De l'avis des experts ayant présenté leurs conclusions au cours d'un séminaire de la Columbia School of Journalism tenu récemment à New York, un effondrement de la zone euro n'est plus une hypothèse à écarter. New York. De nnvoyée spéciale Le week-end européen était électif. Deux scrutins majeurs sont venus perturber le repos dominical, en France et en Grèce, et troubler le sommeil des banquiers centraux et des financiers de la zone euro qui s'enlise chaque jour un peu plus dans la crise. Le bateau Europe prend l'eau de partout et risque tout bonnement de sombrer. En Algérie, on ne peut nullement rester insensible à l'évolution de la crise. Fortement rattachée à la zone euro pour son commerce extérieur, inexorablement dépendante des hydrocarbures pour ses revenus et ayant investi massivement dans des programmes publics inefficients sur le plan du dynamisme économique, l'Algérie risque gros avec un effondrement de l'euro. Car l'incertitude gagne les esprits d'autant que la perspective d'une sortie précipitée de la Grèce de la zone euro et de l'éclatement de l'union monétaire avec une diffusion du mal aux 5 pays périphériques donnent des sueurs froides aux responsables politiques et aux banquiers, qui recherchent quelques canoës pour sauver leurs meubles du naufrage. En France, le président socialiste, fraîchement élu, est en quête de la majorité parlementaire qui lui permettra de mettre en œuvre son pack de croissance et de rechercher une autre voie pour l'Europe. Se pencher sur la croissance et la compétitivité en lieu et place du rigorisme et de l'austérité allemands, rejetés partout en Europe, tel est son credo. Une austérité qui pèse d'ailleurs depuis plus de deux ans sur les Grecs qui dessinent depuis hier, par l'entremise des urnes, non seulement leur avenir européen mais celui de toute la zone euro. L'attitude du futur gouvernement décidera au final du maintien ou non de la Grèce en zone euro et de tout ce que cette possibilité implique comme conséquences. La situation en pays hellénique est suivie de très près non seulement en Europe, mais outre-Atlantique où l'on craint la diffusion de la crise à l'ensemble des «pays périphériques» de la zone euro, à savoir l'Irlande, le Portugal, l'Espagne et l'Italie. L'Américain et président sortant de la Banque mondiale, Robert Zoellick, dit craindre un choc en Europe semblable à celui induit par la faillite de Lehman Brothers en 2008 aux Etats-Unis. Une déclaration qui reflète clairement les craintes nourries par une sortie de la Grèce et, par ricochet, un défaut sur le paiement de sa dette sur les banques européennes d'abord et sur l'ensemble de l'économie mondiale ensuite. D'ailleurs, les banques centrales en Europe, en Grande-Bretagne et même la Réserve fédérale américaine se préparent déjà à pourvoir les banques en liquidités. Tandis que certaines institutions financières ont tout simplement arrêté d'acheter les obligations italiennes et espagnoles. Effondrement de la zone euro... De l'avis des experts ayant présenté leurs conclusions au cours d'un séminaire de la Columbia School of Journalism tenu récemment à New York, un effondrement de la zone euro n'est plus une hypothèse à écarter. C'est même une possibilité qu'il faut «sérieusement envisager». Ce qui n'est pas pour rassurer les Américains, qui estiment l'exposition de leur secteur financier à un effondrement de la zone euro à hauteur d'un demi-billion de dollars. Un coup qui pourrait mettre à mal des banques, déjà malmenées par la crise des subprimes, qui réussissent à peine à assainir leur portefeuille de crédits. Or, le scénario extrême qui inquiète le plus est celui d'une sortie de la zone euro de la Grèce dont le ratio au PIB de la dette cumulée par l'Etat, les emprunteurs hypothécaires et les compagnies non financières flirte avec les 280%. Selon les projections des divers experts, la concrétisation d'un tel scénario qu'ils aiment à appeler «grexit», sera lourde de conséquences en premier lieu sur le pays hellénique avec une chute brutale du PIB et l'augmentation de l'inflation. La Grèce perdrait ainsi en 2013, 10% de son PIB et aura à gérer une inflation de plus de 20% avec une dépréciation de 60% du nouveau drachma, la