de responsabilisation. Mais on évite d'augmenter de x% les chiffres de l'année passée pour obtenir un budget consensuel. Le processus budgétaire doit suivre les attitudes des meilleurs éléments qui décident de booster leurs performances, être comparé par rapport à l'extérieur (les marchés, les concurrents) et cesser d'être une routine administrative supplémentaire. La méthode de prise de décision change également radicalement. Les options qui seront présentées au conseil d'administration découlent d'un laborieux processus qui mobilise toute l'intelligence interne en vue de produire les meilleures options possible, considérant le contexte. On n'oublie que le facteur-clé de succès numéro un de ces entreprises bâties pour gagner et durer demeure le management de l'intelligence. Ce sont les multitudes de commissions transversales, elles-mêmes alimentées par des inputs de toute part, qui expliquent les immenses progrès des entreprises de classe mondiale. En fin de compte La brève et même caricaturale présentation des entreprises élites a occulté de nombreux autres points vitaux : comme la coopération, les partenariats, les acquisitions, le management de la recherche et développement, le contrôle de gestion et autre. Ceci est inévitable. Nous avons tout simplement présenté quelques lignes directrices pour les entreprises qui veulent devenir des stars internationales. Elles sont déjà bonnes, mais elles aspirent à devenir excellentes.