À voir l'ampleur de l'exode qui affecte certains villages de la commune de M'cisna, on se rend à l'évidence que l'équilibre ville-campagne, qu'on projetait d'atteindre via les programmes successifs de développement, relève d'une chimère. Ighil Meloulen et Iazzouzen, éloignés respectivement de 8 et 20 km du chef lieu communal M'cisna, illustrent de manière désarmante cette saignée inexorable, subie au fil des ans. Pourtant, de gros efforts de développement, en matière d'infrastructures routières, d'AEP et d'électrification notamment, ont été consentis à l'effet de fixer ces populations. Pour autant, «les candidats au départ sont toujours plus nombreux», constate avec amertume Yahia, résidant au village Iazzouzen. Pour ce campagnard, l'esprit de clocher, si solide soit-il, n'y peut rien quand les conditions d'une vie décente ne sont pas réunies. «Cela relève de l'impossible que d'habiter à 40 km de son lieu de travail et à 30 km de l'hôpital le plus proche», analyse-t-il. Le village Ighil Meloulen, qui se découvre sur le lointain, ressemble à une mosaïque d'objets hétéroclites serrés les uns contre les autres. Les vieilles bâtisses étalent au grand jour les stigmates infligées par la patine et l'oubli de l'homme. «La plupart des villageois sont allés s'installer à Seddouk, d'autres à Sidi Aich. Ils ne reviennent ici que pour ramasser leurs olives ou assister à un enterrement», dira à notre adresse Bachir, lui-même «forcé à l'exode pour survivre», confie-t-il. Bien des villageois invoquent la dislocation de l'économie rurale traditionnelle, comme étant l'une des principales causes de ces départs en cascade. «Ce n'est un secret pour personne, la terre ne nourrit plus son homme, comme au temps jadis», dispose notre compagnon d'un jour. Toujours est-il que certains villageois n'ont manifestement jamais réussi à faire le deuil de leur patelin. Et pour preuve, ils nous disent entrevoir la possibilité d'un retour au village. «Pour peu, insistent-ils, que le renouveau du monde rural, prôné par les pouvoirs publics, ne soit plus un vain mot».