L'ancien président Chadli Bendjedid est décédé hier à Alger à l'âge de 83 ans des suites d'un cancer. Il avait été admis, il y a plus d'une semaine, à l'hôpital militaire de Aïn Naâdja. Chadli Bendjedid a été à l'origine de la démocratisation des institutions, notamment par la promulgation d'une Constitution pluraliste en février 1989. Après le raz-de-marée du FIS aux élections législatives, Chadli Bendjedid a dû démissionner le 11 janvier 1992. Agé de 83 ans, l'ancien chef d'Etat, Chadli Bendjedid, est décédé, hier, à l'hôpital militaire de Aïn Naâdja à Alger, des suites d'une longue maladie. Hasard de l'histoire, le troisième président de l'Algérie indépendante disparaît tout juste 24 ans après les événements d'Octobre 1988. Un moment charnière dans l'histoire du pays dont les prolongements allaient accélérer son départ du pouvoir, quatre années plus tard, et qui précipitent le pays dans une terrible guerre civile. Il quitte la présidence de la République le soir du 11 janvier 1992. Et c'est l'image que les Algériens gardent de lui, lisant sa lettre de démission avant de remettre les clés du palais d'El Mouradia au chef de l'armée. Depuis, Chadli Bendjedid, qui avait succédé au colonel Houari Boumediène à la tête de l'Etat, s'est retiré de la vie publique en menant une vie loin des arcanes du pouvoir. Il est parti en solitaire. «Depuis son départ de la Présidence, il a coupé contact avec tout le monde. Il refusait souvent de recevoir des personnalités publiques qui le sollicitaient. Cependant, il suivait les événements qui bouleversent le pays et lisait régulièrement la presse», témoigne l'universitaire Abdelaziz Boubakir, l'un des rares qui le côtoyaient ces dernières années. Les quelques apparitions publiques du Président aux cheveux blancs se limitaient à des cérémonies officielles à côté de Abdelaziz Bouteflika ou bien en assistant aux obsèques des personnalités nationales, où il est d'ailleurs quasi impossible de lui arracher un mot. L'homme qui a régné pendant treize ans s'est imposé un silence pesant. En entretenant le mystère, Chadli est devenu une énigme. L'opinion publique guettait la moindre déclaration de lui pouvant élucider quelques zones d'ombre d'une période politique où, d'une part, tout n'est pas encore dit et d'autre part traumatisante. L'homme qui se mure dans un silence total, alors qu'il se retrouvait souvent au centre des controverses et d'attaques dont il faisait régulièrement l'objet, est assailli de partout, notamment par ceux qui ont repris le pouvoir au lendemain de sa démission, pour ne pas dire ceux qui l'ont démis. L'ancien colonel rompt le silence en recevant, en 2001, quelques journalistes chez lui pour dire ses «vérités». «Mais personne n'a obligé Chadli Bendjedid au silence qui part la conscience tranquille et qui ne regrette rien (…).» Chadli Bendjedid exprimait tout ce qu'il pensait également des islamistes du FIS dissous. «Des hypocrites politiques qui instrumentalisent la religion pour arriver au pouvoir», disait-il dans un entretien au quotidien Le Matin. Il n'a pas manqué l'occasion d'écorcher le président Bouteflika, d'attaquer Khaled Nezzar et de régler ses comptes avec Ben Bella, tout en prenant le soin de ne pas les nommer. L'homme était visiblement rongé par l'amertume, mais sans perdre de sa sérénité. En rentrant chez lui, Chadli a emporté dans ses cartons de nombreux secrets de la République. Il a bien pris soin de les ranger au fond de sa mémoire. Après treize ans de règne et vingt ans après son départ volontaire ou forcé des affaires, Chadli Bendjedid reste un personnage qui divise les Algériens. Un homme qui suscite la controverse. Très rapidement après sa prise de pouvoir, le 7 février 1979, il opère un virage à droite en engageant le pays sur la voie du libéralisme. C'est la rupture avec le Boumediénisme ! Chadli s'en défend. «Avant sa disparition, Boumediène pensait sérieusement à introduire des changements radicaux dans la politique agricole, la politique industrielle et les nationalisations. Ceux qui m'accusent d'avoir effacé les traces de l'ère Boumediène sont précisément ceux qui ont le plus bénéficié de la situation et qu'on appelle les barons du régime», répond-il. Chadli lève la résidence surveillée qui pesait sur Ben Bella et rend à Ferhat Abbas sa liberté. Un geste qui est perçu comme un signe d'ouverture. Mais vite, le désenchantement s'installe. Les années Chadli s'ouvrent aussi avec la terrible répression contre les manifestations de Kabylie d'avril 1980. Face à la demande démocratique, le nouveau maître du pays oppose la répression. Commence alors un cycle de violences contre les militants de la démocratie et les arrestations arbitraires s'enchaînent. Les enfants de chouhada en 1983 et aussi et surtout les fondateurs de la Ligue algérienne des droits de l'homme, à leur tête le militant nationaliste Ali Yahia Abdenour en compagnie de Sadi, Ferhat, les frères Aït Larbi, Ali Rebaïn, qui séjournent dans le sinistre pénitencier de Berrouaguia. Islamistes et communistes ne furent pas épargnés par la répression du pouvoir de Chadli. Quand l'opposant Ali Mecili a été assassiné à Paris en 1987, l'opposition a accusé le pouvoir d'Alger. Avec les événements d'Octobre 1988, la répression atteint son apogée. Le bilan est lourd. Plus de 500 morts, des centaines de blessés et des militants torturés. L'insurrection populaire fait vaciller les fondements du régime et le pouvoir de Chadli commence à chanceler. C'est le début de la fin d'une époque, ouvrant la voie à une autre encore plus tragique.