monnaie grecque qui surgira en parallèle de l'euro. Le ratio de la dette globale du PIB pourrait aussi atteindre, en 2013, dans ce scénario du «grexit», les 400%. C'est dire toute la responsabilité des nouveaux gouvernants helléniques qui devront faire les choix pragmatiques de la realpolitik ou coller aux arguments jusqu'au-boutistes qui trouvent écho au sein des masses effarouchées par l'austérité. Il est clair aussi que le «grexit» aura des conséquences sur la zone euro pour laquelle on prévoit une récession à -0,7 % en 2013, dans la mesure où il affolera les marchés financiers. Lesquels marchés pourraient redoubler d'agressivité envers des pays mal notés, attaqués depuis plusieurs mois déjà et qui doivent emprunter à des taux d'intérêt élevés. C'est ainsi que la crise pourrait très vite se propager aux pays périphériques. L'Italie est d'ailleurs en première ligne. Si le nouveau président du Conseil, Mario Monti, a réussi un train de réformes salvatrices au point d'être surnommé, outre-Atlantique, avec le président la BCE Mario Draghi, «Super Mario Brothers», le problème de la dette est épineux pour Rome. C'est un acquis : le déficit public est désormais estimé à -3% du PIB alors que le ratio de la dette au PIB dépasse les 123% et ce n'est pas près de changer vu la structure de l'endettement italien dont les coûts s'envolent. Une crise aux dimensions multiples La crise pourrait également s'approfondir dans sa dimension bancaire, dans la mesure où un défaut de la Grèce impacterait lourdement les bilans de nombreuses banques européennes détenant de la dette grecque dans leurs portefeuilles. Plus encore, il existe une importante interaction entre la crise des dettes souveraines de la zone euro et l'augmentation des risques bancaires. Ce qui n'est pas pour arranger les affaires de ces institutions financières dans la mesure où celles-ci demeurent vulnérables à la prédominance des portefeuilles de crédit sur l'ensemble des actifs et, dans certains cas, la faiblesse ou plutôt la baisse des dépôts bancaires, les cas les plus édifiants étant ceux de la Grèce où les déposants en perte de confiance retirent massivement leurs fonds, ou encore l'Espagne où le monstre Bankia qui a fusionné les défaillances de 7 caisses d'épargne régionales, et le micmac de la reprise de la Caja Mediterraneo qui ont fini par décrédibiliser totalement la sphère bancaire. Les opérations de refinancement à long terme ont, en ce sens, réussi à stabiliser quelque peu les banques européennes, mais ce n'est qu'une solution qui permet de gagner du temps face à des problèmes d'ordre structurel. Car la zone euro doit faire face à des problèmes liés à la perte de compétitivité de la majorité de ses économies et, par voie de conséquence, des déséquilibres des balances commerciales de tous ses membres, à part le cas allemand. Le défi pour l'Europe est aujourd'hui de rechercher la croissance en proposant des packs de stimulus monétaires. D'ailleurs, certains experts américains trouvent un certains pragmatisme dans la démarche de François Hollande. L'investissement dans l'innovation et l'infrastructure, ainsi que la création d'«eurobonds» sont pour eux autant de pistes qui méritent d'être explorées, mais pas seulement. Le coût du travail est aussi, semble-t-il, l'un des points à revoir pour rehausser la compétitivité. En tout état de cause, il n'existe, pour l'heure, pas de solution miracle. En termes plus clairs : seul le temps décidera de l'issue de la crise. En attendant, l'onde de choc mettra à mal de nombreux pays, particulièrement ceux d'Europe orientale ayant de fortes implantations de banques européennes et ceux de la région MENA dépendant commercialement de la zone euro. C'est le cas notamment de l'Algérie, qui réalise 60% de son commerce extérieur avec l'UE. Côté américain, on estime qu'il est aujourd'hui de l'intérêt de nombreuses économies de rechercher les opportunités de croissance ailleurs qu'en Europe. La Chine se dresse d'ailleurs comme cette locomotive attendue et on n'hésite pas à prédire à l'empire du Milieu risque de devenir la première puissance économique mondiale à l'horizon 2020. De quoi nous pousser à repenser nos priorités et nos partenariats.